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«  Un jugement attendu pas seulement par l’État d'Israël mais par tout le peuple juif,  » concluait le Dr Yehouda David.
Le jugement dans le procès intenté par Jamal Al-Dura au Dr Yehouda David et Clément Weill-Raynal sera rendu le 15 février 2012.
Par Hélène Keller-Lind

Droit au doute, désinformation et choc des pouvoirs au cÅ“ur de l’audience, devant la cour d’Appel de Paris.

Article mis en ligne le 15 décembre 2011
dernière modification le 23 décembre 2011

Énième rebondissement le 14 décembre àla Cour d’Appel de Paris dans l’affaire Al-Dura. Condamnés en première instance, le Dr Yehouda David qui avait accordé une interview àActualité Juive portant notamment sur des blessures de Jamal Al-Dura antérieures aux événements de Netzatim en septembre 2000 et le journaliste Clément Weill-Raynal, qui avait réalisé l’interview sous un pseudo, faisaient appel de la décision. La Partie civile avait abandonné les poursuites contre les héritiers de Serge Benattar - zal-, le Directeur du journal, décédé en juillet dernier. Il avait été condamné également en première instance.

L’audience du 14 décembre a été très longue et rude. Les enjeux étant de taille. Le Dr Yehouda David et Clément Weill-Raynal, lourdement condamnés le 29 avril 2011 en première instance par la 17ème chambre correctionnelle de Paris pour diffamation ou complicité de diffamation publique àl’encontre de Jamal Al-Dura pour une interview publiée le 4 septembre 2008 par Actualité Juive et une réponse de Clément Weil-Raynal àun droit de réponse de Charles Enderlin, publiés le le 25 septembre 2008 par l’hebdomadaire, faisaient appel de la décision. Maître Rezlan, avocate de la partie civile, représentant Jamal Al-Dura, dont les blessures étaient au centre de l’interview incriminée avait abandonné les poursuites contre les héritiers de Serge Benattar -zal-, Directeur de l’hebdomadaire, également condamné mais décédé en juillet dernier.

Partie civile qui a demandé que soient augmentés les dommages et intérêts conséquents accordés en première instance et a parfois étonné, qualifiant, par exemple, ceux qui avaient fait appel de « ces gens-là,  » expression aux allures dédaigneuses, voyant en eux des « conspirationnistes,  » comme le relevait Maître Goldnadel, avocat de Clément Weil-Raynal. On a pu entendre aussi dans l’enceinte de la Cour d’Appel de Paris, une affirmation reprenant une contre-vérité, passant de toute évidence aujourd’hui pour un fait établi, àsavoir que les violences de la seconde Intifada avait été provoquées par une visite d’Ariel Sharon – sur le Mont du Temple – alors que cette visite avait été acceptée par l’Autorité palestinienne et coordonnée avec elle. Un exemple frappant de la puissance de la désinformation et de ce quatrième pouvoir qu’est la presse. Désinformation mêlant souvent le faux au vrai, expliquait Clément Weill-Raynal,dans un exposé détaillé sur la question.

Pouvoir également au cÅ“ur des enjeux car, selon Maître Goldnadel, il se heurte ici àcet autre pouvoir qu’est la justice. L’avocat du Dr David mettait d’ailleurs en garde la cour et donc la justice française de ne pas se laisser instrumentaliser dans cette affaire qui oppose un Palestinien, se présentant comme réfugié et ouvrier, àun médecin, chirurgien militaire franco-israélien, officier de réserve dans les armées des deux pays, ainsi qu’àun journaliste français juif.

