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L’abbé Pierre ou « absoudre l’intolérable »
Par Laurent Samama
Article mis en ligne le 11 mai 2007

On a coutume de dire qu’en chaque homme existe une part d’ombre et de lumière. Ainsi, tout en saluant le génie créateur d’un Céline on crachera sur les thèses antisémites exécrables défendues par l’auteur de voyage au bout de la nuit.

L’abbé Pierre qui fut longtemps l’homme le plus aimé des français est décédé lundi 22 janvier 2007. Rappelons nous de la force avec laquelle celui qu’on a auto proclamé le « Pape des exclus » a mené le combat contre l’extrême pauvreté et a lutté sans cesse pour redonner une dignité a des personnes qui avaient tout perdu. Rappelons nous aussi, sans sous-estimer sa bonté et son dévouement, le soutien de l’abbé aux thèses révisionnistes et les relents d’antisémitisme que comportait des propos souvent restés « off ». Le soutien qu’il a accordé à Roger Garaudy lui a valu la désapprobation de la LICRA ou de l’UEJF.

Aujourd’hui, plusieurs voix s’élèvent pour l’entrée de l’abbé Pierre au Panthéon, ce lieu saint de la République ou sommeillent les grands esprits de notre nation. Comment, après l’hommage rendu par notre pays aux Justes qui ont sans relâche et souvent au péril de leurs vies luttés contre la barbarie nazie et les thèses racistes qui l’accompagnent, Comment pourrait-on aujourd’hui « panthéoniser » un abbé soutenant des thèses révisionnistes ? La France peut-elle sérieusement en 2007 s’accorder le droit de donner une légitimité à ces théories en consacrant l’ensemble de l’Å“uvre de l’abbé ? C’est donc bien légitimement qu’on est en droit de se questionner sur la réalité d’un tel soutien à l’heure où les thèses révisionnistes et négationnistes ne se cachent plus pour s’exprimer à travers le monde.

Après la découverte de la barbarie nazie à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, face à l’ignominie des camps d’extermination, l’ensemble de l’humanité se ralliait autour d’un slogan, d’une phrase clée : « Plus jamais ça ». Et pour ne plus revivre cela, pour ne plus retomber dans les affres d’une atrocité criminelle, on décidait de diffuser mondialement les photos de rescapés décharnés des camps de la mort, des charniers ou s’entassaient des centaines de milliers de corps, des montagnes d’os, de cheveux, de chaussures, de lunettes, de dents comme autant de preuves pour ne jamais oublier.

Tour a tour reprises par les nostalgiques de la défaite nazie, le nationalisme arabe puis par l’extreme-droite française et enfin par des mouvements crypto gauchistes, les thèses négationnistes ne se sont jamais totalement éteintes. Pire, elles menacent de revenir sur le devant de la scène médiatique dès qu’elles y trouvent un terreau favorable si bien que la menace d’hier redevient une réalité aujourd’hui. Le terme négationnisme désigne dans sa signification première la négation de la réalité du génocide pratiqué par l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale contre les Juifs. Le négationnisme consiste ainsi à prétendre, notamment par la négation de l’existence des chambres à gaz d’extermination ou de la volonté d’extermination des Juifs d’Europe par les nazis, que la réalité de ces crimes relèverait de mythes. Nombreux sont les sites Internet ou fleurissent des hommages à la pensée de Garaudy, d’autres célèbrent plus subtilement l’Å“uvre et la vie de Céline (mais personne n’est dupe) et certains présentent Robert Faurisson comme un chantre de la liberté de pensée.

Soutenu intellectuellement et financièrement par le régime iranien en place, celui de Mahmoud Amhaninedjad, les theses négationnistes et révisionnistes connaissent un nouvel essor. Hier, Bruno Gollnish, professeur d’université à Lyon (quel bel exemple pour la jeunesse française !) s’interrogeait sur la véracité des 6 millions de morts de la Shoah ou de l’existence de chambre à gaz et dans les manifestations de soutien aux Palestiniens on peut lire des tracts inspirés du Protocole des sages de Sion. Aujourd’hui une française, Françoise Pichard termine en deuxième position du triste concours international de caricatures sur l’Holocauste

Le Président Jacques Chirac s’étant évertué à rappeler le « crime contre la mémoire » que constituait l’adhésion à de telles thèses, il est de bon ton de ne pas être laxiste lorsque l’on évoque le sujet.

