« Une dernière embrassade  », titre le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot . Au lendemain du premier jour de mise en Å“uvre du désengagement , la presse rend compte des « 48 heures de grâce » où les choses se passent « en douceur  », les autorités donnant aux colons juifs l’opportunité de partir de leur plein gré et sans heurts.
Le Maariv donne la vedette à un des membres de sa rédaction, Elie Bouhadana, qui habite Elei Sinaï et raconte à la première personne : « ils sont arrivés chez nous à 9 h du matin, pour nous remettre l’ordonnance d’évacuation  », tandis que le Haaretz, plus laconique, annonce que « l’objectif est d’évacuer la Bande de Gaza en dix jours  ».
« Vous êtes venus nous jeter de la maison  », ont pleuré les colons du Goush Katif lorsque les officiers de Tsahal sont venus leur remettre les ordonnances d’évacuation - note le Yediot, ajoutant que les officiers « ont dà » écouter sans rien dire des remontrances et des paroles souvent humiliantes  ». Cette nuit à minuit, les soldats et les policiers commenceront à dégager de force ceux qui refusent de partir.
« La moitié seulement des familles de colons auront quitté la Bande de Gaza d’ici ce soir  », signalent le Haaretz et Kol Israë l. Selon la radio publique, c’est « moins que ce que l’on espérait auparavant  », et cela laisse présager une lutte plus dure que prévue avec ceux qui veulent rester à tout prix.
« C’est la fin des gentillesses  », écrit pour sa part Alex Fischman dans le Yediot. A partir de 7 heures du matin demain, on ne verra plus de gentils officiers transpirant et embarrassés à l’entrée des implantations. Ceux qui s’enferment dans les implantations problématiques rencontreront d’abord les unités de la police spécialisées dans le traitement des manifestations civiles, précise le quotidien.
L’opération lancée hier devait permettre à l’armée de mesurer le degré d’opposition des colons. Ceux qui se sont enfermés dans les colonies, ont vérifié de leur côté leur capacité à épuiser l’armée. En tout, jusqu’à demain, la moitié des familles seront parties de plein gré, poursuit A. Fischman. Mercredi et jeudi, l’armée entend démanteler cinq ou six implantations, et terminer sa mission jusqu’à vendredi midi.
« Quand je vois un soldat pleurer amèrement face à une famille qui doit quitter sa maison, je me sens terriblement gêné  » écrit Nahoum Barnéa, chroniqueur chevronné du Yediot, depuis la localité de Nissanit en cours d’évacuation. « Dans l’armée où j’ai grandi, pleurer n’était pas permis. Certainement pas pour des catastrophes réparables comme des toits de tuile, du béton et de la céramique  », ajoute-t-il.
Discours à la nation du Premier ministre
« Chers concitoyens israéliens, le jour est arrivé. Nous entamons la démarche la plus dure et la plus douloureuse entre toutes - l’évacuation de nos colonies de la Bande de Gaza et du nord de la Samarie. C’est un acte qui m’est personnellement très pénible. Ce n’est pas le cÅ“ur léger que le gouvernement israélien a pris cette décision, il a été difficile à la Knesset de la ratifier  ».
C’est en ces termes que le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, s’est adressé hier soir à la nation israélienne, dans une allocution différée diffusée par les chaînes de télévision.
« Ce n’est un secret pour personne que moi-même, comme beaucoup d’autres, j’ai cru et espéré que nous pourrions rester éternellement à Netzarim et à Kfar Darom - poursuit le Premier ministre. Mais les réalités changeantes en Israë l, dans la région et dans le monde m’ont obligé à reconsidérer les choses et à changer mes positions. Il est impossible de garder Gaza pour l’éternité. Là -bas vivent plus d’un million de Palestiniens, dont le nombre double à chaque génération. Ils sont entassés dans une densité qui n’a pas son pareil dans les camps de réfugiés, dans la pauvreté et la pénurie, dans des pépinières de haine croissante, sans espoir à l’horizon. Nous avons pris la décision (du retrait) à partir d’une position de force et non de faiblesse. Nous avons tenté de parvenir à un arrangement avec les Palestiniens permettant aux deux peuples de progresser sur le chemin de la paix, mais ces efforts se sont heurtés à un mur de haine et de fanatisme« , a-t-il encore dit.
