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Le père des accords d’Oslo était un optimiste obligatoire
Gilles William GOLDNADEL | Le Figaro.fr
Article mis en ligne le 29 septembre 2016

Shimon Pérès avait compris que l’État hébreu, pour survivre, devait être àla fois fort et juste, argumente le président de l’Association France-Israë l Gilles William Goldnadel, avocat àla courTout a été dit, au cours de sa longue vie, sur Szymon Perski. Qu’au terme de celle-ci, le regard des hommes sur Shimon Pérès se fasse bienveillant, en dépit de la cruauté de l’histoire proche-orientale, valide cet optimisme obligatoire qui caractérisait le défunt Prix Nobel de la paix.

Tout a été dit sur lui, de nombreuses vérités, et beaucoup de sottises. L’homme était madré, on le disait roué. C’est qu’il connaissait bien la nature des hommes. Un optimiste obligatoire se décide sans doute un jour d’aimer les hommes, àcommencer par lui, malgré leurs défauts et àcause d’eux. Il faut beaucoup d’optimisme, lorsqu’on est israélien et que l’on souhaite contribuer àla survie d’un pays menacé en permanence, pour accepter la médiocrité intellectuelle et morale de son personnel politique. On ne dira jamais assez combien le système de recrutement électoral de celui-ci - les législatives ont lieu àla proportionnelle intégrale - handicape les meilleurs esprits et favorise les apparatchiks sinueux.
Une alliance atomique avec la France socialiste
Shimon Pérès, Yitzhak Rabin, aujourd’hui Benyamin Nétanyahou ont accepté cette règle absurde. Le peuple israélien, désabusé et résigné, a fini par comprendre que le compromis nécessaire n’était pas forcément la compromission. Il n’en demeure pas moins que pendant des années, Shimon Pérès - qui n’aura jamais gagné aucune élection àla tête de son parti - fit figure de mal-aimé dans son propre pays, avant que d’être demain pleuré par son peuple en entier.

Shimon le madré ne s’était pas couvert de gloire sur les champs de bataille, mais avait contribué àla survie d’Israë l en achetant des armes tchécoslovaques ou en nouant une alliance atomique avec la France socialiste et empathique àl’égard de l’État juif dont il était si proche dans les années 1950. Plus d’un demi-siècle plus tard, son peuple ne l’a pas oublié.
« Un faucon devenu colombe »
Les observateurs, et jusqu’àcertains grands penseurs, décrivent souvent Shimon Pérès comme « un faucon devenu colombe ». Notons tout d’abord que dans ce vocabulaire paradoxal d’ornithologues, le faucon est une espèce qui ne planerait que dans le ciel de Tel-Aviv et jamais au-dessus de Gaza, de Ramallah ou de Téhéran…

Plus profondément, le mérite principal de Pérès, complexe et pascalien, fut d’avoir compris qu’Israë l pour survivre était condamné àêtre fort et juste. Il fut les deux. Et arriva àconvaincre son rival plus populaire, Rabin, de tenter la paix avec le peuple Arabe de Palestine. Il faut l’avoir entendu en privé désespérer des atermoiements et des reculades de Yasser Arafat pour mesurer l’abnégation du personnage.

C’est vrai que les Israéliens dont la majorité avait voulu croire àOslo lui ont tenu d’abord méchante rancune de leur déception. Mais ils n’ont pas été les seuls àse montrer injustes envers les deux parents de cet accord manqué. Qu’il me soit permis de rappeler un article qu’il m’a fallu commettre àl’époque dans ces mêmes colonnes, intitulé « SOS Rabin », et qui aurait pu tout aussi bien s’appeler « SOS Pérès  ».

Au beau milieu des pourparlers entre les protagonistes d’alors, le Hamas jetait ses bombes àTel-Aviv comme àJérusalem. Arafat condamnait du bout des lèvres ces attentats mais en profitait pour exiger plus de concessions. Il arrêtait le soir des terroristes islamistes pour les relâcher le lendemain matin. Pérès et Rabin avaient donc décidé de « négocier comme s’il n’y avait pas de terrorisme et de combattre le terrorisme comme s’il n’y avait pas de négociations ».
Pas épargné par la sottise
À l’époque, je suppliai pour ma part les observateurs, comme toujours si sévères envers Israë l lorsqu’il recourt àla force militaire, de faire montre de plus d’esprit critique envers les Palestiniens et de prendre en compte la nécessité où se trouvaient Pérès et Rabin, dans un cadre démocratique exigeant, de convaincre le peuple israélien désespéré de la nécessité de poursuivre le processus engagé.

Rabin a été enterré sous des tonnes de fleurs. Le 30 septembre, Shimon Pérès sera couvert d’éloges. Je n’ai pas oublié les crachats qu’ils ont reçus en Occident et de leur vivant lorsqu’ils ont essayé de lutter contre la terreur en même temps que pour la paix.

L’ancien président de l’État d’Israë l est mort compris et respecté. Il n’aura pourtant pas été épargné par la méchanceté et la sottise des hommes. Le plus grand hommage posthume qu’on puisse lui rendre est de juger le pays qu’il aura si bien servi et qu’aujourd’hui l’on maltraite, avec la même équité. L’histoire est souvent injuste et cruelle. Mais comme Shimon Pérès, condamnons-nous àl’optimisme obligatoire.