Imitant les 52 diplomates britanniques qui ont critiqué dans une lettre adressée la semaine dernière au premier ministre britannique Tony Blair la politique moyen-orientale de son gouvernement, une soixantaine de diplomates américains retraités ont envoyé le 4 mai dernier au président américain George W. Bush une missive dénonçant entre autres son appui au plan de séparation du premier ministre israélien Ariel Sharon, au « mur de Berlin » érigé en Cisjordanie et au rapatriement des réfugiés palestiniens dans le futur État palestinien.
Estimant que le conflit israélo-palestinien est « au cÅ“ur des problèmes du Moyen-Orient, de la région et du monde entier », les signataires espèrent qu’un « retour à la tradition américaine de l’équitabilité renversera la vague de ressentiment en Europe et au Moyen-Orient ».
La lettre des diplomates a dominé l’actualité aux Etats-Unis hier tandis que l’administration Bush et les membres du « Quartet » de la « feuille de route » s’efforçaient de ressuciter le plan de désengagement d’Ariel Sharon rejeté le 3 mai dernier par le Likoud et appelaient Israë l à se retirer de la Bande de Gaza.
Qui sont les signataires de cette lettre ? Comme plusieurs des 52 diplomates britanniques auxquels les auteurs de la lettre font référence, de nombreux signataires américains sont actifs dans des organisations pro-arabes ou ont des intérêts commerciaux au Moyen-Orient.
Une brève présentation des activités passées et présentes de 8 des principaux signataires (numérotation de l’original reproduite ici-bas) de la lettre s’impose :
Andrew I. Killgore, ex-ambassadeur au Qatar (1)
Killgore est aujourd’hui président de la Fondation Musa Alami, ainsi nommée en l’honneur du dirigeant Palestinien Musa Alami, co-rédacteur des White Papers de 1939, un document qui rejetait les conclusions de la Commission Peel et appelait à restreindre dramatiquement l’immigration juive et l’acquisition de terres par des juifs en Palestine. Éditeur du Washington Report on Middle East Affairs (publication de la fondation arabiste American Educational Trust à Washington) Killgore y écrivait récemment à propos de Musa Alami que celui-ci fut victime de la « purification ethnique » sioniste comme « des milliards (sic !) d’autres Palestiniens ».
Killgore a reçu en 1994 un prix de l’Islamic Association for Palestine, association politiquement proche du Hamas.
Richard H. Curtiss, ancien inspecteur en chef de la US Information Agency (2)
Directeur exécutif du Washington Report on Middle East Affairs, il a reçu comme son collègue Killgore un prix en 1994 de l’Islamic Association for Palestine, ainsi que du American-Arab Anti-Discrimination Committee.
Edward L. Peck, ancien chef de mission en Irak et en Mauritanie (7)
Peck milite aujourd’hui en faveur d’un embargo américain sur Israë l. Le 13 avril dernier, dans un discours prononcé au National Press Club à Washington, Peck affirmait sarcastiquement en présence de l’ambassadeur syrien aux Etats-Unis que l’ancien premier ministre israélien Benyamin Netanyahu était certainement en mesure de connaître « la vérité sur la démocratie, la liberté et le respect de la vie humaine (…) », ajoutant que « quiconque croit que nous (les Etats-Unis) sommes détestés pour notre liberté n’a jamais entendu parler (…) de la Palestine ou de Deir Yassin »
John Gunther Dean, ex-ambassadeur en Inde et au Liban (9)
Ambassadeur des Etats-Unis au Liban de 1978 à 1981, Dean a déclaré au quotidien Le Monde en 2002 que Yasser Arafat avait personnellement négocié et obtenu en 1979 la libération du personnel de l’ambassade américaine à Téhéran pris en otage par le régime révolutionnaire de l’ayatollah Khomeiny. Il vit aujourd’hui à Paris.
James Akins, ex-ambassadeur en Arabie Saoudite (10)
Directeur de Liberty Alliance, une organisation américaine dédiée à « prouver » que le bombardement accidentel du vaisseau de guerre américain USS Liberty par l’aviation israélienne pendant la Guerre des six jours fut intentionnel. Akins a déclaré devant les membres du Center for Arab Culture and Dialogue en Virginie le 29 janvier 2003 à propos de la guerre annoncée d’Irak que « Bush joue le jeu de Sharon, et que cette guerre en Irak offrira à Sharon l’écran dont il a besoin pour expulser les Palestiniens de Cisjordanie. »
Talcott Seeyle, ex-ambassadeur en Tunisie et en Syrie (11)
Ambassadeur des Etats-Unis en Tunisie, lorsque l’Égypte et la Syrie lancèrent leur attaque surprise contre Israë l en octobre 1973, Seelye câbla le Secrétaire d’État américain George Kissinger pour lui recommander de ne pas fournir d’armes à Israë l. Amer détracteur de Camp David I, il le dénonça en 1981 dans une conférence de presse tenue à Damas au moment de prendre sa retraite du service diplomatique américain. L’historien américain Francis Fukuyama l’a déjà qualifié d’« ambassadeur de Syrie à Washington ».
Eugene Bird, ex-conseiller à l’ambassade en Arabie Saoudite (12)
Président du Council for the National Interest, une organisation lobbyant le congrès pour qu’il adopte son Israel Accountability and Security Act, un projet de loi qui imposerait un embargo américain sur Israë l tant et aussi longtemps qu’un État palestinien ne voit pas le jour et qu’Israë l demeure une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. Il a évoqué le 4 mai dernier sur les ondes de la télévision publique canadienne (Canadian Broacasting Corporation) la possibilité que des agents israéliens pourraient être directement responsables du mauvais traitement infligé aux prisonniers irakiens.
Shirl McArthur, ex-attaché commercial, Thaïlande (15)
McArthur est consultant pour la société Bruce Morgan Associates, à Washington, D.C. Féroce adversaire du soutien financier américain à Israë l, McArthur écrivait en 1998 dans le Washington Report on Middle East Affairs à propos du voyage du président de la chambre des représentants, Newt Gingrich, à Jérusalem que celui s’était « prosterné devant le dieu des contributions financières juives aux campagnes électorales et du vote juif, culmination d’un mois de prostitution frénétique par les membres du Congrès ».