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Faire face au défi de l’identité
NATAN SHARANSKY , THE JERUSALEM POST | Adaptation française de sentinelle 5770
Article mis en ligne le 27 octobre 2009

Il y a plusieurs années, quand j’étais ministre de l’industrie et du commerce, j’ai souvent conduit des délégations d’hommes d’affaires dans des voyages àl’étranger, recherchant des partenariats économiques autour du monde. Typiquement, nous atterrissions dans un pays étranger – par exemple le Brésil – passions un jour ou deux en réunions politiques ou d’affaires, et ensuite, je mettais un point d’honneur àpasser une après-midi pour visiter les communautés juives locales.

Je rendais visite aux écoliers et aux parents, ou visitais les synagogues, ou bien rencontrais les dirigeants de la vie juive locale. Je goà»tais avec un plaisir évident l’opportunité d’avoir une sensation réelle de la texture de la vie juive locale

Les hommes d’affaires étaient généralement enchantés de m’accompagner où que j’aille – depuis les réunions avec d’importants ministres du commerce, en allant en aval voir même l’usine la plus obscure ou un syndicat. Mais j’étais étonné que quand on en venait àmes visites aux communautés juives, très peu montraient un véritable intérêt àvenir avec moi. La majorité usait de leur temps libre pour faire leurs courses, une visite touristique et un saut au restaurant. Cela me déconcertait.

Ces Israéliens s’identifiaient eux-mêmes fièrement comme Juifs. Pourquoi manquaient-ils tant d’intérêt àla vie juive ailleurs dans le monde ?

Finalement, j’interrogeais certains d’entre eux àce sujet. Ce qui apparut clairement, c’est que, comme beaucoup d’autres Israéliens, ils tendaient àconsidérer la vie juive en Diaspora comme quelque chose d’une vision fugitive dans le rétroviseur. C’était un vestige d’un passé antique – un passé au cours duquel les Juifs étaient humiliés et opprimés, et un passé dont nous Juifs, àtravers le moderne Israë l, commencions ànous lasser. Ils n’avaient pas besoin de se soucier de visiter des écoles juives où des enfants se coltinaient avec l’hébreu, car c’était le monde d’hier.

La vieille synagogue portugaise est pittoresque, mais en fait sans intérêt. Pourquoi devrais-je consacrer mon temps àvisiter ces vieux musées ? Le football de plage àCopacabana est tellement plus intéressant.

L’attitude condescendante de mes amis israéliens àl’égard de la Diaspora s’est reflétée, je crois, dans la façon dont la Diaspora a été liée historiquement àIsraë l. Les Juifs de la Diaspora occidentale avaient l’habitude de se considérer comme les puissants, aidant Israë l aux heures de besoin désespérées. Qu’il s’agît des appels de l’UJA* pour aider àl’installation d’immigrants sans ressources des pays arabes, ou encore de choses aussi simples que d’acheter des obligations du trésor d’Israë l pour la Bar Mitzvah de votre cousin, les Juifs de Diaspora tendaient àse considérer comme le grand frère de la communauté juive d’Israë l, quelqu’un sur qui Israë l pouvait compter dans les moments difficiles.

D’une étrange manière, les communautés juives d’Israë l et celles de Diaspora considéraient chacune l’autre comme s’ils étaient de malheureux petits frères en danger de sombrer dans l’oubli àtout moment. Et, on doit àla vérité de dire qu’aucune de ces attitudes n’était complètement erronée – et chacune servait son objectif.

D’un côté, l’esprit de lion de David Ben Gourion, son inébranlable conviction que le nouvel Israë l serait puissant, autosuffisant, et pourrait laisser derrière lui l’affreux souvenir de l’exil – avait sa place. Cette vision donnait aux halutzim** la force, et leur conférait la détermination pour surmonter des défis pratiquement impossibles. De même, la notion romantique en Diaspora qu’ils sauvaient Israë l d’une menace imminente, aidait àrallier des millions de Juifs aux côtés d’Israë l quand son avenir était vraiment précaire. Chacune de ces attitudes était enracinée dans la réalité, et servait un objectif important.

