mercredi 12 septembre 2007
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R - C'est une longue histoire entre la France et Israël. C'est une histoire très intéressante, avec des hauts et des bas. Nous connaissons actuellement une période de très bonnes relations. Je suis très satisfait d'avoir été reçu par tous les dirigeants du pays, en particulier par Tzipi Livni. Ils m'ont affirmé que la journée avait été positive. Evidemment, après l'attaque de la nuit dernière, la journée d'hier est moins positive.
J'ai appris au cours de mes rencontres, hier, avec Abou Mazen et d'autres amis, ainsi que ce matin avec Ehud Barak, que les entretiens entre le Premier ministre et Abou Mazen vont dans le bon sens : trois heures d'entretiens, une véritable ouverture et un travail important dans la perspective de la conférence prévue en novembre, vraisemblablement aux Etats-Unis. Nous étions tous satisfaits et nous sommes plutôt optimistes.
Q - Avez-vous un commentaire à propos de l'accusation de la Syrie sur une attaque israélienne en territoire syrien et pensez-vous que la région se trouve face de nouveau dans une situation délicate et dangereuse due à une nouvelle tension entre Israël et la Syrie ?
R - Je n'ai rien à vous répondre sauf que Israël doit protéger sa population et qu'il y a un contrat entre le gouvernement israélien et l'armée pour protéger, en priorité, cette population. Je n'ai pas connaissance d'une réaction ou d'une absence de réaction mais le plus dommageable pourrait être, sans doute, de voir miner le processus de négociation avec Abou Mazen. Pour nous, pour vous, pour vos amis et les amis des Palestiniens - nous sommes les amis d'Israël et du peuple palestinien -, il est très clair que l'on ne peut pas accepter de voir l'ouverture dont je parlais tout à l'heure minée par ces gens qui attaquent Israël et refusent le dialogue.
J'ajoute, parce que c'est très important, que je n'ai aucune information sur l'attaque syrienne.
Q - Je sais qu'à l'occasion de votre déplacement, vous avez rencontré Noam Shalit, le père de Gilad Shalit, Je suis juste curieux de connaître la nature de la participation du gouvernement français pour la libération de Gilad Shalit, dans la mesure où il s'agit aussi d'un ressortissant français ? Je sais que la nuit dernière, à Ramallah, vous avez dit que, pour le moment, les Français ne sont pas disposés à parler au Hamas, quand pensez-vous que ce sera le bon moment ?
R - Nous avons parlé, à chaque fois, de Gilad Shalit avec tous nos interlocuteurs. Nous essayons de le protéger et d'obtenir des informations sur lui. Notre démarche était facilitée quand nous pouvions nous rendre à Gaza et parler avec la population. Il est cependant difficile d'obtenir des informations en respectant cette espèce d'embargo selon lequel on ne peut pas parler au Hamas. Mais nous avons d'autres sources d'information à travers nos amis égyptiens, à travers les ONG, à travers la Croix Rouge. Je viens de recevoir une lettre des familles. J'ai reçu les familles à Paris. Nous mettons tout en Å“uvre pour les aider et atteindre notre objectif.
Q - (A propos des négociations en cours).
R - Il faut de la détermination, pas seulement de la part de M. Ramon et de Mme Livni mais aussi de M. Ehud Barak qui est le ministre de la Défense. De la détermination puisque apparemment il y a eu 90 fusées lancées le mois dernier, c'est à dire 3 fusées par jour. Ces attaques sur les villages et les villes autour de Gaza ne pourront pas être supportées. Je ne sais pas ce qui sera décidé, mais j'ai compris qu'il sera décidé quelque chose. Tous mes interlocuteurs, aussi bien M. Ramon, que M. Barak et Mme Tzipi Livni ont tous parlé de l'extrême importance des négociations en cours. Ils ont dit que les réactions ne devaient pas affecter ces négociations et que le dialogue avec les Palestiniens - les Palestiniens qui souhaitent la paix, c'est-à-dire M. Abou Mazen, ou l'Organisation de libération de la Palestine, ou M. Fayyad - devait se poursuivre afin de trouver une solution à long terme, c'est-à-dire l'établissement de ce qui sera, je l'espère, un Etat palestinien. Voilà ce que j'ai ressenti mais je ne peux pas vous donner de détails sur les actions éventuelles qui seraient commandées par l'Etat d'Israël./.
III.- |
DEPLACEMENT AU MOYEN-ORIENT |
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(Tel-Aviv, 11 septembre 2007) |
Madame la Ministre de l'Education,
Cher Ambassadeur,
Monsieur le Président de Mikvé Israël,
Monsieur le Président de l'Alliance israélite universelle,
Cher Adi Steg,
Monsieur Yehuda Lancri, que je retrouve avec bonheur,
Monsieur le Directeur général de la Fondation Rachi,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
C'est vrai, c'est le 11 septembre aujourd'hui. En signe de fraternité, d'amitié et de paix, on ne pouvait pas mieux choisir que le 11 septembre pour affirmer qu'il est nécessaire que les voisins se parlent.
Chers Amis, je suis heureux d'être parmi vous, ce 11 septembre, pour marquer dans ce lieu historique la force de l'amitié de nos deux pays, avec l'inauguration du premier lycée franco-israélien. Je suis heureux de voir que des élèves, de beaux élèves, fréquentent déjà ces classes.
