Dans son éditorial du 27 mars, c’est à dire un texte non signé émanant de la rédaction toute entière, le journal tresse apparemment des lauriers à l’ « habile « Bibi » ». Tellement habile qu’il a réussi « à transformer le chef du Parti travailliste, Ehoud Barak , en véritable bouclier humain à l’attention de la communauté internationale. »
Autrement dit, Barak est un abruti, et d’ailleurs les responsables du parti travailliste également puisqu’ils ont suivi leur dirigeant. Bouclier humain, il servira donc à encaisser virtuellement les chocs venus de l’étranger contre l’abominable politique de droite de Bibi. Car il ne faut pas s’y tromper, toute la presse hexagonale met un signe d’égalité entre droite israélienne et «  faucons  ». Personne à Paris ou à Londres ne semble capable d’imaginer un «  faucon de droite  » négociant avec succès un accord avec l’autorité palestinienne. Ceci ressemble fort à un préjugé, d’autant que Barak est le premier ministre qui est allé le plus loin des les propositions de paix qu’Arafat avait rejeté à la dernière minute (rejet réédité auprès de Clinton).
Et que si ce même Barak est au gouvernement, c’est qu’il y a une raison peut être plus honorable que la simple conservation d‘un fauteuil. La compétence par exemple, que sera obligé de posséder demain l’état d’Israë l si les choses se compliquent avec l’Iran. Mais Le Monde fait sans doute une confiance aveugle à la main tendue d’Obama pour calmer les mollahs.
Encore plus fort : l’éditorial évoque le rôle des USA qui «  entendent mettre un terme à la sous-traitance du dossier aux Israéliens, comme ce fut le cas de 2000 à 2007  ».
On croit rêver ! Israë l serait le sous-traitant d’un conflit qui le concerne au premier chef, et les USA sont, à la fois appelés à jouer un rôle de «  maître d’œuvre  » ici et dénoncés comme hyperpuissance ailleurs. Le Monde considère que les américains devront forcer la main à leur allié régional et à signer un accord avec… la moitié des palestiniens puisque le journal oublie que Gaza est aux mains d’islamistes qui n’en ont cure.
Mais le meilleur est à la fin, la contradiction finale : «  Car ce gouvernement faussement hybride (…) ne peut être celui de la création de la Palestine. On ne saurait établir sur ce point un parallèle avec le gouvernement de droite qui trouva la paix avec l’Egypte il y a tout juste trente ans. Jérusalem n’est pas le Sinaï.  »
Etrange, l’éditorial semble déplorer à présent que ce gouvernement ne soit pas de droite à 100%, celle précisément toujours réfractaire à la moindre concession. Ce même gouvernement d’ouverture qui « éclaterait à la minute où les dossiers principaux du conflit israélo-palestinien seraient rouverts avec la volonté de trouver des solutions équitables et pérennes à la question des frontières, des réfugiés, des colonies et, bien entendu, de Jérusalem.  »
Où Le Monde a-t-il vu que les travaillistes seraient prêts, eux, à accepter quoi que ce soit sur les réfugiés ou sur Jérusalem ? Où Le Monde a-t-il découvert que la solution «  équitable  » et «  pérenne  » serait de satisfaire les palestiniens sur toutes leurs demandes ? Comment peut-il s’engager sur la pérennité d’un accord qu’il imagine, mais que le Hamas ne signerait pas ?
Que signifie la pérennité quand l’autorité palestinienne est dirigée aujourd’hui par un président dont le mandat est arrivé à échéance ? Certes un homme responsable mais sans une légitimité démocratique entière.
La conclusion c’est que le journal enfonce le clou de son discours anti-israélien. Israë l est seul détenteur de la solution au proche orient, solution qui rendra toute la région (le monde entier ?) pacifique et solidaire. On ne s’encombre pas des luttes inter-palestiniennes ou du djihadisme, on pense que les revendications palestiniennes sont légitimes par nature, et que les USA doivent l’enfoncer à leur tour ce clou dans la tête de Bibi, Barak et consorts. Le Monde croit que le Hamas célèbrera l’accord idéal passé par Abou Mazen et déposera les armes, fraternellement. Il croit que les réfugiés de 1948 (et les générations successives qui ont suivi) ont le droit inaliénable de revenir sur leur terre d’origine et de vivre heureux comme citoyens d’un pays dénoncé depuis des années comme nazi et raciste.
Le Monde pense qu’il équitable et pérenne de donner Jérusalem-Est aux palestiniens, alors que la situation prévalant avant 1967 n’avait rien d’équitable ni de pérenne. La seule différence étant que des arabes vivent à Jérusalem depuis lors mais que les juifs y étaient interdits de séjour avant 1967. Ils sont également interdits de séjour dans tous les pays qu’ils ont quitté (ou qui les ont chassé) depuis 1948. Sans indemnités ni cérémonie à la Maison Blanche.
Le Monde souhaite une solution à la question des frontières, alors que celle de la Jordanie ont été tracées en quelques heures pour récompenser le roi Abdallah en l’absence d’équité et de pérennité, que celles du Liban ont été effacées par la Syrie puis l’Iran par la violence terroriste, que celle du Kurdistan est bombardée régulièrement par l’armée turque, et enfin que celle de l’Egypte est hermétiquement fermée aux palestiniens (mais pas à leurs roquettes). Le Monde n’évoquera pas les manœuvres habiles de la droite ou de la gauche syrienne ou iranienne car il ne culpabilisera pas les régimes autoritaires susceptibles de nous assassiner un diplomate ou de nous plastiquer une fnac.
Pauvre Monde…