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Liban - Israë l : qui viole quoi ?
Hélène Keller-Lind
Article mis en ligne le 21 août 2006

Pour savoir de quoi l’on parle, encore faut-il connaître les textes. Et l’on verra alors que le raid israélien du 19 aoà»t dans la Beeka ne constitue en rien une «  première violation de la résolution 1701  » comme on a pu l’entendre àloisir, mais qu’Israë l a dà» agir devant les violations flagrantes et permanentes de cette résolution et des précédentes. Violations qui menacent clairement tout espoir de paix dans la région.

Le 19 aoà»t le Secrétaire général des Nations Unies disait être « très préoccupé par la violation de la cessation des hostilités établie dans la résolution 1701 par la partie israélienne.  »

Il faisait allusion au raid israélien mené le matin même dans la vallée de la Beeka, près de Baalbek, au coeur d’un fief du Hezbollah, milice pro-iranienne qui veut la destruction d’Israë l, àl’Est du Liban.

Même accusation de « violation  » de la part d’un Liban àcécité sélective qui a menacé de suspendre le déploiement de l’armée libanaise dans le sud du Liban. Une armée composée à60 % de chiites et dont on sait pertinemment qu’elle ne fera rien pour désarmer le Hezbollah, un accord étant intervenu entre les deux parties et qui prévoit que le mouvement terroriste se borne àne pas faire étalage de ses armes en public.

Et il faut se souvenir àcet égard que gouvernement libanais, FINUL et Conseil de Sécurité ont laissé allégrement violer la résolution 1559 du 2 septembre 2004 depuis sa signature. Celle-ci exigeait, entre autres, « que soient désarmées toutes les milices libanaises et non libanaises.  » Violations qui ont permis au Hezbollah d’être surarmé en toute impunité par Iran et Syrie et d’acquérir, entre autres, quelque 15.000 roquettes ou missiles dont 4.000 ont été tirées en un mois sur les populations civiles du nord d’Israë l - ou des roquettes anti-chars et matériel de communication dernier cri. Impressionnant arsenal stocké dans un réseau de souterrains bien organisés au sud du Liban. Ou dans la vallée de la Beeka.

Dans le cas du raid du 19 aoà»t, au cours duquel un officier israélien et trois membres du Hezbollah ont été tués et deux soldats israéliens et un nombre non divulgué de miliciens libanais blessés, Israë l explique l’avoir mené pour entraver une livraison d’armes au mouvement terroriste àpartir de la Syrie. Livraison qui constituait non seulement une violation de la résolution 1559, mais aussi de la résolution 1701, celle-ci stipulant que le Conseil de Sécurité « demande au Gouvernement libanais de sécuriser ses frontières et les autres points d’entrée de manière àempêcher l’entrée au Liban sans son consentement d’armes ou de materiel connexe,  » poursuivant que le Conseil de sécurité « 15. Décide en outre que tous les Etats devront prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher, de la part de leurs ressortissants ou àpartir de leurs territoires ou au moyen de navires de leur pavillon ou d’aéronefs de leur nationalité,

- a) La vente ou la fourniture àtoute entité ou individu situé au Liban d’armes et de materiel connexe de tous types, y compris les armes et leurs munitions, les véhicules et le matériel militaires, le matériel paramilitaire et leurs pièces de rechange, que ce materiel provienne ou non de leur territoire, et

b) La fourniture àtoute entité ou individu situé au Liban de toute formation ou moyen technique lié àla fourniture, àla fabrication, àl’entretien ou àl’utilisation des matériels énumérés au paragraphe a) ci-dessus, étant entendu que ces interdictions ne s’appliqueront pas aux armes, au materiel connexe, aux activités de formation ou àl’assistance autorisés par le Gouvernement libanais ou par la Finul, comme elle y est autorisée au paragraphe 11 ;  »

Dans cette dernière résolution en date, la 1701, le Conseil de Sécurité soulignait également que : « il importe que le Gouvernement libanais étende son autorité àl’ensemble du territoire libanais, conformément aux dispositions des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006), et aux dispositions pertinentes des Accords de Taë f, afin d’y exercer intégralement sa souveraineté, de sorte qu’aucune arme ne s’y trouve sans le consentement du Gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre que celle du Gouvernement libanais ;  »

Or, dans le cas précis du raid israélien, àl’évidence, ces dispositions des résolutions 1559 et 1701 n’ont pas été respectées et ont été clairement violées. Pour preuve, il suffit de se référer, par exemple, au reportage diffusé par France 2 le 19 aoà»t au soir. Sous le titre : Liban : opération commando israélienne. Voir : http://jt.france2.fr/20h/

Un « témoin  » apparemment « civil  » libanais montre les champs environnants et affirme qu’il n’y a dans cette région pastorale aucun transfert d’armes... Mais, la journaliste Sana Soulah, àqui il faut rendre hommage pour l’honnêteté de son reportage, ironisera quelque peu en montrant sur ces « chemins de campagne  » une voiture pleine de « miliciens du Hezbollah  » armés...