»Le plan de désengagement unilatéral, que j’ai lancé il y a environ deux ans, est la réponse israélienne à cette réalité« , a-t-il souligné. Le Premier ministre a encore affirmé que le retrait israélien de la bande de Gaza ouvrait une nouvelle ère « prometteuse mais aussi pleine de risques  ». »Nous nous engageons sur une nouvelle voie qui comporte beaucoup de risques mais aussi un rayon d’espoir pour nous tous", a-t-il dit.
Ariel Sharon a appelé les Palestiniens « à combattre le terrorisme » pour permettre la tenue de négociations de paix après le retrait de la bande de Gaza. « Les Palestiniens doivent lutter contre les organisations terroristes, les démanteler et les désarmer afin de permettre la tenue de négociations de paix, après l’application du plan de désengagement », a-t-il affirmé. « Le monde attend la réponse des Palestiniens, une main offerte à la paix ou le feu du terrorisme. A une main offrant la paix, nous répondrons avec une branche d’olivier. Mais s’ils choisissent le feu, nous répondrons par le feu, plus sévèrement que jamais », a ajouté M. Sharon. Il a averti les Palestiniens que l’armée et les services de sécurité israéliens riposteront « avec toute leur puissance » à d’éventuelles attaques palestiniennes depuis la bande de Gaza après le retrait israélien.
Il a ajouté qu’il comprenait « l’angoisse » des colons juifs appelés à être évacués de la bande de Gaza. « Je comprends l’angoisse des colons, mais nous sommes un seul peuple. Un chapitre s’achève. Votre douleur et vos larmes sont les nôtres. J’ai lancé ce plan de désengagement parce que je le crois indispensable pour Israë l ». « Quelles que soient nos divergences, nous ne vous abandonnerons pas, et après le retrait nous ferons tout notre possible pour reconstruire vos vies et vos communautés », a ajouté M. Sharon.
Réactions au discours
« Le discours du Premier ministre à la nation a prouvé jusqu’à quel point la folie des implantations, dont Sharon a été le principal instigateur pendant des dizaines d’années, était absurde et dangereuse  », écrit Ofer Shelakh dans le Yediot Aharonot. « Le peu d’arguments convaincants avancés hier par A. Sharon démontre le peu de réflexion qui a été accordé à une décision aussi importante. Plus que tout, le discours donnait l’impression que Sharon s’exécutait parce qu’on lui avait dit de le faire.  »
« Le jour où des dizaines de milliers de soldats sont chargés e’une mission qu’ils n’auraient jamais imaginée, face à des civils dont seule une minorité se révolte et qui ressentent une réelle douleur, les citoyens d’Israë l, ceux qui s’opposent au plan et ceux qui le soutiennent, avaient droit à plus que cela  » - estime O. Shelakh.
Pour Nahoum Barnéa du Yédiot également, « le discours à la nation du Premier ministre était trop court et trop tardif : il ne peut pas concurrencer les images diffusées des implantations de Gaza  ». Ce qui était particulier, selon Barnea, était la première apparition du nouveau chef de l’opposition, B. Netanyahou. « Israë l est probablement le seul pays où le Premier ministre et le chef de l’opposition appartiennent au même parti.  »
« Sharon a promis un ‘espoir’, la campagne électorale se profile déjà  », estime pour sa part Aluf Benn du Haaretz .
Reouven Adler, ami et conseiller politique de Sharon, dit que « celui qui gagne les élections est celui qui a donné un espoir à l’opinion  » , souligne A. Benn - et le Premier ministre a fait valoir que la voie qu’il propose « comporte la lumière de l’espoir pour nous tous  ». Autre signe de l’imminence des élections primaires a été l’apparition de Binyamin Netanyahou, le rival de Sharon, sur les chaînes de télévision pour dénoncer la menace du « repaire de terroristes qui va être créé à Gaza  », note le Haaretz.