La construction de ce très beau lycée, entouré de ces arbres centenaires, s'imposait et pourtant il a fallu attendre un peu. Ce projet avait tardé, alors que près de 10 % de la population israélienne est francophone et demeurera francophone. Il nous manquait un projet d'envergure à la mesure de cette amitié qui lie nos deux pays depuis la création de l'Etat d'Israël. Je tiens à dire "depuis la création de l'Etat d'Israël" parce qu'il a fallu créer cet Etat d'Israël, et tout le monde l'oublie. Parmi les nouvelles générations, particulièrement en Europe, on ne sait plus pourquoi il a fallu créer l'Etat d'Israël, comme une évidence terriblement douloureuse. J'espère qu'il y aura beaucoup de lycées qui rappelleront ces épisodes qui justifient bien des choses et qui imposent une attention particulière et prolongée pour que la sécurité de l'Etat d'Israël et la paix avec ses voisins soient préservées.
La République française et l'Etat d'Israël ont décidé, d'un commun accord, la création de ce lycée franco-israélien sur ce site historique. Adi Steg l'a très bien souligné, Mikvé Israël est un très beau lieu fondé à la fin du XIXème et dont David Ben Gourion disait que s'il n'avait pas existé l'Etat d'Israël n'aurait pas vu le jour. Pour mener ce projet à terme, il a fallu l'intervention déterminée de l'Alliance israélite universelle - merci à elle - et la coopération volontaire et efficace - merci aussi - de la Fondation Rachi. Il a fallu également la participation de nos ministères respectifs. Mais avant toute chose, il fallait une détermination politique. Nos deux pays l'ont voulu, enfin. Nos deux peuples l'attendaient et c'est pour cela que nous l'avons fait et que nous sommes ici aujourd'hui.
Le projet pédagogique de ce lycée porte un idéal de coopération durable entre nos deux pays. Je sais bien pourquoi Adi a parlé de la durabilité de ces coopérations. Dans l'histoire il y a des hauts et des bas et dans la coopération entre nos deux pays, il y a aussi - on peut le déplorer - quelques bas mais beaucoup de hauts. Je témoigne pour les années qui vont venir qu'il y aura surtout des hauts. Il s'agissait donc de s'appuyer sur un enseignement bilingue, sur les points forts des deux systèmes éducatifs, français et israéliens, et de tirer partie de chacune de nos deux cultures. Ce programme ambitieux, qui aboutira à terme à la création d'un baccalauréat franco-israélien, contribuera à renforcer encore les liens qui unissent la France et Israël, habituant les citoyens des deux pays, et cela dès leur plus jeune âge, à établir des relations en profondeur, des relations sentimentales et historiques. Cela dynamisera la diffusion de la langue française en Israël et aidera à faire mieux connaître Israël en France.
Ce mélange de jeunes Français et de jeunes Israéliens est porteur de promesses, d'échanges, d'amitié. Il correspond à ce monde actuel, ouvert et multiple. Il nous reste du travail à accomplir. Il faut intégrer toutes les classes du cursus. Toutes les classes nécessaires devront être là. Il nous faudra donc un effort financier considérable, obtenir les homologations de nos ministères respectifs, mettre en Å“uvre ce baccalauréat nouveau dont je parlais. Mais le chemin parcouru en quelques mois est déjà spectaculaire.
Et puis, pour répondre à la ministre de l'Education dont j'ai apprécié le discours, je voudrais vous dire deux mots du climat politique qui règne dans ce pays. Depuis quelques mois, nous attendions que reprennent les tentatives de pourparlers de paix. Nous les voulions profondes, solides, déterminées. Nous voulions que l'on parle enfin - je parle de la France mais je parle aussi de l'Europe. Nous avions d'ailleurs, avec les dix ministres des Etats membres méditerranéens des Affaires étrangères de l'Union européenne, signé un texte, avant les autres, avant le projet de conférence, pour dire qu'il fallait saisir cette occasion. Il faut que maintenant le projet d'Etat palestinien, à côté d'un Etat israélien dont la sécurité sera assurée, soit mis à l'ordre du jour et accepté.
Nous avons eu une impression positive avec ces pourparlers dont la cinquième séance a eu lieu hier : séance de trois heures dans une atmosphère que les deux parties ont décrite comme nouvelle, amicale, productive, avant cette conférence de novembre, sans doute à Washington. Nous ne savions rien de cette conférence lorsqu'elle a été lancée, nous ne savions strictement rien du programme, des invités. Nous ne savons toujours pas grand chose mais nous savons, et c'est tout à fait important, que Palestiniens et Israéliens - et je pense à bien d'autres pays alentours et plus loin, les amis de ces deux peuples - sont sensibles à ce qui apparaît comme un petit climat d'optimisme.
C'est donc un beau jour. Même si le 11 septembre ne sera jamais vraiment un beau jour bien sûr. Je crois que nous ne regrettons ni les uns ni les autres que ce soit autour de ce symbole des deux jeunesses, de deux éducations, de deux avenirs, que nous soyons heureux de le faire remarquer et bientôt j'espère de le célébrer.
La France souhaite de toutes ses forces que les pourparlers de paix deviennent des acceptations de paix pour les deux peuples et, dans les deux peuples, pour chacun des individus de ces peuples. Que la rancune et la haine s'effacent et que l'on soit capable de considérer, comme nous l'avons su depuis longtemps les uns et les autres, que sur ce petit territoire, tout petit au regard du monde mais immense au regard de l'histoire, il y avait la place pour deux peuples.
Puisque c'est le début de l'année, je vous souhaite à tous une très bonne année. Elle ne pouvait mieux commencer qu'avec ce petit souffle d'espoir que nos amis israéliens nous ont transmis et qu'hier, nos amis palestiniens nous transmettaient.
Merci à tous./.
