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Réflexions diverses après l’émission « ce soir ou jamais » du 14 janvier 2008
Laurent David Samama
Article mis en ligne le 15 janvier 2008
dernière modification le 19 janvier 2008

Lundi 14 janvier 2008 sur France 3, Fredéric Taddei recevait sur le plateau de « Ce soir ou jamais » Rony Brauman, Marc-Edouard Nabe, Nimrod, Jean Paul Ngoupande, Jean Bricmont et Irénée Moudalbaye dans le cadre d’un débat autour de la notion de droit d’ingérence. Au cours de la discussion, de grossières erreurs ont été (volontairement ?) commises, Jacky Mamou président d’Urgences Darfour se sentant bien seul pour répliquer.

D’abord il y eu l’acte mesquin de Nabe et Brauman visant à contester l’évidence d’un génocide au Darfour. Selon un Rony Brauman dans la verve inféconde qu’on lui connaît désormais, au Darfour on ne commettrait que des crimes de guerres qui s’expliqueraient par des rivalités banales. On ne massacrerait que des hommes en âge de combattre, on galvauderait enfin la notion de génocide pour la vider de son sens. Bien sûr cette notion de génocide est à manier avec précaution.Bien sûr, le monde vit avec les images de la Shoah paradigme formateur de notre conception du génocide si bien que l’on est de suite mal à l’aise à l’idée d’avouer que sous nos yeux, le premier génocide du XXIeme siècle se déroule au Soudan.

Mais comment ignorer les désormais 400 000 darfouris atrocement massacrés et salir ainsi leur mémoire ? Comment mentir éhontément sur l’existence d’un génocide au Darfour alors que toutes les caractéristiques juridiques du génocide sont largement atteintes ?

Exploitant l’ancestral racisme arabe envers les populations noires, les autorités soudanaises ont d’abord commencé par légiférer sur l’infériorité de l’homme noir et ont dans un second temps laissé se perpétrer des séries de massacres systématiques envers les darfouris (Hommes, femmes et enfants). Les jenjawids armés de haches et de machettes ont et continuent d’égorger, d’assassiner, de violer, brûler, raser et piller en toute impunité.

...Par le passé, on a accordé l’étiquette « génocide » pour beaucoup moins...

Ensuite, il y eu les raccourcis teintés d’antisémitisme de Jean Bricmont, essayiste et physicien belge à la rhétorique sévère contre les américains. Pourquoi pas ! Mais lorsqu’il s’agit de d’affirmer que le droit d’ingérence qui infantilise les populations anciennement colonisées a été pensé par les Américains et les nouveaux philosophes (Glucksmann, BHL, Finkielkraut, tous étonnement juifs), on sent poindre un antisémitisme qui ne s’avoue pas. Celui là même décrit par BHL dans son « grand cadavre à la renverse » et qui de peur de reprendre ouvertement la théorie du complot juif, se sert de ce sentiment américain trop facilement resservi pour expliquer les choses.

On a enfin la mention toute a fait inappropriée à la résistance palestinienne, hors du sujet dans le cadre d’un débat centré sur l’Afrique et en l’occurrence sur le Darfour.
Pourquoi en revient-on incessamment à la question palestinienne sur tout et pour tout ? Doit-on se sentir coupable de s’occuper du Darfour qui se meurt ? Les territoires palestiniens sont-ils l’unique point d’achoppement sur le globe pour qu’ils monopolisent tant l’attention des opinions publiques ? Dans ce contexte, on en vient à se demander si un musulman du Darfour vaut moins qu’un musulman palestinien ?

On regrettera enfin que l’on pinaille sur des chiffres et débatte autour de querelles sémantiques infécondes au lieu de se consacrer à l’urgence : celle du Darfour et bien souvent lorsqu’il s’agit du Darfour, certaines hyènes ne peuvent s’empêcher de perdre le débat...