Une question annexe se pose : étant donné qu’ils ne portent pas d’uniformes, peut-on les considérer comme des « civils  » ?

Autre question : est-ce avec l’accord du gouvernement libanais que ces miliciens seraient-ils omniprésents, puisque la résolution 1701 fait état de « l’engagement pris par le Gouvernement libanais, dans son plan en sept points, d’étendre son autorité sur son territoire, par l’intermédiaire de ses propres forces armées légitimes, de sorte qu’aucune arme ne s’y trouve sans le consentement du Gouvernement libanais et qu’aucune autorité ne s’y exerce autre que celle du Gouvernement libanais...  »

En fait d’autorité libanaise on ne verra dans ce reportage que des « frères du Hezbollah  » et comme interlocuteur officiel Ahmad Raya, un responsable de la communication du Hezbollah, que l’on verra aussi sur TF1 ce même soir. Sana Soulah dit d’ailleurs que celui-ci « gère les ruines comme des trophées.  » Ruines qui, ajoute-t-elle, sont un passage obligé pour les journalistes. Alors que la ville de Baalbek dans son ensemble, «  aux trois-quart chiite , » décorée des fameux drapeaux jaunes et verts et de mega portraits d’un Nasrallah dà»ment enturbanné, semble ne pas avoir été touchée et être plutôt florissante.

Violations au Sud

Quant au Sud du Liban, où il devait y avoir, selon la résolution 1701 « l’adoption d’un dispositif de sécurité qui empêche la reprise des hostilités, notamment l’établissement, entre la Ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le Gouvernement libanais et les forces de la Finul autorisées en vertu du paragraphe 11,  » on ne peut que constater les même violations flagrantes car «  personnels armés et armes  » y abondent. Même s’ils sont cachés.

A cet égard les reportages réalisés dans la région sont édifiants. A l’instar de cet article publié du Sunday Times. Voir : http://www.timesonline.co.uk/article/0,,2089-2320456,00.html

On y voit que le Hezbollah - ici le personnage central est un ingénieur, membre du Hezbollah àmi-temps, donc un « civil  » - tient le haut du pavé et continue àse substituer àune autorité centrale défaillante, malgré la présence de troupes régulières libanaises dans la région.

Des sommes considérables et en liquide sont distribuées dans la région par des membres du Hezbollah en civil... Jusqu’à12.000 $ àtoute personne inscrite sont versés sous 48 heures. Mahmoud Ahmadinejed aurait promis « un milliard de dollars, ou des sommes illimités selon d’autres sources...  » Chiffres qui font pâlir les 500 millions promis par l’Arabie Saoudite ou les 300 millions promis par le Koweit...et qui font paraître bien dérisoire ce paragraphe de la résolution 1701 qui : « Demande àla communauté internationale de prendre des mesures immédiates pour prêter son concours financier et humanitaire au peuple libanais, notamment en facilitant le retour en toute sécurité des personnes déplacées et en rouvrant les aéroports et les ports sous l’autorité du Gouvernement libanais, conformément aux paragraphes 14 et 15, et lui demande également de fournir dans l’avenir une aide àla reconstruction et au développement du Liban ;  »

On ne peut que s’étonner que de telles sommes en liquide et en dollars soient parvenues dans ces zones dont on nous avait dit qu’elles étaient totalement détruites...Voir cette photo publiée dans un quotidien de langue arabe :

http://aawsat.com/english/images/2006/08/19/l23006056.jpg

Quant au retour, il s’est déjàfait, en grande partie, on l’a vu sur les chaînes de télévision françaises, sous les jets de riz de bienvenue des habitants restés sur place. Et, sujet d’autres reportages, nombre de Libanais de toutes origines que la France avait emmenés dans l’Hexagone, rentrent par avion en passant par Amman pour l’heure.

Mais il y a plus grave que cet achat des consciences libanaises qui n’auraient pas encore été acquises au Hezbollah, qui viole la déclaration de refus d’ingérence étrangère au Liban.

Il s’agit de la nature même de l’armée libanaise qui se déploie aujourd’hui dans le Sud du Liban. En effet, comme cela a également été rapporté dans d’autres médias, Hala Jaber explique dans ce même article du Sunday Times, que nombre de militaires de l’armée régulière libanaise « sont originaires des même villages que les combattants du Hezbollah et les soutiennent. Certains ont des frères ou des cousins dans cette organisation.  » Et il confirme que, par peur de luttes intestines, «  comme l’a déclaré catégoriquement le ministre de la Défense Elias Murr, ’l’armée ne va pas prendre les armes du Hezbollah et faire le travail qu’Israë l n’a pas fait.’  » Certes. Ce qui constitue une violation flagrante de la résolution 1701 qui demande d’application «  des Accords de Taë f et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban.  »

Et on se souviendra que si Israë l n’a pu assurer ce désarmement pourtant prévu par l’ONU du Hezbollah, c’est que la France a été àla pointe de l’action diplomatique pour faire cesser au plus tôt les hostilités, tout délai étant jugé par le Président de la République comme « immoral  ». Il affirmait alors : « on ne résoudra rien par la force ; toute solution doit passer par un accord politique.  » D’où cette résolution concoctée àla hâte et qui aura du mal àrésoudre quoi que ce soit ou àparvenir au « un règlement durable  » que Jacques Chirac disait appeler de ses voeux le 9 aoà»t dernier.

