Au-delà du cessez le feu unilatéral de l’Etat Hébreu entré en vigueur ce 18 janvier 2009, il convient de faire un point sur la comparaison insupportable mais récurrente entre les évènements de la bande de Gaza et les camps de concentration nazis. Le 7 janvier 2009, le Ministre de la Justice et de la paix du Vatican a affirmé que « la bande de Gaza ressemblait de plus en plus à un camp de concentration ». Le lendemain (8 janvier 2009), Jean Marie Le Pen renchérissait en ces termes : « Ces gens sont enfermés dans un territoire dont ils ne peuvent pas sortir, il est évident que cela ressemble à un camp de concentration ».
Le 16 janvier 2009, le député travailliste Gerald Kaufman dont la grand-mère juive a été assassinée dans un camp de concentration, se livrait à un curieux parallèle lors d’un débat à la Chambre des Communes : « ma grand-mère n’est pas morte pour servir de justification aux israéliens qui tuent les grand-mères palestiniennes à Gaza ».
De même, dans les innombrables manifestations pro palestiniennes qui se déroulent chaque semaine dans les villes européennes, Israë l, diabolisé, est assimilé à l’Allemagne nazie dans un déchaînement de haine anti-juive et anti-israélienne. A cet effet, sur les banderoles exhibées figur]]ent des étoiles de David surmontées de croix gammées dans le but d’installer dans l’esprit des européens qu’il existe une identité entre la méthode employée par les nazis et celle utilisée par les israéliens dans la bande de Gaza.
La comparaison entre les juifs et les nazis poursuit néanmoins des objectifs différents suivant les intéressés qui se risquent à une telle assimilation.
Pour ce qu’il en est du Ministre du Vatican les raisons sont multiples. Il s’agit d’une part de restaurer l’image du Vatican ternie par son indifférence à l’égard du peuple juif lorsqu’il se faisait massacrer pendant la seconde guerre mondiale. En outre, en présentant les juifs de 2009 comme étant des personnes aussi féroces que l’étaient les nazis, le Cardinal Renato Martino laisse entendre que les juifs ne méritaient pas d’attention particulière à cette époque. Sa position s’inscrit d’ailleurs dans le regard évangélique sur le peuple juif puisque chaque semaine il est rappelé dans les lieux de culte catholique, que les juifs n’ont pas voulu reconnaître en Jésus le Fils de Dieu ni sa nature particulière au regard de la Trinité qui intègre également le Père et le Saint Esprit (la dispersion du peuple juif n’en est d’ailleurs qu’une conséquence). Enfin, dans les textes sacrés de l’orthodoxie chrétienne, les juifs demeurent collectivement responsables de la mort de Jésus en dépit de la modification de la doctrine depuis la période de Vatican II.
Pour ce qu’il en est du monde musulman, la comparaison entre les juifs et les nazis permet de discréditer la nation juive et ainsi de motiver les combattants. Si les israéliens se livrent à un génocide dans la bande de Gaza, c’est qu’ils sont des bourreaux inhumains capables de faire subir aux palestiniens ce qu’eux même ont endurés pendant la seconde guerre mondiale.
Il devient alors possible, conformément aux thèses développées depuis de nombreuses années notamment par le Président Iranien, d’insuffler l’esprit du Jihad avec pour finalité de chasser les juifs de Palestine en général et de Jérusalem en particulier.
Enfin, la démarche de Jean Marie Le Pen s’inscrit dans l’esprit de polémique qui le caractérise : il offre une justification aux thèses antisémites qu’il a développées tout au long de sa carrière politique, se dissocie dans le même temps des techniques innommables des nazis, et stimule enfin l’antisémitisme tapi au cÅ“ur de l’inconscient humain. Ce maître de la rhétorique et de la persuasion qui séduit par ses formules subtiles et raffinées, démontre néanmoins qu’il fascine ses adeptes par son charisme, et non par la justesse de son propos. En effet, il ne suffit pas de jouer avec le verbe ou l’éloquence encore faut-il une certaine constance dans le discours. Or, en comparant la situation de Gaza avec les camps de concentration de la seconde guerre mondiale, Jean Marie le Pen sous entend la monstruosité du système alors qu’il l’a minimisée dans le passé. Ainsi, se contredit-il de façon magistrale. Rappelons en effet que le 13 septembre 1987, alors qu’il était l’invité du grand jury RTL, le leader du Front national a avancé que les chambres à gaz étaient « un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale », (ce qui lui a d’ailleurs valu une condamnation pour « banalisation de crimes contre l’humanité » et « consentement à l’horrible »). Comment peut-il s’agir d’un détail lorsque les juifs en sont victimes et être monstrueux lorsque ces actes sont imputés aux juifs ?
Bien évidemment, et pour ce qu’il en est d’Israë l, c’est précisément ce « point de détail » qui empêche toute assimilation entre les événements contemporains à Gaza et l’extermination des juifs entre 1939 et 1945. Mieux, il participe des multiples différences fondamentales entre la situation qui prévaut à Gaza et celle vécue par les juifs dans les camps de concentration :
- Les juifs sont arrivés dans les camps de concentration parqués dans des trains, alors que les palestiniens sont nés à gaza
- L’objectif des camps de concentration était l’extermination systématique méthodique et rationnelle des juifs alors que les palestiniens peuvent croître et multiplier à Gaza comme ils l’entendent
- les palestiniens sont libres de quitter la bande de Gaza par la terre, la mer ou par les nombreux tunnels qu’ils ont creusés sous la frontière égyptienne alors que les juifs étaient enfermés dans les camps lorsqu’ils n’étaient pas éliminés dès leur arrivée.
- les juifs n’ont jamais déclaré la guerre aux allemands ni manifesté leur volonté de les exterminer, alors que les palestiniens de Gaza se sont promis de combattre les juifs jusqu’à la mort
- les juifs n’ont jamais creusé de tunnels sous les camps de concentration pour acheminer des armes et des roquettes pour les lancer sur la Pologne ou sur l’Allemagne
- les juifs n’ont pas reçu en 39-45 de nourriture et de médicaments de la part de la communauté internationale ni ne se sont vus prodiguer de soins dans les hôpitaux allemands, voire vus offrir de trêve humanitaire de 3 heures quotidiennes
- naturellement, les juifs n’ont jamais refusé de faire une trêve de plusieurs mois avec les nazis et si cette occasion leur avait été accordée, ils n’auraient pas décidé unilatéralement d’une reprise des combats d’autant qu’ils n’avaient aucune animosité particulière contre les allemands ni contre qui que ce soit.
La communauté internationale dispose théoriquement des ressources nécessaires pour circonscrire les dangers de l’antisémitisme renaissant mais gageons que pour les juifs, la période de turbulence ne dure pas trop longtemps. Il arrivera certainement un jour où les hommes sages et humbles, comprendront que la source de la règle ne vient pas d’une majorité humaine (comme dans le mécanisme démocratique) mais de principes qui lui sont extérieurs.