L’Avocat général estimait, pour sa part, qu’en réalité, il s’agit de savoir qui a tué Mohamed Al-Dura au carrefour de Netzarim en ce 30 septembre 2000. Question dépassée, selon Maître Goldnadel, Arlette Chabot, devenue Directrice de l’Information àFrance 2 par la suite, ayant affirmé àplusieurs reprises que l’on ne pouvait dire d’où étaient venus les tirs ayant tué Mohamed Al-Dura, fils du plaignant. Mort qui a été évoquée, bien entendu. Avec son cortège de doutes détaillés par la défense et venant d’un ensemble de facteurs. Ainsi, par exemple, pendant 48 h l’identité de l’enfant mort photographié àla morgue de Gaza avait été donnée comme étant Rami Al-Dura par l’hôpital et l’heure de sa mort, toujours selon les même sources, était antérieur de plusieurs heures aux événements de Netzarim. Quant au cameraman palestinien, Talal Abu Rameh, personnage central et de fait seul témoin de la scène qu’il filma, séquence commentée par Charles Enderlin qui n’était pas sur place et qui fut donnée gratuitement àtoute télévision en faisant la demande, il ne filma ni l’arrivée de l’ambulance ayant transporté le père et l’enfant dans un hôpital de Gaza, ni son départ.Son explication : il n’avait plus de batterie. Problème de batterie également pour l’un des quatre cameramen présents mais qui n’avaient pas la scène. Un autre déclarant qu’il l’’avait filmée mais que la cassette avait brà»lé, un troisième l’ayant perdue, etc. Des coïncidences permettant le doute selon Maître Goldnadel.

Un doute légitime dont a fait preuve Clément Weil-Raynal qui, contrairement àce qu’a dit la partie civile, a mené une enquête rigoureuse avant l’interview du Dr David, selon son avocat qui en a fourni maint exemple. Et qui se reflète dans ses questions, qui ne sont pas des affirmations, dans l’article incriminé.

D’autres éléments troublants étaient cités par Maître Goldnadel. Ainsi le fait que Jamal Al-Dura, actuellement au Caire et qui peut donc sortir de la Bande de Gaza, ne soit pas venu en France pour y subir des examens médicaux comme il s’y était engagé, notamment lorsqu’il avait été question d’une Commission d’enquête impartiale mise sur pied grâce àl’intervention de Richard Prasquier, médecin et Président du CRIF et àlaquelle devait participer la défense mais qui est restée lettre morte. Un Jamal Al-Dura qui est représenté par Charles Enderlin qu’il a mandaté. Ou encore main bandée et sanguinolente montrée par Jamal Al-Dura sur son lit d’hôpital àAmman où il fut envoyé par l’hôpital de Gaza après les événements de Netzarim. Alors qu’un rapport médical jordanien filmé àcette occasion, qui n’a pas été fourni par la partie civile mais que Clément Weil-Raynal a pu faire traduire et a été retraduit ensuite par un traducteur assermenté, établit que la main en question avait été de fait opérée auparavant et n’avait pas été touchée àNetzarim. Entre autres éléments permettant le doute.

Par ailleurs, Maître Goldnadel, soulignait que l’ancien ambassadeur et ancien membre de La Paix Maintenant, Elie Barnavi, avait publié un article bien plus accusateur dans Marianne sur le sujet, sans que des poursuites ne soient engagées.

Quant au Dr David, il a été interrogé sur son opération de Jamal Al-Dura en 1994 àl’hôpital Tal Hashomer pour lui rendre une partie de la motricité d’une main en prélevant des tendons dans une autre partie de son corps (sur sa jambe gauche) par plusieurs chaînes israéliennes, sans que cela ne suscite de poursuites. Et avant de l’être par Clément Weil-Raynal .En effet, Jamal Al-Dura avait été blessé àGaza lors d’une rixe liée àdes « luttes internes  ». Luttes opposant les tenants de factions palestiniennes ennemies. Ce chirurgien témoignait aussi de son étonnement devant des rapports ultérieurs faisant état d’artère et de veine fémorales sectionnées étant donné que si tel avait été le cas la personne se serait vidée de son sang en moins de 5 minutes. Même étonnement quant aux affirmations selon lesquelles Jamal Al-Dura aurait été atteint au coude par une balle de M 16. Selon lui, si tel avait été le cas, le coude aurait été déchiqueté àla sortie de la balle. Il soulignait aussi que l’on ne constate aucune goutte de sang sur le T-shirt blanc de Jamal Al-Dura alors qu’une balle àhaute vélocité déchire les vaisseaux et provoque des saignements. Entre autres étonnements de ce chirurgien qui a opéré un nombre impressionnant de fois dans sa carrière et l’a souvent fait pour des blessures de guerre. Quant aux questions posées dans l’interview incriminée sur des dossiers qu’il ne connaît pas, il répond clairement dans l’interview ne pas être en mesure de donner son avis. L’Avocat général estimait, pour sa part, que sa réponse « je ne suis pas loin de le penser,  » signifie de fait « je le pense,  » ce que réfutait la défense.