IV.- |
DEPLACEMENT AU MOYEN-ORIENT |
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(Tel-Aviv, 11 septembre 2007) |
Q - Monsieur le Ministre, c'est le retour de la diplomatie française dans les relations israélo-palestiniennes. Quelle est votre contribution ?
R - On peut dire que c'est un retour. Nous n'étions jamais vraiment partis, mais on peut dire que c'est un retour. La contribution, c'est d'essayer de participer à ce qui a l'air de ne pas trop mal se passer, c'est-à-dire les entretiens - on ne peut pas dire pourparlers de paix, mais pourquoi pas -, entre les Israéliens et les Palestiniens, entre le Premier ministre et M. Abou Mazen, dans cette perspective exaltante - je dis cela avec précaution - de la création d'un Etat palestinien à l'occasion de cette conférence américaine au mois de novembre. Si nous pouvons y participer, nous sommes prêts. Si nous pouvons aider, nous sommes prêts. Nous pouvons aider les Palestiniens à attendre parce que leur quotidien est difficile aussi bien en Cisjordanie qu'à Gaza.
Q - Beaucoup de Palestiniens nous disent que rien ne change sur le terrain. La construction des colonies se poursuit, il y a des routes pour les Israéliens, des routes pour les Palestiniens. La vie quotidienne est difficile. Est-ce que vous en avez parlé avec vos interlocuteurs israéliens ?
R - J'en ai surtout parlé avec mes interlocuteurs palestiniens et, ce soir, je dîne avec le Premier ministre palestinien, M. Salam Fayyad. Ils pensent, en effet, que tout ne sera pas réglé d'un seul coup et que ce sera simplement un document qui amènera à la reconnaissance d'un Etat palestinien aux côtés d'un Etat israélien, en pleine sécurité. Bien sûr il restera beaucoup de choses à régler. Celles que vous évoquez et bien d'autres : les frontières, la sécurité, la démilitarisation, les réfugiés. Mais c'est, je le crois en tout cas, je veux le croire, le début de quelque chose d'important.
Q - On parle beaucoup également de ce dialogue stratégique franco-israélien. Pourquoi est-il important ? Et pourquoi maintenant ?
R - Nous y travaillons depuis longtemps. Il est excellent pour cette région qu'il y ait un dialogue stratégique entre nos deux pays, qui je le rappelle, sont amis depuis la création de l'Etat d'Israël à laquelle nous avons fortement participé.
Nous sommes également amis des Palestiniens et cela nous autorise, peut-être, à participer à ce dialogue nécessaire. Il y aura une première réunion, je l'espère, ici, en Israël, avant la fin de l'année./.
V.- |
DEPLACEMENT AU MOYEN-ORIENT |
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(Tel-Aviv, 11 septembre 2007) |
Q - (Sur Gilad Shalit).
R - Je ferai tout ce que je pourrai. J'ai déjà rencontré M. Shalit et les familles des prisonniers détenus au Liban. Je fais tout ce que je peux. Nous en parlons. Toute la diplomatie française est tournée vers leur libération.
Q - Le Premier ministre israélien vous a-t-il demandé de transmettre un message à un des dirigeants arabes que vous rencontrerez ?
R - Cela n'est pas impossible, mais je ne vous le dirai pas.
Q - Sur le nucléaire iranien.
R - Pour le moment nous essayons, avec toute la communauté internationale, d'empêcher qu'il y ait une capacité nucléaire. Il s'agit là de faire respecter les accords internationaux par l'Iran./.
VI.- |
DEPLACEMENT AU MOYEN-ORIENT |
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(Tel-Aviv, 11 septembre 2007) |
Q - Monsieur le Ministre, vous venez d'effectuer une tournée politique très approfondie, à la fois dans les Territoires palestiniens et auprès des responsables politiques israéliens, y compris une rencontre avec le chef de l'opposition M. Benyamin Netanyahu. Qu'est-ce qui ressort de ces entretiens ? Avez-vous le sentiment que quelque chose se développe dans le dialogue engagé entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas ? Est-ce que l'on peut s'attendre à une percée en direction d'un accord-cadre ?
R - On l'espère. Je ne sais pas. Je crois que oui mais ce qui me préoccupe, c'est que j'ai vu un certain nombre de gens mais pas assez de gens de terrain. C'est très joli les pourparlers entre les hommes politiques, c'est très important et c'est essentiel, mais ce qui se passe sur le terrain, en Cisjordanie comme à Gaza, va conditionner le reste.
Il faut donner une vie meilleure, la perspective d'une vie meilleure aux Palestiniens des Territoires. Si on peut leur fournir l'espoir d'un Etat palestinien, c'est déjà formidable. Je l'espère. A quel moment ? Pendant la conférence de novembre, aux Etats-Unis ? J'imagine. Avec quels invités ? Je n'en sais rien. Mais enfin, cela a donné un mouvement à toute cette nécessité. Enfin, après tant d'années, on pourrait peut-être avoir une bonne perspective. Rien ne sera terminé, il y aura beaucoup de choses à régler mais la reconnaissance de la nécessité d'un Etat palestinien est nécessaire, après on verra. Mais attention, si cela se passe mal sur le terrain, si les gens vivent mal et qu'ils n'ont pas de perspective de vie meilleure, alors cela ira mal.
Q - Est-ce que les Israéliens ont évoqué des obstacles particuliers pour l'avancée de ces négociations ?
R - Non, ils sont très prudents et je crois qu'ils ont raison. Les pourparlers, les contacts étaient secrets. Ce n'est pas mal et ils ne veulent pas d'interférence. Ils ne veulent pas que les gens donnent des conseils autour et ils ont raison. La France est décidée à être d'accord avec tout ce qui sera accepté en commun par les Palestiniens et les Israéliens. On verra bien. Encore une fois, il y a quelque chose de changé.