Car il fallait être bien naïf, au mieux, pour ne pas prévoir les violations décrites ci-dessus...De plus, cette phrase de la résolution 1701 est également restée lettre morte jusqu’ici : « il faut remédier d’urgence aux causes qui ont donné naissance àla crise actuelle, notamment en obtenant la libération inconditionnelle des soldats israéliens enlevés... » D’ailleurs, qui aujourd’hui, àpart les familles, parle de ces soldats kidnappés ? A moins qu’il n’y ait des négociations en coulisse. Jacques Chirac, en effet, avait promis d’oeuvrer àleur libération...

Une FINUL renforcée ?

Et que dire de ce paragraphe par lequel la résolution 1701 « autorise Ia Finul àprendre toutes les mesures nécessaires dans les secteurs où ses forces sont déployées et, quand elle le juge possible dans les limites de ses capacités, de veiller àce que son théâtre d’opération ne soit pas utilisé pour des activités hostiles de quelle que nature que ce soit.  »

Laisser sur place un Hezbollah armé et qui est libre de reconstruire ses forces, puisque quasiment tout le monde, mis àpart les Israéliens, ferme les yeux, cela ne constitue-t-il pas une « activité hostile  » àlaquelle il faut mettre un terme pour « garantir un cessez-le feu permanent et une solution a long terme au conflit,  » buts affichés de la résolution ?

Et la France, pourtant co-auteur de la résolution 1701, qui déclare aujourd’hui ne vouloir envoyer que 200 soldats pour « renforcer  » la FINUL, ne fait pas mine de prendre « des mesures de nature àgarantir que la Finul est àmême de s’acquitter des fonctions envisagées dans la présente résolution.  » Le Conseil de Sécurité ayant pourtant «  exhorté les Etats membres àenvisager d’apporter des contributions appropriées àla Finul...  »

D’autant que des pays musulmans qui ne reconnaissent pas Israë l et prône sa destruction, àl’instar de l’Iran, comme le Bangladesh ou la Malaisie sont tout àfait prêts, eux, àenvoyer des troupes en nombre...

Il paraît que la mission de la FINUL n’est pas claire...Peut-être aurait-il fallu y penser avant. En attendant les forces du Hezbollah continuent àoccuper le terrain et às’y renforcer. Ce qui sera sans doute pire pour l’avenir que le statut quo ante que rejetait pourtant vigoureusement la Secrétaire d’Etat Condoleeza Rice. Avant l’intervention déterminée d’un Quai d’Orsay censé être spécialiste es-Liban.

Les 25 pays membres de l’Union Européenne doivent se réunir àBruxelles vers le 23 aoà»t pour « clarifier  » la nature du mandat de la FINUL et leur éventuelle contribution. L’élaboration d’une stratégie qui mettrait réellement fin àune cessation des violations décrites ci-dessus sera-t-elle àl’ordre du jour ?

Rares sont les voix libanaises qui ont le courage de dénoncer ces violations et les transferts d’armements en provenance de Syrie ou d’Iran. Il y a pourtant celle du Druze Walid Jumblatt, par exemple, qui dit du Hezbollah qu’il est « un Etat dans l’Etat, au service de la Syrie et de l’Iran.  » Voir, entre autres, : http://www.liberte-algerie.com/edit.php?id=62720 Ou encore Saad Hariri, chef de file du mouvement Le Futur, qui dénonce la Syrie au lendemain du discours musclé de Bachar el-Assad dans lequel celui-ci accusait les groupes anti-syriens au Liban de « collaboration et d’alliance avec Israë l.  » Voir : http://fr.rian.ru/world/20060817/52760698.html Or, on sait quel est le sort réservé dans la région àceux qui sont accusés de «  collaboration avec Israë l.  » Des executions sans procès, véritablement «  immorales  » pour le coup. Est-ce làla raison pour laquelle Israë l n’est pas ménagé non plus par le fils du Premier ministre assassiné ?

Israë l qui n’a d’autre choix que de continuer àse défendre et às’assurer qu’il ne pourra plus être attaqué par une milice sur-armée, proxy de l’Iran installé sur sa frontière nord. Avec ou sans le concours de l’ONU.