Cependant, ce modèle – L’image du “malheureux plus jeune frère†que chaque communauté incorporait àl’égard de l’autre – a suivi son cours ; elle est devenue dépassée. Israë l est devenu un laboratoire de hautes technologies, et peut plus ou moins se suffire àlui-même. De la même façon, la Diaspora a prouvé qu’elle demeurera encore pour un bon moment ; les rumeurs sur sa disparition sont très exagérées. Ainsi, chaque communauté doit reconnaître que son modèle, la paire de lunettes àtravers laquelle elle a traditionnellement jeter son regard sur l’autre, nécessite un renouvellement de prescription.

Cherchant àajuster notre vision de l’avenir, nous devons nous demander : Si la construction de l’Etat et la facilitation de l’Aliya de plus de trois millions de nos frères de pays d’oppression étaient les défis définissant les 60 dernières années, quels sont les défis qui définiront les 60 prochaines ? Et alors que nous avançons vers ces 60 prochaines années, la Diaspora et Israë l peuvent-ils forger une nouvelle relation – une relation fondée sur quelque chose de plus durable que la charité mutuelle ou le parrainage bienveillant envers l’autre ? Et finalement : Sur quelle fondement Israë l et la Diaspora peuvent-ils développer une manière partagée de regarder le futur, plutôt que de se cramponner àla vision binaire qui a défini leurs passés respectifs ?

Commençons par traiter la première de ces questions : Quelles sont les menaces, les opportunités émergentes, et les besoins qui retiendront notre attention et nos ressources dans les décennies àvenir ? La réponse la plus évidente est la menace existentielle provenant du terrorisme arabe et de l’Iran. Mais bien que cela soit vrai, je crois fermement qu’il existe aussi une autre menace existentielle, qui ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. En un mot, le défi primordial du futur sera posé par une expression bien innocente : l’Identité. La grande menace àlaquelle nous sommes confrontés est l’assimilation de masse, par défaut, dans une culture mondiale, homogénéisée.

Dans un monde ou des employés àNew Delhi répondent par téléphone pour l’agence de location de voitures Alamo àSan Francisco, dans lequel les frontières nationales semblent s’évaporer dans l’image floue de Mac Donald et de messages Twitter – dans ce monde, Israë l se trouvera sous une pression de plus en plus grande pour justifier son existence en tant qu’Etat juif, et le Peuple juif se trouvera sous une pression encore plus grande pour se maintenir comme entité distincte. Dans un tel environnement, notre avenir s’élèvera ou s’effondrera àpartir de notre capacité àcommuniquer ànous-mêmes, ànos enfants, et au monde, pourquoi le Peuple juif doit continuer d’exister comme unité en lui-même. Si nous ne parvenons pas àrelever ce défi, nous nous désintègrerons en silence de l’intérieur, aussi sà»rement que si nous avions été attaqués de l’extérieur.

Comment faisons-nous face au défi de l’identité ? Je suis convaincu qu’une façon de le faire est d’abandonner le vieux modèle – dans le sens où nous sommes des communautés isolées – et de commencer de rencontrer, chez l’autre, notre statut national le plus large.

D’une certaine manière, au cours des 60 dernières années, il semble que les plus évidentes vérités ont échappé àla conscience aussi bien des Israéliens que des communautés juives de Diaspora : Chacun de nous a besoin de l’autre. Nous avons besoin de l’autre matériellement, mais bien plus que cela, nous avons besoin de l’autre pour comprendre qui nous sommes réellement, en tant que Peuple. La raison de se soucier de regarder de l’autre côté de l’océan n’était pas seulement de savoir de quelle sorte d’aide avait besoin l’autre communauté pour survivre, ou d’être reconnaissant que vous ne disparaissiez pas comme eux. Il en était ainsi parce que vous pouviez prendre contact avec l’autre, dans la réalité – et ce faisant, pratiquer ce qui signifie faire partie de ’Klal Yisrael’, le Peuple juif, au sens large.

