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Le syndrome pathologique de la France
Shmuel Trigano A partir d’une chronique sur Radio J, le vendredi 23 mars 2012
Article mis en ligne le 23 mars 2012
dernière modification le 22 mars 2012

La réaction au massacre de Toulouse est un laboratoire àciel ouvert qui nous donne àvoir le syndrome pathologique dont la France et plus largement l’Europe souffrent depuis plus de 10 ans et qui a été le cadre du « nouvel antisémitisme  ». Parler de « syndrome  » c’est faire référence àdes processus qui échappent àla conscience.

Je ferai 4 observations.

1) Un scénario automatique et consensuel s’impose toujours immédiatement pour expliquer l’antisémitisme  : il ne viendrait que de l’extrême droite et donc pas de milieux musulmans.
Comme un retour brutal du refoulé, nous avons ainsi vu ressurgir, ces jours-ci, sur les plateaux de télévision, les protagonistes de ce discours des années 2000 : Vaillant, Jospin, SOS-Racisme et l’ancien président de l’UEJF, au diapason d’une manifestation spontanée avec àsa tête toutes les figures du PS. Tout le dispositif des années socialistes est alors reparti en trombe, pour se ridiculiser le lendemain quand on a su que la piste était islamiste (1). Le voile idéologique qui a interdit de se confronter àla réalité et fait obstacle au combat réel contre l’antisémitisme pendant toutes ces années retombait comme par enchantement (2). Comme si rien ne s’était passé depuis 10 ans, comme si on en n’était pas revenu de cette idée toute faite.

2) Les symboles religieux sont très sollicités et tout spécialement l’alliage symbolique judéo-musulman. On se demande en effet pourquoi l’Élysée a convié les représentants juifs et musulmans et pas catholiques puisque l’un des parachutistes assassinés était catholique. C’est, remarquons-le, quand les enfants juifs ont été tués que les médias ont parlé bizarrement de la religion des parachutistes. Mais en oubliant le catholique… Ce qui montre àquel point l’élément musulman était important dans la gestion symbolique par le Pouvoir et le Média de cet acte antisémite motivé, aux dires de l’assassin, par l’islam.

Sans doute, le président fà»t-il très tôt au courant de la piste islamique. Il fallait préparer l’opinion àune réaction équilibrée puisque des musulmans faisaient partie des victimes - ce qui est un fait incontestable par ailleurs. Mais alors pourquoi avoir occulté le catholique ? Il fallait rester sans doute dans l’idéologie bien-pensante, c’est àdire dans le système des « deux communautés  » ennemies dans une France spectatrice (Mitterrand dixit), en d’autres termes dans l’explication des « tensions inter-communautaires  » et non de l’antisémitisme tout court, (qui implique qu’il y a une victime et un coupable).

On se perd en conjectures pour savoir àqui s’adressait l’appel àne pas faire d’amalgame du grand rabbin sur le perron de l’Élysée ? On pourrait comprendre qu’il était destiné aux Juifs supposés susceptibles de se venger (mais où a-t-on vu cela en France depuis 12 ans ?) Cela accréditait de facto la thèse des « tensions inter-communautaires  ». Cet appel n’aurait du relever que du rôle du président seul. Et pourquoi le Pouvoir ne demande-t-il jamais aux autorités musulmanes de dénoncer l’antisémitisme religieux qui sévit en terres d’islam, ainsi que les fatwas condamnant les Juifs (3) ?

3) L’innocentement étatique et médiatique de l’islam. Je me souviens qu’au lendemain de l’attentat des tours jumelles Le Monde (et bien d’autres organes médiatiques) avait consacré 2 pages à« L’islam religion de paix  ». Je ne doute pas que nombreux sont les musulmans français qui rejettent la haine des Juifs - et je les salue - mais ils doivent aussi assumer la responsabilité – quitte às’en dissocier – de ce que de hautes autorités institutionnelles de l’islam (et la plus haute, l’université d’El Azhar) appellent sans cesse, et par TV satellitaires interposées, au meurtre des Juifs. Les Français n’en savent rien car leurs médias gardent un silence total sur cette donnée pourtant courante et omniprésente dans le monde arabo-musulman (alors qu’Israë l est scruté àla loupe). Ils préfèrent se raccrocher au mythe du « printemps  », même quand ce dernier ouvre la voie aux islamistes.
Ces appels sont forcément répercutés dans toutes les mosquées.
Et comment le ministre palestinien Fayyad a-t-il eu le cran de condamner le massacre alors que le mufti officiel de l’Autorité palestinienne a appelé récemment, en janvier 2012, àJérusalem, sous le nez des Israéliens (quel libéralisme !), àtuer les Juifs au nom d’un Hadith (4) qui a force de loi ?

Il ne s’agit pas de pratiquer l’amalgame mais de se confronter ici àun fait réel.

Quant àl’amalgame, je remarque qu’il est couramment pratiqué dans les médias, les discours politiques depuis 10 ans en ce qui concerne Israë l et les Juifs. Nos efforts pour contrer cette tendance sont restés sans succès.