A qui l’abbé Pierre a-t-il accordé son soutien moral si polémique ? A Roger Garaudy « philosophe » français au parcours intellectuel complexe, ami d’idéologies meurtrières et antisémite notoire. Auteur d’un ouvrage intitulé « Les mythes fondateurs de la politique israélienne », Roger Garaudy a été condamné, le 27 février 1998 pour contestation de crimes contre l’humanité, diffamation raciale. Dans ses attendus, le tribunal souligne que « loin de se borner à une critique du sionisme (...) Roger Garaudy s’est livré à une contestation virulente et systématique des crimes contre l’humanité commis contre la communauté juive ». Rejetant l’argument selon lequel son livre serait « antisioniste » et non « antisémite », les magistrats expliquent que l’auteur, « bien qu’il s’en défende, présente sous forme d’une critique politique (...) d’Israël ce qui n’est qu’une mise en cause de l’ensemble des Juifs ». Ce jugement a été confirmé en appel le 16 décembre 1998, Garaudy étant en outre condamné pour provocation à la haine raciale. Ses pourvois en cassation ont été rejetés par la chambre criminelle le 12 septembre 2000. Son recours devant la Cour européenne des Droits de l’Homme, fondé sur la violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des Droits de l’Homme, de l’article 6 (droit à un procès équitable) de la Convention, de l’article 4 du Protocole no 7 (droit de ne pas être jugé ou puni deux fois) et des articles 9 (liberté de pensée, de conscience et de religion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, a été déclaré irrecevable par la Cour.

En plus de soutenir, l’abbé a souvent dérapé sur Israël et les juifs. A Bernard Kouchner il dit ainsi : « Alors là, je trouverai le fond du problème de la sensibilité d’un Juif, en lui disant : toutes vos énergies se trouvent mobilisées par la réinstallation du grand temple de Salomon à Jérusalem, bref, de l’ancienne cité du roi David et du roi Salomon. Or vous vous basez pour cela sur tout ce qui dans la Bible parle de Terre promise. Or, je ne peux pas ne pas me poser cette question : que reste-t-il d’une promesse lorsque ce qui a été promis, on vient de le prendre en tuant par de véritables génocides des peuples qui y habitaient, paisiblement, avant qu’ils y entrent ? Les jours ... Quand on relit le livre de Josué, c’est épouvantable ! C’est une série de génocides, groupe par groupe, pour en prendre possession ! Alors foutez-nous la paix avec la parole de Terre promise ! » Publié dans Le secret de l’abbé Pierre de Michel Antoine Burnier et Cécile Romane, Mille et une nuits, Paris 1996, p. 11. 10. (source non vérifiée)

Enfin un article paru dans l’humanité le 30 Avril 1996 nous précise que l’abbé Pierre a persisté dans cette voie en prononçant les paroles suivantes : l’abbé Pierre s’estime « convaincu » qu’en remettant en cause l’holocauste, « il y a une espèce de ouf ! Le tabou est levé ». Il raconte avec enthousiasme qu’à l’occasion d’un voyage récent en Belgique, « dès que je suis sorti de voiture à l’aéroport de Bruxelles, des gens sont venus vers moi (...) pour me dire : merci, parce que vous avez eu le courage de remettre en cause un tabou ». Au point d’en éprouver un soulagement : « On ne se laissera plus traiter d’antijuif ou d’antisémite si on dit qu’un juif chante faux. »

Le plus étonnant est sûrement le fait que l’entourage de l’abbé n’ait rien fait pour le persuader de ne pas apporter son soutient à Garaudy ni de s’exprimer sur ce qui touche à Israël, les Juifs, la Shoah. Silence complice ?

Laurent Samama



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