Maître Jacubowicz, son avocat, évoquait « un dossier singulier,  » cette affaire ayant provoqué « un séisme  » participant de la guerre de l’information, avec utilisation des protagonistes palestiniens devenus des « icônes.  » Ainsi, rappelait-il, par exemple, que le journaliste Daniel Pearl avait été égorgé au Pakistan en 2002 devant une image de Mohamed Al-Dura et que la vidéo de cet assassinat barbare avait été mise délibérément en ligne. Il relevait, par ailleurs, aussi qu’alors que Jamal Al-Dura avait clamé avec son porte-parole, Charles Enderlin, qu’il était àla disposition de la justice, de fait il ne s’était jamais présenté devant elle. Et il s’étonnait qu’il puisse se sentir diffamé par un journal quasi confidentiel, certainement pas distribué àGaza et dans une langue qu’il ne lit pas. Elements dont le droit de la presse tient compte. De plus, le chirurgien ne parle de la main qu’il a opérée dans l’interview lorsqu’il évoque des blessures.

A propos des titre et sous-titre incriminés, le titre avait été réécrit par le secrétaire de rédaction de l’hebdomadaire et Clément Weil-Raynal ne se souvient pas s’il a écrit le sous-titre ou s’il a été remanié. Quoi qu’il en soit, Maître Goldnadel, rendant hommage àSerge Benattar – zal -, notait qu’ils ne reflètent que des faits établis.

Bien d’autres aspects ont été évoqués au cours d’une audience fleuve où la bonne foi et le droit au doute étaient démontrés par les avocats de la défense, tandis que la partie civile persistant dans ses accusation de diffamation de son client.

Il faut toutefois préciser que l’avis de l’Avocat général de la Cour de Cassation concernant l’arrêt de la Cour d’appel ayant relaxé Philippe Karsenty, poursuivi par Charles Enderlin dans l’affaire Al-Dura a été largement évoqué au cours de l’audience. En effet, le Procureur a estimé que le pourvoi en cassation présenté par Charles Enderlin contre le jugement de la Cour d’Appel ayant relaxé Philippe Karsenty devait être rejeté. Philippe Karsenty avait estimé et dit que les événements de Netzarim de septembre 2000 relevaient d’une mis en scène de France 2. Sa bonne foi et le sérieux de son enquête ne pouvant être mis en doute pour la Cour d’Appel l’ayant relaxé.

Par ailleurs, la déclaration finale du Dr Yehouda David restera en mémoire. Réaffirmant n’avoir voulu en rien diffamer mais, au contraire, avoir voulu tenter de rapprocher les parties s’opposant au Moyen-Orient, il précisait n’avoir jamais été embarrassé par la lecture de radios en première instance comme le lui reprochait l’avocat de Jamal Al-Dura. Faisant allusion àla vague d’attentats suicides en Israë l, il ajoutait que depuis 2000 il accompagne toujours ou fait accompagner ses enfants àl’école. Et il relatait un incident survenu il y a 5 ans. Un terroriste suicide avait été arrêté en sa présence avant d’avoir pu faire exploser la ceinture d’explosifs qu’il portait encore. Il remarqua qu’il se tenait le côté gauche et lui demanda pourquoi. Ce Palestinien lui dit avoir été blessé dans un accident, blessure non traitée àHébron. Diagnostic du Dr Yehouda : rupture de la rate. Bien que cette ceinture d’explosif représente un danger pour tous ceux qui étaient présents, des soldats israéliens et lui-même, il appela un hélicoptère pour qu’il soit évacué vers un hôpital israélien et soigné. Son commentaire : « tout le monde était d’accord pour préserver la vie de ce Palestinien.  » Et il se disait fier d’appartenir àune armée qui a un tel respect de la vie.

Constat essentiel car, en filigrane, cela était aussi le procès de Tsahal, accusé par Charles Enderlin et son cameraman de s’être acharnés pendant 45 minutes contre un enfant et son père qui le protégeait. Alors que les rushes qui ont fini par être produits par France 2 sous contrainte de la Cour démentaient cette accusation, parmi d’autres.

Le jugement sera rendu le 15 février 2012. «  Un jugement attendu pas seulement par l’État d'Israël mais par tout le peuple juif,  » concluait le Dr Yehouda David.