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Le point sur l’hydroxychloroquine au 10 avril
Richard Prasquier
Article mis en ligne le 11 avril 2020

This week in Virology (Twiv pour les aficionados) est un extraordinaire site audio, actuellement au numéro 600 (1h30 à 2h d’entretiens à chaque numéro !) tenu par Vincent Racaniello, Professeur de virologie à Columbia University . Y interviennent les meilleurs spécialistes américains et le coronavirus en est évidemment actuellement le sujet exclusif.
Début avril, le traitement par hydroxychloroquine y fut analysé, mais pas comme nous pourrions le penser. La discussion se concentra sur l’étude publiée (preprint) le 30 mars par les médecins de l’Hopital du peuple de Wuhan sur 60 patients avec pneumonie sans signe de gravité, randomisés avec ou sans traitement. 80% de ceux qui avaient reçu le médicament pendant 5 jours s’étaient améliorés cliniquement, contre 55% de ceux qui ne l’avaient pas reçu.

Cette étude avait conclu à l’intérêt potentiel du médicament, et les auteurs, admettant que le nombre de cas était très faible, appelaient à une étude randomisée plus étendue. Position légitime, ont conclu les virologues américains.

Quant aux résultats du Pr Raoult ils furent à peine discutés : « Une équipe de Marseille a indiqué que l’hydroxychloroquine était un traitement utile, mais la façon dont leur étude a été faite ne permet de tirer aucune conclusion ». Rude rebuffade envers le « virologiste le plus cité du monde », dont le nom ne fut même pas prononcé.

Une semaine plus tard, nous ne sommes pas plus avancés, à écouter les virologistes de Twiv. Quel contraste avec l’intensité de la controverse médiatique ! Le Pr Raoult, devenu vedette des réseaux sociaux, a reçu dans son fief la visite du Président de la République, et la France est divisée en deux camps. Les critiques, parfois les insultes et même les menaces fusent contre ceux qui sont hostiles ou qui prêchent la prudence. Beaucoup de médecins sont prêts à prendre l’hydroxychloroquine s’ils tombent malades, beaucoup de services de réanimation l’administrent hors protocole aux patients gravement atteints. L’idée de base est simple : même si le médicament n’améliore pas la situation, il ne peut pas faire de mal.

Les détracteurs de l’hydroxychloroquine ont trop insisté sur les complications possibles. La chloroquine a été utilisée massivement depuis la fin de la guerre comme médicament de prévention contre le paludisme. Si elle est remplacée aujourd’hui pour cause de résistance du parasite, son dérivé hydroxylé, à peu près analogue, est encore largement prescrit dans des maladies inflammatoires ou auto-immunes. Les complications sont très rares, liées à certains troubles rythmiques très inhabituels et les complications rétiniennes ne surviennent que dans le cas de prises très prolongées. La bonne tolérance de l’hydroxychloroquine est donc bien établie. L’association à l’azithromycine, en revanche, est susceptible d’augmenter les problèmes rythmiques.

Reste que nous ne connaissons pas bien l’innocuité de ce médicament dans les conditions très particulières de réanimation (problèmes d’oxygénation cellulaire, de défaillance viscérale….) et même dans celles d’une stimulation immunologique, qu’elle soit provoquée par une atteinte virale plus ou moins banale ou qu’elle soit celle, exubérante, qu’on appelle aujourd’hui l’orage de cytokines, qui est très vraisemblablement responsable des formes graves de Covid.

Il y a des antécédents : il y a une quinzaine d’années, à la suite de l’épidémie de Sars, les propriétés de la chloroquine avaient attiré l’attention et avaient fait penser que ce produit serait efficace contre des virus tel que le HIV. Les essais cliniques ont été négatifs, et en raison d’une suspicion d’aggravation de la situation, la recherche dans ce domaine (faite notamment par des virologues italiens dont certains ont été aux commandes hospitalières dans l’épidémie actuelle) n’a pas été poursuivie.

Le mécanisme d’action de l’hydroxychloroquine est mal connu : elle a des propriétés immuno-modulatrices générales et de façon plus spécifique elle interfère avec le transport du virus dans le cytoplasme, ce qui explique son intérêt dans les maladies bactériennes intracytoplasmiques (rickettsies…) qu’étudie de longue date l’équipe marseillaise. Mais ni des mécanismes d’action présumés, ni une efficacité in vitro ne peuvent préjuger de l’efficacité sur le malade. Les déceptions dans cette extrapolation sont courantes en virologie.

De plus, il n’y a pas de certitude qu’on puisse extrapoler des résultats sur le malade grave, comme le sont les patients entrants dans l’étude Discovery à une éventuelle efficacité sur le patient peu symptomatique, voire non symptomatique mais en risque d’être atteint ou de propager la maladie. Ce sont ces situations qui à juste titre agitent l’opinion et il est difficilement compréhensible qu’une étude randomisée n’ait pas été effectuée avec de grands effectifs : c’est en médecine de ville que ces études auraient leur justification et non pas dans un cadre de soins intensifs. L’étude Hycovid du CHU d’Angers lancée il y a une semaine permettra peut-être une réponse.

En ce qui concerne Discovery, les données intermédiaires ne semblent pas montrer de bénéfices pour l’instant. A titre anecdotique, bien des patients qui ont reçu de l’hydroxychloroquine « hors protocole » ont dû malgré tout recevoir une ventilation mécanique. Penser que la prescription d’hydroxychloroquine est une « fin de partie » comme l’a prétendu le Pr Raoult en février s’est révélé faux. Mais la possibilité d’une action du médicament à un stade ou un autre de la maladie n’est pas éliminée : il est accablant de constater que la controverse d’égos a retardé la réponse à cette question capitale.

Dans le contexte dramatique, il n’est pas étonnant de voir surgir autant d’accusations aberrantes, de « fake news », de biais cognitifs et de haines brutales. A se demander si le confinement ne sert pas aussi à empêcher la construction de bûchers…
La détérioration du débat n’a pas lieu qu’en France. Aux Etats Unis, où le Docteur Trump a été à la manoeuvre avec la subtilité qui le caractérise, le courant prohydroxychloroquine prend des aspects apocalyptiques et s’appuie sur un article de faux scientifiques de Stanford (Mrs Todaro et Rigano) dont les déclarations ont continué une lancée médiatique non entamée par le démontage de l’escroquerie intellectuelle.

Rien ne permet d’affirmer que l’Hydroxychloroquine est efficace, rien ne permet d’affirmer qu’elle ne l’est pas. Cela ne peut se résoudre par un sondage. Mais après tout ce temps de controverses malvenues, ne pourrait-on pas au moins avoir au moins des assurances sur son innocuité dans cette situation clinique particulière et dramatique ?



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