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A propos du nouveau plan Lieberman
Par David Ruzié, professeur émérite des universités, spécialiste de droit international
Article mis en ligne le 18 juillet 2010

Sans aller jusqu’àse demander, comme cela a été écrit dans un article, relevé par ailleurs sur ce site, qu’ « Avigdor Lieberman est-il l’homme politique israélien le plus intelligent de ces dernières décennies  », il nous semble, que pour une fois, son idée, s’agissant de l’avenir de Gaza, ne manque ni d’originalité, ni de bon sens. Comme on le sait, le ministre israélien des affaires étrangères propose de transformer la Bande de Gaza en entité complètement indépendante par rapport àIsraë l, qui ne se verrait plus imposer de lui fournir aide, gaz et essence.

Avec l’aide européenne, les Palestiniens de Gaza,devraient être incités àmener àbien trois grands projets : une centrale électrique, une usine de dessalement et une station d’épuration. Une force internationale, installée, aux postes-frontières serait chargée de veiller aux nouveaux arrangements. Enfin, et surtout, il suggère que l’inspection des cargaisons àdestination de Gaza ne se fasse plus àl’initiative d’Israë l mais àLimassol (Chypre) ou en Grèce, de telle sorte qu’il n’y aurait plus de blocus de la Bande et les navires pourraient continuer àfaire route vers le territoire.

Il en résulterait qu’Israë l n’aurait plus aucune responsabilité quant àla situation dans la Bande, alors qu’àl’heure actuelle c’est Israë l, qui est rendu responsable de la situation de pauvreté, qui y règnerait (encore que tous les Gazaouis ne soient pas tellement malheureux àen juger par certaines prises de vues). La frontière avec Israë l serait, désormais, entièrement fermée, quitte, après tous, que les Palestiniens, qui cherchent àse faire soigner en Israë l s’adressent, comme ce serait d’ailleurs tout àfait naturel, àleurs frères égyptiens. Plus question non plus que les habitants de Gaza rêvent de voir revenir l’époque où nombre d’entre eux venaient travailler en Israë l.

Parmi les incongruités de la situation actuelle, on relèvera que l’opinion publique, manipulée par les médias, ne déplore que le blocus israélien et non l’attitude de l’Egypte, qui, non seulement exerce, elle-même, un blocus terrestre non moins rigoureux, mais surtout tolère une contrebande d’armes, qui conduit Israë l àrenforcer ses mesures d’autodéfense.

Seulement, il n’est pas sà»r que les Palestiniens, pourtant élevés dans la haine de leurs voisins israéliens, soient tellement désireux de voir tout lien coupé avec Israë l.

On a l’impression qu’ils voudraient , en réalité, « le beurre et l’argent du beurre, sans compter le sourire de la fermière  ».

Verraient-ils d’un bon Å“il s’estomper l’espoir de retrouver une source d’emploi en Israë l ?

Rien n’est moins sà»r.

Pourtant, il ne faut pas perdre de vue qu’en droit international, il n’existe aucune règle imposant àun Etat d’ouvrir ses frontières àses voisins, en dehors de sa volonté, qui s’exprimerait dans des accords librement conclus.

Mais, il est vrai que s’agissant du conflit israélo-palestinien, on a nettement l’impression que les observateurs étrangers sont manipulés par les Palestiniens, et posent en principe les vues égoïstes de la population palestinienne.

Il est temps d’essayer de remonter le courant, ce qui ne sera, certes, pas facile.

De la même façon qu’aucune règle de droit international n’imposait àAriel Sharon de négocier le retrait israélien de la Bande de Gaza, rien n’oblige Israë l àcontinuer àprendre en charge, même partiellement, les besoins de la population palestinienne.

Seulement, voilà…Il n’est pas sà»r que le plan qu’Avigdor Lieberman compte proposer dans les prochains jours àla responsable de la politique étrangère de l’Union européenne et àsix ministres des affaires étrangères de pays membres de l’Union, venus en visite dans la région, ait la moindre chance d’être pris en compte.

Tout d’abord – et en diplomatie, la forme est un élément essentiel – une fois de plus, le ministre israélien se prend pour « le grand Manitou  », de qui tout dépend.

Or, Israë l est un Etat démocratique et ce n’est pas le ministre des affaires étrangères, certes interlocuteur officiel avec l’étranger, qui peut présenter un projet qui ne lui est que personnel (même si d’autres responsables israéliens partagent, peut-être, au fond d’eux mêmes les mêmes idées).

Une fois, encore Avigdor Lieberman oublie qu’il fait partie d’une équipe et qu’il n’est même pas, comme le Premier ministre, le « primus inter pares  », qui lui permettrait d’avancer des idées personnelles.

Seul un plan adopté par le gouvernement israélien, sans vote de censure de la Knesset, est de nature àretenir l’attention de la société internationale.

Une fois, l’obstacle de forme surmonté, resteront quelques autres difficultés de fond.

Indépendamment de la répugnance de la population àenvisager, d’ores et déjàla coupure de tout lien avec Israë l – coupure, qui nous paraît, pourtant, àterme et pour une période plus ou moins longue, une nécessité – il faut tenir compte de l’opposition que l’Autorité (sic) palestinienne ne manquera pas de manifester àl’égard de ce projet.

Car, de fait – et c’est non moins paradoxal – le projet Lieberman est de nature àrenforcer l’autorité du Hamas, pourtant farouchement hostile àIsraë l.

Ce que, bien évidemment, le Fatah de Mahmoud Abbas ne peut accepter.

Et pourtant, pourquoi ne pas imaginer, dans un premier temps, deux entités palestiniennes, l’une dans la Bande de Gaza, l’autre en Cisjordanie – quitte àce que les « frères ennemis  » finissent par se « réconcilier  » ?

En tout état de cause, d’ailleurs, les résultats d’une négociation, qu’elle soit indirecte ou directe avec l’Autorité (sic) palestinienne, seule entité reconnue par la société internationale, ne peuvent avoir de chance d’être mis en Å“uvre que si cette « réconciliation  » est acquise.

Certes on imagine mal, àl’avenir, deux Etats palestiniens, mais, dans un premier temps, le bon sens devrait faire apparaître que l’urgence d’une solution pour la Bande de Gaza, source actuelle de tous les maux pour Israë l, devrait donner sa chance au plan Lieberman.

Malheureusement le bon sens n’a jamais été une donnée prise en compte par la politique internationale.