De fait, un nombre croissant de Juifs de Diaspora, des milliers et des milliers d’entre eux, commencent àle comprendre : Faire l’expérience d’Israë l, c’est rencontrer la nation juive d’une manière fascinante, viscérale, tangible. « Birthright  », « Masa  » et d’autres voyages expérimentaux en Israë l produisent des impressions puissantes sur des étudiants – et il y a une raison àcela. C’est parce que un voyage en Israë l est plus qu’une visite dans un pays étranger ; c’est une visite àla maison. En entendant l’hébreu parlé dans les rues, en voyant les images de pommes et de miel sur des publicités vers Rosh Hashana, les caractéristiques de la vie juive envahissent la vie de tous les jours en Israë l, y compris de la vie profane.

Pour un(e) étudiant(e) habitué(e) àfaire l’expérience de sa vie juive d’abord comme dans une « prison  », en restant plusieurs années au cours d’hébreu de l’après-midi, il s’agit d’une rencontre avec son Peuple immédiatement différente, rafraîchissante et réelle.

A l’inverse, les Israéliens commencent àcomprendre : que la vie juive ne commence ni ne se termine en Israë l, que les rencontres avec la vie juive de Diaspora peuvent aussi être bonnes pour l’âme d’Israë l. J’ai récemment rencontré une femme d’affaires israélienne de premier plan, qui n’avait aucun intérêt auparavant dans la vie de la communauté juive en Diaspora, mais elle est devenue une dirigeante des programmes de partenariats de « l’Agence Juive  ». Elle m’a raconté que sa rencontre avec une communauté de Diaspora l’avait revigorée. Il s’avère qu’il ne s’agissait pas seulement d’économie. Elle a découvert un aspect vibrant de la vie juive différent des stéréotypes dans lesquels elle avait grandi àla maison, et elle trouva cela lumineux – et spirituellement rafraîchissant.

Le fond de l’affaire gît ici : Les communautés juives de Diaspora offrent àla communauté juive d’Israë l quelque chose de valeur. Quand des Israéliens rencontrent des Juifs de Diaspora élevés dans une société de ‘Gentils’ et ont choisi, pro-activement, de rester juifs de toute manière, c’est source d’inspiration. De plus, nous autres Juifs disposons d’un riche passé. Pour avoir un vrai sens de l’identité juive, les Israéliens ont besoin de comprendre l’importance des derniers 2000 ans de vie juive en Diaspora, d’apprendre àson sujet – et d’incorporer le meilleur de ce qu’il offre dans leur propre vie.

Dans le monde post-identitaire, les communautés juives de Diaspora et d’Israë l ont besoin l’une de l’autre. Aucun d’entre nous ne constitue Klal Yisrael : nous, ensemble, nous sommes Klal Yisrael. Quand nous entrons en contact avec l’autre, nous rencontrons quelque chose de majestueux, de merveilleux, de plus grand que la vie : nous rencontrons notre propre Peuple.

Au cours des 80 années passées, l’Agence Juive a été un pont entre la Diaspora et la communauté juive d’Israë l. En travaillant ensemble, nous avons accompli des choses historiques. Nous avons construit un Etat sur la terre de nos Patriarches et nous avons fait venir des millions de nos frères sur ses rives.

Maintenant, franchissons la prochaine grande étape que la destinée exige de nous. Embrassons ensemble notre terre partagée d’« Eretz Yisrael†, et notre Peuple uni d’« Am Yisrael  » pour pouvoir enseigner ànos enfants la signification de leur judéité et les amener àprendre soin passionnément d’Israë l.

Ce faisant, nous maintiendrons la vitalité de notre Nation pour les siècles àvenir.

L’auteur est président exécutif de l’Agence juive pour Israë l.


Notes du traducteur :
UJA : Union of Orthodox Jews in America
Haloutzim : pionniers, volontaires des kibbutzims

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