Objet=Réagir : Réflexions diverses après l’émission « ce soir ou jamais » du 14 janvier 2008 (article 8950)

commentaire=

Je voudrais inviter Laurent David Samama à nuancer fortement son appréciation des crimes commis au Darfour.

Le génocide a été différencié des crimes contre l’humanité (notamment les persécutions et l’extermination : meurtres en masse) pour mieux cerner les éléments caractéristiques de la Shoa qui font du génocide le crime des crimes. L’élément psychologique qui anime la main du tueur est dans ce cas de détruire un groupe humain en tant que tel au moyen du meurtre de sa victime.

Cette intention particulière (dol spécial)n’a pas été identifiée par le groupe d’experts de l’ONU qui a analysé les faits du Darfour. Il a néanmoins constaté de nombreux crimes contre l’humanité commis à une très large échelle et il a souligné leur extrême gravité.

Il peut y avoir par contre de très petits génocides (massacre des 200 indiens du « Plan de Sanchez » au Guatemala. Le génocide n’est pas une simple attaque systématique ou généralisée contre une population civile (définition des crimes contre l’humanité)$ Il est essentiel de défendre la spécificité du génocide ; il est essentiel de préserver la singularité de la Shoah. Tout Juif, parce que tous les Juifs (au moins européens) étaient visés, est une victime indirecte du génocide des Juifs, même s’il n’appartient pas à la catégorie des survivants et de leurs familles.

C’est là encore une grande particularité du génocide qu’il faut préserver à tout prix.

Un homicide involontaire n’est pas un meurtre.

L’extermination d’un groupe sans l’intention spécifique de l’anéantir n’est pas un génocide.

Pourtant le comportement d’un chauffard peut ne pas être moins grave qu’un meurtre.

Il n’y a pas de hiérarchie entre les crimes contre l’humanité et le génocide. Les caractères de l’infraction sont différents.

Évitons d’abuser du mot de génocide pour ne pas le banaliser et dans le doute qualifions les faits de crimes contre l’humanité (qualification retenue à Nuremberg pour la Shoa avant l’invention du concept de génocide)

Philippe Weckel, Professeur de Droit


Réponse à Monsieur Weckel de Laurent David SAMAMA

Il va sans dire qu’avec la Shoah, l’humanité a pris connaissance du point culminant de l’horreur génocidaire. Ayant étudié le droit pendant quelques années, je ne peux que confirmer votre point sur le dol et la distinction necessaire entre crime contre l’humanité et génocide.

L’objectif de cette tribune, comme de l’article que je publie dans le prochain numéro de Tohu-Bohu, (le magazine de l’UEJF), « Darfour : Cause Juive ? » est justement de chasser tous nos doutes sur la nature des evenements au Darfour. (Le ton volontairement provocateur ne sert qu’à toucher le plus grand nombre.)

Bien sûr, nous entendons plusieurs sons de cloches, bien sûr il nous est difficile de réaliser que ce XXI eme siècle s’ouvre sur un massacre à grande ampleur. Pourtant, de l’avis meme des associations, des ONG et meme l’ONU on se rapproche d’un génocide. En effet les composantes qui font un génocide se retrouvent au Darfour : racisme d’Etat et productions de lois xénophobes, planification (cela dure depuis désormais plusieurs longues années) et organisation de massacres d’une minorité à grande echelle (désormais 400 000 morts, hommes, femmes et enfants). Au Darfour, il semble donc qu’on extermine à dessein. 

Paradoxalemennt, le problème du Darfour est sa sous-médiatisation ; certains parlent de « Shoah sans image » même si le terme ne me plaît pas car il convient de différencier les deux situations.

Du fait de controverses stériles (l’Arche de Zoé) ou de trop nombreuses polémiques sur le nom de l’horreur comme ce débat de Lundi soir, on en oublie la cause essentielle.

Les spécialistes se doivent d’être pointilleux sur les notions employées, mais cela ne doit pas masquer l’horreur du Darfour qui se meurt, vous en conviendrez.



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