Q - Un des problèmes majeurs du point de vue des Palestiniens, c'est la question de la confiance. Vous avez rencontré longuement le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, ainsi que le Premier ministre palestinien Salam Fayad. Avez-vous le sentiment que les Palestiniens aujourd'hui ont confiance en Israël et envisagent un aboutissement ?
R - Oui, très clairement, je le crois. Ne les décevons pas. Quand je dis nous, je me mets dans l'affaire. Je me sens Israélien pour ne pas les décevoir et je me sens d'ailleurs Palestinien pour demander très précisément aux Israéliens que quelque chose améliore la vie politique des Palestiniens qui vivent dans les Territoires. A Gaza aussi. N'abandonnons pas Gaza sous prétexte qu'on ne parle pas au Hamas. Je comprends qu'on ne parle pas au Hamas maintenant. Mais je veux aussi que l'Union européenne continue - et elle le fera - de donner un soutien aux Palestiniens qui sont bloqués à Gaza.
Q - Justement, le fait qu'il y ait deux pouvoirs, deux têtes. Le Hamas dans la bande de Gaza et Mahmoud Abbas en Cisjordanie, est-ce que cela ne condamne pas à brève échéance les négociations ?
R - Non, cela les avait condamnées avant et je pense que cela leur donne une chance maintenant. Mais il ne faudra pas négliger Gaza, bien sûr. Il faut donner une perspective aux Palestiniens et leur montrer que les choses changent pour eux avec la paix entre Israël et cet Etat palestinien. Voilà ce que l'on veut leur démontrer. J'espère que ce sera fait.
Q - Quelle est l'implication, Monsieur le Ministre, de la France et de l'Europe dans cette conférence de paix prévue en novembre à Washington ? Quel rôle comptez-vous jouer ?
R - Je n'en sais rien. Personne n'en sait rien. Je souhaite que la France soit invitée ainsi que d'autres pays d'Europe, d'autres nations. Il y aura apparemment une représentation du Quartet. Ce n'est pas suffisant. Mais je ne peux pas répondre pour chacun des pays européens.
La France, qui est un allié d'Israël comme un allié des Palestiniens, a une place très particulière. Nous sommes depuis le début, depuis la création de l'Etat d'Israël, aux côtés des Israéliens. Il y a eu des hauts et des bas, des difficultés, du général de Gaulle à Jacques Chirac. C'est normal dans des relations entre nations mais il y a une vraie amitié et, je dirais, des sentiments d'affection et d'amour. Nous avons une place politique dans cette Conférence.
Maintenant l'Europe... Vous savez, la France a proposé de ne pas rompre avec le Hamas s'il gagnait les élections. Ce n'est quand même pas la faute du Hamas s'ils ont gagné les élections. C'est la faute des autres qui n'ont pas gagné. Nous avons pensé qu'il fallait continuer à apporter notre aide. Je le pense encore. Il y a une aide qui vient d'Europe et de la Commission européenne qui est très importante : 400 millions d'euros. Ce n'est pas suffisant mais c'est quand même beaucoup. Il faut que les Palestiniens se prennent un tout petit peu en charge. Mais la France sera à leurs côtés. Pas du côté des lanceurs de missiles, des assassins, des terroristes. Cela non ! Jamais.
Q - Sur le dossier iranien, le président Nicolas Sarkozy a fait des déclarations très fermes en disant qu'un Iran doté d'une arme nucléaire était vraiment inacceptable. Est-ce que vous partagez cette même fermeté ?
R - Oui, je partage ce sentiment, mais être ferme dans un discours, ce n'est pas suffisant, il faut être ferme sur le terrain. Il faut donc préparer des sanctions tout en tendant la main aux Iraniens. Il faut les voir, les écouter, leur parler, mais surtout dire au peuple iranien qu'il y a d'autres solutions que la guerre. Il faut le dire à la diaspora comme au peuple qui n'a pas voté pour M. Ahmadinejad. Vous savez Ahmadinejad a été élu par 25 % des participants au vote. Il y a toute une population énorme qui est négligée, qui se sent acculée, qui se sent isolée, qui se sent solitaire. Il faut peut-être leur parler.
Q - Donc, il vaut mieux parler au peuple qu'à Ahmedinejad, finalement ?
R - Oui, mais ce n'est pas facile ! Il faut trouver les voies, bien sûr.
Q - On sait que la France et l'Egypte ont joué un rôle très important dans le dossier Shalit. Où en est-on aujourd'hui ?
R - Hélas, nous en sommes au statu quo et c'est aux Egyptiens, puisque nous, nous ne parlons pas au Hamas, à qui je vais demander, à l'occasion de mon déplacement en Egypte dans deux jours, d'intervenir. C'est à eux qu'il faut faire confiance pour le moment. Il faut continuer et nous continuons. Il n'y a pas une rencontre, dans laquelle les Français sont présents, où ne soit pas demandée la libération du soldat Shalit, notre compatriote.
Q - Un dernier mot sur votre relation personnelle à Israël.
R - Vous savez, quand Israël ne fait pas ce que je crois qu'Israël devrait faire, je suis un des premiers à critiquer. Mais j'ai au fond de mon cÅ“ur, de toute façon, la détermination qu'Israël doit exister, doit assurer sa sécurité, doit être dans ce monde, car Israël est une nécessité, sûr de son avenir. Et je suis prêt à me battre pour cela./.
