Au Moyen Orient, il y a une atmosphère de détente estivale avec des ouvertures, des pourparlers, des échanges, mais en même temps, on assiste à une surenchère verbale et à une démonstration de muscles, tout azimut. Devant une telle confusion, l’Occident se perd en conjectures, tout le monde y perd son latin. Que se passe-t-il en fait ? Rien de nouveau sous le soleil.
Commençons par le début. Pour être bref, c’est l’héritage de Mahomet qui façonne la réalité de la région jusqu’aujourd’hui. Pour les Shiites, l’héritage de Mahomet a été capté par les califes sunnites au détriment de la descendance de son gendre et cousin Ali. Le fond de la toile, c’est beaucoup moins l’antipathie du monde arabe à l’égard de l’Occident, qu’il admire en fait, que l’animosité millénaire qui anime la Shia’h vis-à -vis de la Sunna, et qui se transforme en course effrénée et concurrente pour la suprématie islamique et, de là , pour l’hégémonie au Moyen Orient.
Rappelons que pendant des siècles le shiite en pays arabe était le parent pauvre, souvent opprimé et mis à l’écart, parfois même citoyen de seconde zone, comme encore en Arabie. Le seul pays à majorité shiite c’est l’Iran, mais du temps des Shah, l’héritage perse était prévalent par rapport à celui de l’Islam. La situation s’y est inversée en 1979, après la révolution des ayatollahs.
Depuis que les Islamistes Iraniens ont montré leur volonté de puissance régionale à travers le nucléaire, tous les shiites de la région ont repris du poil de la bête, et, dans la foulée, tous les mécontents du monde arabe leur ont emboîté le pas.
En Syrie, la minorité shiite alaouite était pauvre et arriérée. Grâce aux 2 décennies du Mandat français, cette minorité s’est émancipée, en s’enrôlant dans l’armée et en formant le puissant parti Baath. Elle a fini par prendre le pouvoir par la force et la dynastie des Assad règne sur la Syrie par le népotisme, la torture, l’assassinat et le renseignement, depuis déjà 4 décennies.
La guerre d’Irak de 2003 menée par les Etats-Unis a libéré le pays d’une clique sunnite minoritaire et a donné le pouvoir aux shiites de ce pays, majoritaires.
Au lieu de mettre dans le rang les milices armées shiites du Hezbollah, comme nous le pensions, la 2ème guerre du Liban a donné un nouvel élan à la shia’h au Liban. Grâce à un mini coup d’état récent, mené par le H’ezbollah, la shia’h a retrouvé la place qui lui revenait sur le plan politique, vu la démographie galopante de cette population pauvre.
Avec le silence des Occidentaux et notamment celui de la France, la shia’h a obtenu une minorité de blocage au Parlement comme au gouvernement libanais, part qui en fait lui revenait. De plus les milices du Hezbollah ont été promues officiellement au rang de 2ème armée de défense, à côté de l’armée libanaise, au grand mépris de la Résolution 1701 de l’Onu qui prévoit leur désarmement [1]
Vu le charisme de Nasrallah, chef du Hezbollah, et d’intérêts convergents, de nombreux sunnites de l’Autorité Autonome palestinienne se convertissent à la shia’h qui a le vent en poupe dans ces territoires.
Rappelons par ailleurs que les réserves pétrolières du golfe persique se situent presque totalement en territoire shiite.
Face à cette poussée shiite tout azimut, les groupes radicaux de la sunna font long feu au Moyen Orient où on entend rarement parler d’al Qaeda, aujourd’hui. A l’opposé, les groupes des Frères Musulmans, grâce à leurs organisations caritatives et à leurs Å“uvres sociales financées par l’Arabie, constituent de fortes oppositions au pouvoir en Egypte, en Jordanie et en Syrie, bien que ces groupes soient interdits comme partis politiques. Le Hamas à Gaza en est issu, bien qu’il soit affilié aussi à l’Iran shiite, mangeant aux 2 râteliers.
Rappelons ici que la plupart des mosquées et madrassas du monde sunnite sont financées par l’Arabie, d’où la diffusion progressive, partout dans le monde depuis un demi-siècle de la foi pure et dure wahabite.
Au motif de la revanche de la Shia’h sur la Sunna, se sont ajoutées au panorama du Moyen Orient les conséquences de la 2ème Guerre Mondiale : la naissance des nationalismes, l’expérience de régimes socialistes autoritaires et surtout l’émergence des islamismes aussi bien shiite que sunnite, comme solution à la débâcle socio-économique des pays arabes.
La naissance d’un minuscule état Juif dans l’océan des pays arabes autoritaires et souvent encore tribaux a traumatisé la conscience arabe. Cet état indépendant, démocratique, victorieux et moderne leur est apparu comme inacceptable. Les arabo-musulmans qui ont échoué devant l’élan irrésistible de la modernité, notamment l’émancipation de la femme, se réfugient dans un Islam suranné, wahabite ou salafiste, shiite ou apocalyptique.
Malgré une crise alimentaire en cours et une crise économique qui se profile, le Moyen Orient évolue, mais lentement. En attendant, leurs dirigeants parlent, se réunissent, négocient, mais rien de sérieux. Les journalistes rapportent, font des hypothèses, des synthèses, sans vraiment comprendre les joutes orientales oratoires ou musclées.
Pourtant tous les germes conflictuels sont là , interethniques, interislamiques, interarabes, aussi sérieux que la non acceptation du fait israélien ou qu’un Iran nucléarisé [2].
Pour résoudre les conflits du Moyen Orient, le temps est le meilleur allié. Les Américains ont mis 4 ans pour comprendre ce qu’il fallait faire en Irak pour réussir et ils ont fini par réussir, malgré le vacarme des protestations des « impatients occidentaux ».
Al Qaeda et les milices de Moqtada al Sadr sont hors jeu en Irak. Eliminer des groupes terroristes, c’est coà »teux parce que cela prend du temps, mais c’est possible.
Si Israë l avait été plus patient au Liban du Sud ou à Gaza, il ne se serait pas trouvé aujourd’hui sous la menace de deux entités hostiles et armées, manipulées par des Islamistes Iraniens poussant leurs pions sur l’échiquier du Moyen Orient.
L’impatience est le meilleur ennemi dans cette interminable partie d’échecs.