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Il faut sauver nos mauviettes
Par Emmanuel Navon- Pr de relations internationales àl’Université de Tel Aviv | Adapté pour www.nuitdorient.com par danilette
Article mis en ligne le 21 avril 2010

Dans sa conférence de presse la semaine dernière, le Premier Ministre Benyamin Nétanyahou a déploré que son homologue turc n’ait pas cessé d’attaquer verbalement Israë l depuis l’opération Plomb durci. En fait, les salves anti-israéliennes d’Erdogan ont une longue histoire. En 2004, Erdogan a appelé Israë l « Ã©tat terroriste » après l’élimination du Cheikh Yassine. En février 2006, il a accueilli le chef du Hamas, Khaled Mashal àAnkara. En janvier 2009, il s’est mis en scène par un accès caractériel de colère àla conférence de Davos en invectivant Shimon Peres, en le traitant d’« expert en assassinat ».

En octobre 2009, la télévision d’État turc a commencé àdiffuser des feuilletons qui montrent des soldats israéliens tuant délibérément des enfants palestiniens. En novembre 2009, Erdogan a déclaré qu’il préférait rencontrer le président soudanais Omar El Bachir — accusé de crimes de guerre et de génocide par la Cour Internationale de Justice — plutôt que Benjamin Netanyahou. En mars 2010, Erdogan a déclaré que Le Mont du Temple, Hébron et le tombeau de Rachel n’avaient jamais été des sites juifs. La semaine dernière, profitant de son voyage officiel àParis, Erdogan a affirmé qu’Israë l était la plus grande menace pour le monde et pour la paix.

Israë l a tranquillement supporté les pitreries d’Erdogan sans raison valable. Certes, Avigdor Liebermann a enfin décidé de répondre en comparant Erdogan àChavez et àKadhafi. Cette réaction a été inefficace et stupide : rien ne pouvait rendre Erdogan plus heureux que d’être assimilé àun Don Quichotte antiaméricain. Tout ce que Liebermann aurait dà» faire pour embarrasser Erdogan était de dévoiler son hypocrisie en mentionnant le génocide arménien, le refus de la Turquie d’accorder un droit au retour aux réfugiés grecs, suite àla première guerre mondiale, l’occupation turque de Chypre, le mur de l’apartheid et les colons de Chypre, le refus catégorique de la Turquie d’accepter la création d’un État kurde et l’obstination de la Turquie àconserver un territoire pris àla Syrie — la province d’Alexandrette.

Hélas, Israë l est une mauviette et pas seulement avec la Turquie. Israë l n’oserait jamais contrarier l’Égypte en se plaignant du fait que les médias contrôlés par l’État de Moubarak sont pleins d’antisémitisme, d’accusations de crimes rituels et de négation de l’holocauste. Lorsque que le Ministre de la culture égyptien Farouk Hosni a déclaré qu’il brà»lerait tout livre israélien [et juif] qu’il trouverait dans son pays, Israë l n’a pas daigné broncher. Et quand le gouvernement égyptien a soutenu la candidature d’Hosni pour le poste de Secrétaire Général de l’Unesco, Israë l n’a pas voté contre, parce que Moubarak nous avait demandé de ne pas le faire. En revanche, des intellectuels juifs àtravers le monde — comme Élie Wiesel et Bernard Henri Lévy — ont clamé haut et fort leur opposition àla candidature de Hosni. Des juifs de diaspora ont plus de courage et d’assurance que l’État juif.

La question qui se pose est : pourquoi ? Je me souviens avoir eu une conversation avec mes élèves àce sujet. Leur réponse a été qu’Israë l ne peut pas se permettre d’avoir de l’assurance. Quand je leur ai demandé pourquoi, leur réponse a été qu’Israë l doit son existence àla bonne volonté des nations et que nous ne pouvons donc pas perturber ceux qui nous tolèrent. Je crois que c’est la racine du problème et que ce problème est vraiment grave.

Nos pères fondateurs n’ont certainement pas souffert de complexe d’infériorité. Prenez Abba Eban et Menahem Begin. Ils avaient des opinions politiques différentes àpropos de presque tout, mais ils étaient cultivés, avaient leur franc-parler et étaient fiers d’être juifs. Ils savaient qu’Israë l ne doit pas son existence àla bonne volonté des nations mais àson histoire exceptionnelle et àson courage. Ils défendaient Israë l sans demander pardon et avec clarté, sans avoir la moindre difficulté àremettre les gens àleur place.

Comparez, par exemple, la crise actuelle entre les États-Unis et Israë l avec celle qui avait éclaté il y a trois décennies. En décembre 198, l’administration Reagan a menacé de punir Israë l àcause de l’annexion du plateau du Golan, en suspendant l’accord américano-israélien de coopération stratégique. « Que voulez-vous dire par punir ? » hurla Begin àl’ambassadeur américain Samuel Lewis. « Que sommes-nous, un état vassal du vôtre, une république bananière ? Vous n’avez pas le droit de punir Israë l et je proteste sur l’utilisation même de ce terme. Le peuple juif a survécu 3700 ans sans accord de coopération stratégique avec les États-Unis, et nous continuerons àsurvivre encore 3700 ans sans un tel accord. Vous pouvez dire àvotre secrétaire d’État que la loi sur le Golan ne sera pas abrogée. »

Les jeunes Israéliens sont souvent surpris d’entendre que le gouvernement américain nous a laissés tomber. Pareil avec la France. Au début des années 80, le Ministre des Affaires Etrangères français, Claude Cheysson déclarait dans des conférences sur Israë l, qu’il était nécessaire d’établir un État contrôlé par l’OLP en Cisjordanie et àGaza. Begin alors avait décidé de répondre publiquement que la France devait accepter la création en Corse d’un État contrôlé par le FLNC. Cheysson s’était fâché et avait demandé àson gouvernement de publier une déclaration condamnant « la crise de nerf de Begin ». Mais le Président Mitterrand a pensé que cela ridiculiserait la France. « Begin a raison » a-t-il déclaré durant la réunion hebdomadaire du gouvernement le 24 février 1982. « Ce qu’il a dit est àla fois irritant et vrai. Après tout, la Corse n’est française que seulement depuis 1768. C’est plus récent qu’Abraham ».

Alors que le Sabra israélien, qui était censé représenté le juif nouveau et fier, se comporte avec les dirigeants étrangers comme un intermédiaire juif médiéval, les dirigeants d’Israë l fiers et au franc-parler ont tous étés d’anciens juifs de la diaspora. Je ne dis pas que les jeunes Israéliens doivent retourner àl’exil pour apprendre les bases de la diplomatie et du leadership, qu’àDieu ne plaise. L’histoire, la rhétorique et la fierté nationale peuvent être apprises en Israë l.

Le problème est qu’ils ne le sont pas. Notre système éducatif, en particulier dans les universités, n’enseigne pas la culture générale, l’histoire juive et la pensée critique. Et c’est làque le problème commence. Au lieu d’apprendre àpenser par eux-mêmes, d’apprendre l’histoire juive et d’être formés aux compétences de persuasion et de déduction selon l’enseignement de nos maîtres du Talmud et de Platon, nos étudiants perdent une grande partie de leur temps dans ce domaine absurde et charlatanesque appelé « la théorie des relations internationales ».

Nous avons besoin que nos jeunes générations retrouvent la confiance en elles et la fierté de nos pères fondateurs et se rendent compte comme eux, que le monde ne nous respectera pas tant que nous ne nous respecterons pas nous-mêmes.