VII.- |
DEPLACEMENT AU PROCHE-ORIENT |
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(Jérusalem, 12 septembre 2007) |
Béatitude,
Messieurs les Députés,
Mesdames, Messieurs,
Monsieur le Consul général,
Monsieur le Directeur,
Je suis très heureux de cette visite, trop rapide, bien sûr - les visites sont toujours trop rapides. Cette visite m'a amené à Tel-Aviv, à Jérusalem, à Ramallah, à Gaza aussi, vous avez raison de parler de Gaza, Monsieur, où j'espère que cela va se régler assez vite. Je n'en suis pas certain. Gaza échappe un peu à ma juridiction hors le Centre culturel français.
Je suis heureux d'être au Centre culturel français de Jérusalem-Est qui prend aujourd'hui le nom de Centre culturel français Chateaubriand. Je baptise ce Centre qui a déjà une existence extrêmement importante et qui a compté dans l'histoire de la fraternité entre les habitants de Jérusalem, de la Cisjordanie et de la France. Je le baptise donc du nom de Chateaubriand.
Pourquoi Chateaubriand ?
D'abord, Chateaubriand est passé ici lui-même, plusieurs fois pendant son long séjour à Jérusalem et certaines descriptions dans l'Itinéraire - et je viens de rencontrer l'éditeur qui a lu le livre bien entendu ; moi aussi, mais j'étais plus petit. Donc, dans l'Itinéraire, il décrit certains des chemins qu'il a empruntés à partir de la Vieille ville et ceci ne laisse aucun doute : ils les a empruntés. L'endroit a certes changé par rapport aux descriptions de Chateaubriand mais l'écrivain a cheminé à ces alentours sur l'emplacement de l'actuelle rue Salah Eddine, il y a plus de deux cent ans.
Mais ceci, à soi seul, ne saurait expliquer le choix de ce nom. Quel plus beau parrainage intellectuel aurions-nous pu souhaiter pour ce centre culturel, qui fête ce mois-ci ses vingt ans ? Ce Centre est situé en plein cÅ“ur de Jérusalem. Il a accompagné, depuis sa création, les grands moments qui ont traversé cette ville et il y a eu beaucoup de grands moments, des moments de joie et beaucoup de moments de difficultés.
Pour ses habitants, ce furent vingt ans d'espoir, vingt ans de lutte aussi, pour ne pas perdre pied et pour préserver leur identité culturelle. Beaucoup d'institutions culturelles phares ont été contraintes de fermer leurs portes. La flamme de la culture vacille, bousculée par les préoccupations de la vie quotidienne et des impératifs bien plus immédiats parfois de la survie.
Dans ce contexte difficile, ce Centre s'efforce d'être un acteur essentiel de la vie culturelle, de maintenir une vie culturelle. Découvreur de talents, il veut faire vivre la création artistique en lui offrant un espace dans lequel elle peut s'exprimer librement et aller à la rencontre de son public. La poésie, la peinture, la musique, la photographie, mais aussi et je dirai même surtout, le débat d'idées, trouvent en ces lieux un espace de diffusion. Le réseau du Centre culturel français et des établissements associés, de Naplouse au nord, à Gaza au sud - je ne sais pas si cela marche mieux que cela à Gaza en ce moment mais enfin, en tout cas nous le maintenons -, en passant par Ramallah, par Bethléem et Hébron permet d'atteindre l'ensemble de la population et de mettre en contact ceux qui ne peuvent se rencontrer physiquement.
De même, il organise des évènements festifs qui touchent un large public, la Fête de la Francophonie, la Fête de la musique ou, comme fin juillet dernier, le Festival de Jérusalem. Ceci rappelle, s'il en était besoin, la soif du public de se divertir, de danser et de chanter, de vivre en un mot, et de vivre librement.
Je reviens un temps à Chateaubriand. Chateaubriand, un homme complet. Ecrivain, journaliste, diplomate, homme politique, homme de foi aussi : quand il est venu à Jérusalem, il venait de publier "Le Génie du christianisme".
Chateaubriand, le visionnaire, je continue le panégyrique, le voyageur à l'intuition fulgurante. Celui qui, dans l'Itinéraire, a pris conscience de la force de l'identité du monde méditerranéen. Cela tombe bien parce que nous, nous sommes partisans d'une union méditerranéenne, j'en parlerais si vous le voulez. Il fait le tour entier de la Méditerranée : il visite Sparte, Athènes, Smyrne, Constantinople, Rhodes, Jérusalem, Alexandrie, Le Caire, Carthage, Cordoue, Grenade et Madrid. Derrière ce périple, se trouve l'intuition que les pays du bassin méditerranéen sont liés par la culture, par l'histoire, par le dialogue des civilisations et par leur avenir. J'ajouterai qu'ils sont souvent liés par la guerre qui est une façon de lier les hommes de ce territoire et de bien d'autres, qui a fait ses preuves si je peux me permettre, en négatif et puis aussi après les guerres, quand viennent les paix, en positif comme en Europe d'ailleurs.
Chateaubriand, l'homme libre, qui n'a jamais accepté de sacrifier son âme aux mirages du pouvoir. Sa carrière politique est jalonnée d'allers et retours, sa carrière diplomatique de démissions. Moi je ne suis pas partisan des démissions, je suis partisan d'une démission, mais après quand vous prenez l'habitude des démissions, cela ne veut plus rien dire. Je dis cela parce que j'ai des exemples. On démissionne et puis après on revient et puis on dit "attention je vais démissionner !", cela devient un peu grotesque, mais bon, une fois cela va.