L’aveu d’un ami du terroriste pour expliquer son geste est, àce propos, très significatif : « Il a la haine. Les Juifs y tuent les petits chez eux  ». C’est une vivante illustration de l’impact dans cette situation du scénario accusatoire infondé (et qui reprend la propagande de guerre palestinienne) que propagent les médias français depuis 11 ans. L’accusation dénuée de preuve, lancée par France 2 contre l’armée israélienne d’avoir tué, et de sang froid, l’enfant Al Dura a fait de cette scène le drapeau des violences islamiques depuis 12 ans et ravivé le mythe antisémite du « meurtre rituel  ». Depuis, on « sait  » que « les Juifs  » « tuent  » de sang froid des enfants (5).


4) La tabouisation ou la sacralisation des Juifs (dont la formule rituelle énonce : « Quand on touche àun Juif, on touche àla République  ») accompagne dialectiquement cet amalgame. Être mis seuls en France en balance avec toute la République est très inquiétant. Cela revient, sous des dehors d’excellence, àsortir les Juifs de toute norme et les exposer àune adversité radicale qui échappe donc àtoute loi. Pourquoi les Juifs et pas tous les autres, les citoyens ?

C’est tout de même fascinant ce passage abrupt de l’atmosphère délétère de ces derniers temps, concernant les Juifs, àl’unanimisme compassionnel (6) de toute la France au chevet des petites victimes. Suspension de la campagne électorale, minute de silence, funérailles quasi officielles ont scandé cette communion. Sur le plan du conscient il est certes louable mais il nous rappelle exactement l’après Copernic et l’après Carpentras sou le 60ème anniversaire de la libération d’Auschwitz en 2004, au plus haut de l’antisionisme européen. On ne peut pas séparer ces communions paroxystiques du processus dangereux qui s’est ouvert alors pour les Juifs de France.

Ce contraste constitue en fait un phénomène éminemment inquiétant. Il attire l’attention sur le caractère ambigu – mais totalement inconscient - de ces manifestations de communion émotionnelle. Nous sommes pris ici dans l’engrenage d’un système archaïque de totem et tabou : du jour au lendemain, le totem exalté et désiré peut devenir, aux yeux de ses adorateurs, monstrueux et exécré (l’« exécution  » de l’enfant Al Dura, le « génocide  » de Djénine, le « génocide  » de Gaza, l’« apartheid  » en Israë l (et demain autre chose) sont allés de pair avec le devoir de mémoire et la condamnation de l’antisémitisme !)

C’est tout cela qui se presse derrière la compassion pour Toulouse. La parole du ministre des affaires étrangères de l’Union Européenne, Catherine Ashton, comparant les enfants de Toulouse aux enfants de Gaza, est un signe clinique de la pathologie qui obère l’Europe confrontée aux problèmes de l’immigration, que j’ai tentée de décrire ici.


*A partir d’une chronique sur Radio J , le vendredi 23 mars 2012.

Les jugements exprimés dans cette chronique ne résultent pas de l’humeur mais, depuis 12 ans, d’une analyse permanente des événements et d’une démonstration rigoureuse, scandée par 7 livres (Déjà, La République et les Juifs après Copernic, (Les Presses d’Aujourd’hui, 1982), puis L’idéal démocratique àl’épreuve de la Shoa (Odile Jacob 1999), L’ébranlement d’Israë l, philosophie de l’histoire juive (Le Seuil 2002), L’e(xc)lu, entre Juifs et chrétiens (Denoë l 200)2, La démission de la République, Juifs et musulmans en France (PUF 2003), Les frontières d’Auschwitz, les ravages du devoir de mémoire (Livre de Poche Hachette, 2005), L’avenir des Juifs de France, (Grasset 2006), et un travail d’équipe qui a donné lieu à12 bulletins et 3 livrets de l’Observatoire du monde juif (http://obs.monde.juif.free.fr/), 18 numéros épais de la revue Controverses (http://www.controverses.fr/), certains numéros (n° 34, 37,38, 44, 50) de la revue Pardès (Editions In Press),
(http://www.inpress.fr/f/index.php?sp=coll&collection_id=173), plusieurs colloques et
conférences (cf. Akadem.org) et de très nombreux articles et blogs.

Notes
(1) Du coup le CRIF qui avait appelé àune manifestation conjointe avec les musulmans y renonçait 24 heures plus tard.

(2) « Juifs, musulmans, Antillais : la France frappée au cÅ“ur  » surenchérit en première page Le Nouvel Observateur ! Ici aussi le scenario socialiste est du réchauffé.

(3) En fait, la pratique gouvernementale française depuis les années 1990 (première guerre du Golfe) consiste àgérer un problème de sécurité publique lié àl’immigration par l’organisation du « dialogue inter-religieux  » (qui n’a rien du « dialogue  » et encore mois de « religieux  »).

(4) « Tuer les juifs est un devoir religieux » selon le Mufti de l’Autorité Palestinienne - Vidéo Dailymotion : http://www.dailymotion.com/video/xnrukd_tuer-les-juifs-est-un-devoir-religieux-selon-le-mufti-de-l-autorite-palestinienne_news

(5) Cela transpire de toutes parts (on me signale la récente bande dessinée Les chroniques de Jérusalem, de Guy Delisle, célébrée et primée, qui, outre qu’elle se fait l’écho de la propagande palestinienne, n’hésite pas àcolporter de façon éhontée que des Palestiniens sont tués par les Juifs pour récupérer leurs organes. Le mythe rituel innocemment et candidement propagé ! Comment tous les Mohamed Merah en puissance n’auraient-ils pas envie de tuer des Juifs ?

(6) Dénoncé par la candidate trotskyste comme « l’union nationale  ».