La Tunisie, premier pays musulman à s’être engagé sur la voie d’une révolution socio-économique printanière porteuse d’espoir, élabore aujourd’hui sa nouvelle Constitution. Ce qui se fait dans un climat pesant, après l’arrivée au pouvoir du parti islamiste Ennahdha, et bien des aspects inquiètent, comme une probable régression de tout un ensemble de libertés. C’est donc avec habileté, pour détourner l’attention, que l’Assemblée Constituante tunisienne adopte aujourd’hui le projet d’inscrire dans cette Constitution la « criminalisation  » de toute normalisation avec Israë l. Commentaires de Maître Souhail Ftouh.
La Tunisie, pays très ouvert, a été le premier pays musulman à s’engager sur la voie d’une révolution socio-économique, se débarrassant au passage de son dirigeant tout puissant, Ben-Ali.Aujourd’hui il ne reste pas grand chose des premiers temps d’une révolution qui fut « confisquée  », pour reprendre les termes de Maître Ftouh, jeune avocat tunisien qui a milité des années pour la démocratie, mais aussi Israë l et le peuple juif. Contraint à l’exil, arrivé depuis peu à Paris, il avait exprimé ses préoccupations à la mi-juillet
Aujourd’hui, son inquiétude grandit au vu de la manière dont s’élabore la nouvelle Constitution tunisienne et de nouvelles lois se préparent. Il y a, par exemple, entre autres, un projet de loi ayant pour but de condamner « le blasphème  », une clause de la nouvelle Constitution mettant à mal tout principe d’égalité hommes femmes, les femmes devenant de simples « associées  »au sein des couples. Quant à la liberté d’expression, si elle est admise en théorie, encore faudrait-il qu’elle se plie à des considérations d’ordre public ou de « bonnes mÅ“urs  ». Par ailleurs, certains craignent que ne soient pas mis en place les mécanismes constitutionnels assurant une possible alternance politique à l’avenir. Un avenir qui s’annonce donc comme bien sombre.
Manœuvre de diversion de l’Assemblée constituante : Israë l bouc émissaire
C’est sur fond de profondes inquiétudes que l’Assemblée constituante tunisienne, élue en octobre 2011, vient de manÅ“uvrer habilement pour faire diversion et tenter de les masquer en adoptant le projet d’inscrire « la criminalisation de la normalisation  » avec Israë l, non pas dans un préambule de la nouvelle Constitution mais carrément dans un article spécialement inclus dans celle-ci. D’ores et déjà dopté par l’Assemblée, ce projet d’article est formulé de manière relativement vague, ce qui ne rassure pourtant nullement quant aux possibles retombées pénales concernant les citoyens tunisiens accusés d’enfreindre cette interdiction. Quant aux relations avec Israë l, elles subiraient alors un revers de taille et, de plus, cette décision pourrait donner un très mauvais exemple...
Très préoccupé par la direction que pourrait prendre son pays, Maître Ftouh souligne que si cela était voté ce serait là « une première dans le droit constitutionnel car aucune constitution ne mentionne de pays ou de population tiers  ». Il ajoute que « l’utilisation de la question des relations avec Israë l, dites « normalisation  », est devenue le cheval de bataille pour les islamistes au pouvoir en Tunisie, en l’occurrence le parti Ennahdha, pour faire adopter une nouvelle Constitution qui est en cours de préparation au sein de l’Assemblée Constituante.
L’hypocrisie a atteint son comble étant donné que la question des relations diplomatiques avec l’État hébreu ne s’est même pas posée après cette « tempête  »de l’hiver islamique dans la région. Néanmoins, pour faire passer en bloc une Constitution qui semblerait rétrograde et régressive par rapport à l’ancienne Constitution, les islamistes ont réussi à faire passer la question de la « normalisation  » en tête du débat. Une façon malhonnête de détourner l’attention du public et d’obtenir une sorte de consensus teinté de populisme autour de cette Constitution  » conclut Maître Ftouh.
Les chances qu’une telle criminalisation figure dans un article spécifique de la nouvelle Constitution tunisienne, qui ne doit être ratifiée que fin 2013 sont bien réelles pour certains, une majorité de Tunisiens estimant que les Palestiniens subissent une injustice aux mains d’Israë l. Mais d’autres analystes notent qu’Ennahdha ne dispose pas de la majorité absolue. Les jeux ne sont donc pas faits, beaucoup de choses peuvent changer en Tunisie où des élections sont prévues pour mars 2013, mais cette première a pourtant de quoi inquiéter...