Bref, amoureux des grands espaces, et de la nature, il est le chantre de la liberté, de la liberté individuelle, celle qui permet de traverser son époque sans s'inféoder à une classe ou à un parti. Il y aurait beaucoup à dire la-dessus. Sa plume acérée a dressé avec courage des constats sans concession sur l'époque turbulente qu'il lui a été donné de traverser.
Bref, Chateaubriand, le témoin de son temps, l'homme complet, dont le labeur acharné est exemplaire pour nous tous, y compris pour les 200 étudiants de ce centre culturel français.
Mesdames, Messieurs,
Précisément, ce Centre se veut le symbole de notre engagement politique et culturel auprès de vous, habitants de Jérusalem.
Ce Centre prend aujourd'hui le nom de Chateaubriand pour rappeler l'intérêt continu de la France, à travers ses écrivains et ses hommes politiques, pour cette terre où tant de fois nos histoires se sont mêlées. C'est pour célébrer cette continuité qu'il a été décidé de donner son nom à cet établissement afin que la culture et l'esprit français dans ce qu'ils ont de plus élevé continuent de rayonner ici. Pour terminer, permettez-moi de citer l'auteur : "les idées une fois nées ne s'anéantissent plus : elles peuvent être accablées sous les chaînes, mais prisonnières immortelles, elles usent les liens de leur captivité". Inspirons-nous de ce propos.
Je voudrais que ma venue, c'est-à-dire la venue de la France, dans cette période très particulière revête exactement cette signification que Chateaubriand, il y a bien longtemps, avait écrit.
Nous avons constaté - j'espère ne pas me tromper, je me trompe souvent - qu'un petit vent d'espoir ténu, un petit souffle, souffle sur cette région. Nous avons constaté, tant du point de vue israélien que du point de vue palestinien, tant du côté israélien que du côté palestinien, tant chez nos interlocuteurs israéliens que chez nos interlocuteurs palestiniens, le même visage d'espoir. Un visage plus épanoui que d'habitude. Ici nous pouvons affirmer une fois de plus, nous l'avons déjà dit très souvent mais cela n'avait pas la même portée : les Français sont des amis des Israéliens comme ils sont des amis des Palestiniens.
Nous avons été un pays qui a travaillé à la création de l'Etat d'Israël au lendemain de la seconde guerre mondiale, après l'Holocauste, sur décision des Nations unies. Personne ne se souvient de cette histoire. Je suis toujours frappé de cette amnésie. Dans les années 40 et 50 nous avons fait cela. Mais nous avons affirmé en même temps - et nous sommes toujours restés aux côtés du peuple palestinien - que nous souhaitions qu'un Etat palestinien naisse. Depuis longtemps, depuis 20 ans, 30 ans, nous le souhaitons. C'est toujours pareil : il y a des militants, des activistes, des politiques, des pionniers et puis après viennent des opinions semblables et puis des responsables politiques des communautés elles-mêmes.
Ce chemin a été parcouru et je vous assure qu'hier et puis avant-hier, j'ai tenté de partager mon temps presque également et d'ailleurs quasi-également entre les Palestiniens et les Israéliens. Des deux côtés, j'ai constaté qu'il y avait un espoir. Je sais qu'il est fragile qu'il tient à nous, à vous tous, à moi-même, de le renforcer.
Je sais que la situation sur le terrain prévaut, que les opinions, l'évolution des opinions se fera à partir de cette situation et de ce qui sera, j'espère, son amélioration. Je sais la façon de vivre ici en étant assisté en permanence dans cette Cisjordanie bloquée, bloquée par les check-points à l'intérieur et bloquée à l'extérieur. De cette situation dépendra beaucoup de choses. Je sais qu'à Gaza c'est encore pire et qu'il faudra intervenir auprès du peuple palestinien de Gaza également.
Mais il y a un processus politique en cours et c'est cela l'espoir. Ce processus conduit à la conférence qui se tiendra, sans doute aux Etats-Unis dans le courant du mois de novembre. Beaucoup de choses peuvent survenir. Oui ! Il y a des pays qui, alentours, comptent beaucoup dans les décisions politiques prises ici. C'est vrai pour le Liban, c'est vrai pour la Syrie, c'est vrai pour l'Iran. C'est vrai pour tous les pays en réalité autour de ceux qui nous intéressent.
Mais il n'empêche, si chacun y met de la bonne volonté, si l'on comprend que c'est vraiment, je ne dis pas la dernière occasion ce serait trop pessimiste, mais une occasion à saisir maintenant. Il faut qu'un Etat palestinien soit créé dans les semaines qui viennent. Il y aura d'autres problèmes : rien ne sera terminé, rien ne sera achevé en terme même de fonctionnement administratif, politique, légal de cet Etat et puis il y Gaza, je sais.
Mais quelque chose se passe que nous devons encourager et c'est sur ces mots, ayant cité Chateaubriand qui disait que les idées ne peuvent pas mourir, ces idées que nous avons, la France, depuis très longtemps, maintenues, encouragées, propagées, parce que cette idée des deux Etats, de la justice pour le peuple palestinien et de la sécurité pour le peuple israélien. La création parallèle, côte à côte, de ces deux voisins capables de se parler puis de vivre ensemble et d'aller plus loin ensemble.
C'est l'espoir que je formule aujourd'hui en vous félicitant, en vous remerciant d'avoir attendu car nous étions en retard, les directeurs, le personnel que je salue et puis vous, Mesdames et Messieurs, les représentants, Béatitude, des religions qui ici trouvent leur place avec difficulté mais sont les symboles permanents de cette ville.
Je souhaite longue vie, après 20 ans, à ce Centre culturel français Chateaubriand.
