A Buchenwald où son père est mort d’épuisement quelques mois avant la libération du camp, Elie Wiesel interpelle le président des Etats-Unis d’Amérique.
... J’avais tellement d’espoir. Paradoxalement, j’avais tellement d’espoir alors. Beaucoup d’entre nous avions cet espoir, bien que nous aurions eu le droit de renoncer à l’humanité, de renoncer à la culture, de renoncer à l’éducation, de renoncer à la possibilité de vivre sa vie avec dignité dans un monde qui n’a pas de place pour la dignité.
Nous avons rejeté cette possibilité et nous avons dit, non, nous devons continuer à croire en un avenir, parce que le monde a appris. Mais, là encore, le monde n’a pas appris. Si le monde avait appris, il n’y aur ait eu ni le Cambodge ni le Rwanda, ni le Darfour, ni la Bosnie.
Le monde apprendra-t-il ? Je pense que c’est la raison pour laquelle Buchenwald est si important - aussi important, bien sà »r, mais différemment d’Auschwitz. Buchenwald est important parce que le grand camp a été une sorte de communauté internationale. Les gens venaient de tous les horizons - politique, économique, culturel. Le premier essai de la mondialisation, une expérimentation, a été faite à Buchenwald. Mais elle était destinée à déshumaniser des êtres humains.
Vous avez parlé d’humanité, Monsieur le Président. Mais, à cette époque, il était humain d’être inhumain. Et maintenant, le monde a appris, je l’espère. Et bien sà »r cet espoir est fait de tant de ce que serait aujourd’hui votre vision de l’avenir, Monsieur le Président. Un sentiment de sécurité pour Israë l, un sentiment de sécurité pour ses voisins, pour ramener la paix dans ce lieu. Le moment doit venir. Cela suffit d’aller au cimetière, cela suffit de pleurer des océans de larmes. C’est assez. Il est temps - il est temps de rassembler les gens.
Et donc nous disons que toute personne qui vient ici doit en repartir avec cette résolution. La mémoire doit rassembler les gens plutôt que de les diviser. Les souvenirs ici ne doivent pas semer la colère dans nos cÅ“urs, mais, au contraire , un sentiment de solidarité pour tous ceux qui ont besoin de nous. Que pouvons-nous faire à part invoquer la mémoire afin que les gens qui disent que le 21ème siècle est un siècle de nouveaux commencements, soient remplis de promesses et d’espoir infini, et de profonde gratitude pour tous ceux qui croient en notre mission, qui est d’améliorer la condition humaine.
Un grand homme, Camus, a écrit à la fin de son magnifique roman La Peste : « Après tout, dit-il, après la tragédie, ... Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. » Cela est vrai même - si douloureux cela soit-il - à Buchenwald.
Je vous remercie, Monsieur le Président, de me permettre de revenir sur la tombe de mon père, qui est toujours dans mon coeur.