Merci./.
VIII.- |
DEPLACEMENT AU MOYEN-ORIENT |
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(Jérusalem, 12 septembre 2007) |
Je ne suis pas habitué au langage diplomatique et je n'ai pas l'intention de m'y habituer, donc je vous dis les choses comme je les pense avec beaucoup de franchise. Ca ne veut pas dire que je condamne les diplomates, c'est leur métier, pas le mien. Et heureusement, aujourd'hui, parce que j'ai vraiment senti, profondément senti, que quelque chose se passait entre les Israéliens et les Palestiniens. Je sais que ce quelque chose est fragile, je sais que cela s'est déjà produit, je sais qu'on a eu beaucoup d'espoir au moment de Madrid, au moment d'Oslo et dans bien d'autres moments.
Là, j'ai l'impression que la façon dont ils se parlent, la manière, la technique qui a été employée, c'est à dire le contact individuel entre Ehud Olmert et Abou Mazen était une bonne idée. Parce qu'il s'est passé quelque chose, surtout au moment de la troisième entrevue. Elle a duré trois heures et ils ont commencé d'abord à ouvrir le champ, à parler avec d'autres, à proposer ce qu'on peut appeler un cadre, une feuille de route, je ne sais pas comment vous voulez l'appeler, pour que tout le monde, tous ensemble, se dirige vers ce qui n'était pas très clair, et qui est devenu un tout petit peu plus clair : cette conférence aux Etats-Unis en novembre.
Est-ce que ce sera aussi l'occasion symboliquement, ou plus encore pratiquement, de célébrer cet Etat palestinien tant espéré et tant espéré par la France depuis bien des années ? Je l'espère ! Nous n'en connaissons pas les termes. Nous n'en connaissons pas la dimension. Mais je crois qu'il y a une petite possibilité que ce progrès soit accompli avant novembre et avant cette conférence.
Voilà pourquoi je suis heureux d'avoir fait ce voyage et d'avoir essayé de passer mon temps, le plus possible, des deux côtés, palestinien et israélien. Je vous rappelle que la France est l'amie d'Israël, la France est l'amie des Israéliens : elle a toujours soutenu la nécessité de la sécurité de l'Etat d'Israël. En même temps, elle n'a jamais cessé d'être l'amie des Palestiniens et de soutenir leur juste revendication à une vie quotidienne meilleure. Et pour que tout cela demeure vrai, en particulier cette dernière phrase, parce que c'est la vie quotidienne des Palestiniens et l'amélioration éventuelle de la vie quotidienne des Palestiniens, bien sûr en Cisjordanie, mais également à Gaza, qui va conditionner la réussite ou l'échec de cette convergence et de ce mouvement politique majeur qui est en train de s'opérer.
J'ai fait ce que j'ai pu, comme dirait Chateaubriand, pour être en droit de dire : j'ai fait ce que j'ai pu. Ca n'est pas mon premier voyage ici. Ce n'est pas ma découverte de la réalité, ni de la Cisjordanie, ni de Gaza, ni des conditions médicales, ni des conditions de vie des uns et des autres. J'ai, depuis 1976 que je travaille ici, connu des gens, cela n'est pas incompatible avec la diplomatie, mais je préfère connaître les gens, les fréquenter, être avec eux, travailler, les affronter parfois, c'est ce qui me plait dans ce merveilleux métier temporaire que j'ai l'honneur de faire en représentant la France et le président de la République, M. Nicolas Sarkozy.
Q - Vous dites que ce voyage a, cette fois-ci, une pointe d'optimisme, à tel point qu'un Etat palestinien est possible dans quelques semaines ?
R - Je vous dis cela avec mille précautions. Je vous dis cela comme une espérance, mais j'ai l'impression que cette espérance, même si c'est pas exactement ce que vous venez de dire : Un Etat palestinien. Sous quelle forme ? Comment cela sera annoncé ? Je n'en sais rien, mais c'est ainsi que j'ai senti l'espérance, à la fois chez les Israéliens et les Palestiniens. Oui, avec ce mouvement vers la conférence de novembre. Bien sûr tout dépend de l'environnement, tout dépend de ce qui se passe au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Irak, en Iran. Je sais que tout cela conditionne cette conférence, mais là il y a un mouvement qui, j'espère, se traduira avant tout par une amélioration des conditions de vie. Cela ne peut pas être immédiat, il faut qu'ils le comprennent. Les Palestiniens sont un peu en mal d'espérance. Surtout à Gaza d'ailleurs, mais ici aussi en Cisjordanie. On a vu des chiffres éloquents, j'ai rencontré des ONG et des agences des Nations unies. Presque l'intégralité de la population de Gaza est assistée, aussi bien les réfugiés que les déplacés, que les habitants de Gaza maintenant ! Et une grande partie de la population en Cisjordanie dépend de la nourriture qui leur parvient pour survivre. Cela ne peut pas durer éternellement, je comprends qu'ils perdent espoir.
Q - Est-ce que dans ce processus, dans ce mouvement, dont vous avez semblé être un spectateur, la France et l'Europe sera spectatrice ?Ou peut-elle d'une manière ou d'une autre accompagner ce mouvement ? Ou doit-elle rester en dehors de ce mouvement entre Israéliens et Palestiniens ?
R - Il est très difficile de répondre à votre question. La France fait déjà partie du mouvement. L'Union européenne est représentée au Quartet dont Tony Blair est l'envoyé. Je l'ai rencontré longuement ce matin. Il n'est pas indifférent que ce soit Tony Blair, et de cette façon l'Europe participera et la France est très proche de Tony Blair. Nous avons été les premiers à saluer sa nomination et à faire une lettre assez remarquée à l'époque et assez critiquée à l'époque : la lettre des dix ministres des Affaires étrangères européens du pourtour de la Méditerranée. Si vous voulez bien relire la lettre, parce qu'on me prête souvent des propos définitifs et fracassants - il se trouve que cela arrive -, c'est ce que nous avons demandé. Donc nous y participons. Maintenant, pour les négociations, très honnêtement, je ne suis pas sûr que ce soit un bénéfice. Parce que cette technique du tête-à-tête a marché pour le moment, même si nous voulons participer à la conférence de novembre. Il faut que la France y ait sa place, je l'espère en tout cas. Je ne sais pas qui invite, et si les protagonistes ont quelque chose à dire, c'est-à-dire les Israéliens et les Palestiniens. Je pense que nous serons invités. C'est possible en tout cas, mais cela n'est pas certain. Mais il faut aussi qu'ils se méfient, vous comprenez : l'initiative de Genève a été très loin,les détailsétaient abordés et puis tout le monde s'en est mêlé et cela n'a pas marché. Alors dans la mesure où ils disent : laissez-nous parler tous les deux et vous soutiendrez le texte ou les idées qui sortiront de ce dialogue, cela n'est pas forcément faux. C'est peut-être assez prudent et assez juste. Nous verrons bien, mais après nous serons associés, bien entendu. Nous sommes associés dans les projets et nous sommes associés dans l'argent donné. Bien sûr la France est là et je trouve absolument ridicule et presque scandaleux qu'on reproche à la France de ne pas être présente alors que je pense qu'il s'agit du retour de la France, au contraire, dans cette partie du monde.
Q - Vous avez dit que c'est pas le bon moment pour parler avec le Hamas, quand est-ce que ce sera le bon moment ?
R - Je n'en sais rien - et vous non plus !
C'est comme ça la vie : il y a des moments politiques où il faut aller au plus pressé. Je pense que ce n'est pas nous qui avons déclenché cette guerre fratricide entre le Fatah et le Hamas et je pense que, dans ces conditions, il est important de donner un espoir aux deux parties, je parle de la population de Gaza et de la Cisjordanie. Maintenant je ne pense pas que ce soit un avantage, mais il ne faut pas le perdre de vue, qu'il y ait, avant l'espoir, avant cette idée de création d'un Etat palestinien, qu'il y ait à nouveau des contacts, forcément longs et difficiles entre le Hamas et le Fatah. C'est à eux de décider. Mais le Fatah ne veut pas et d'ailleurs le Hamas ne veut pas non plus : des troubles violents se produisent encore à Gaza. Donc je pense que ce n'est pas le moment : il y a un moment pour tout. Là il y a un moment d'espoir pour la création d'un Etat palestinien. Bien sûr, il ne faut pas négliger la population de Gaza, nous ne le faisons pas, nous continuons à l'aider, par l'intermédiaire de la Commission européenne et même directement. J'ai vu les ONG françaises ce matin : cela continue et il faut que cela continue. Je ne confonds pas la population de Gaza et le Hamas, mais je crois que pour le moment, il faut saisir cette occasion d'aller un peu plus loin et d'amorcer un mouvement politique profond. Si cela arrive, si en novembre cela arrive, je peux me tromper à 100 % ou 120 % même, mais si cela arrive et qu'un Etat palestinien qui, d'une certaine façon soit déjà reconnu, avant même d'exister presque, mais reconnu d'avance par les Israéliens en novembre, quand même, cela représentera quelque chose. Nous y aspirons tous depuis tant d'années.
Q - La conférence internationale peut-elle être un succès en ignorant le Hamas ?
R - Elle sera un succès si elle décide d'un Etat palestinien dont l'autorité légitime demeure du côté de Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne. L'Autorité palestinienne est le représentant légitime du peuple palestinien. Si sous sa direction il y a la création d'un Etat, bien sûr qu'il y aura ensuite des pourparlers politiques. On ne va pas élire un gouvernement nouveau. Evidemment on ne va pas l'élire parce que des élections sont difficiles en ce moment : vous le savez bien. On ne va pas reconnaître un gouvernement, mais l'idée d'un Etat. Je l'espère encore une fois. Vous évoquez un succès, mais il n'y a pas eu de conférence, on ne sait pas qui invite, où cela se passe, alors on ne va pas parler de succès tout de suite.
Q - Vous parlez d'un Etat dans quelques semaines quand même ?
R - Oui, et c'est l'espoir de l'œil et du cœur que tout le monde caresse.
Q - Vous avez rencontré Tony Blair ce matin. Qu'est-ce que vous vous êtes dit ?
R - Ca va, il est en bonne forme, il vous remercie, il est jeune et beau... J'étais pas mal non plus et nous sommes très amis et je suis très heureux ! Nous l'avons soutenu dès le début. Que Tony Blair soit le représentant du Quartet va "booster" les choses, il a un bon programme, son équipe est formidable, elle comprend un Français d'ailleurs, mais ce n'est pas pour cela qu'elle est formidable. Je pense qu'ils vont travailler d'arrache-pied à l'aspect économique, mais, croyez-moi, l'aspect politique le regarde également.
Q - Il pourrait faciliter l'invitation et l'entrée de la France à la conférence internationale ?
R - Je ne crois pas que ce soit lui qui invite. Qui invite d'ailleurs ? Moi je souhaite que la France soit invitée, mais si elle n'est pas invitée et que cela réussit, je serais très heureux quand même.
Q - Vous parlez d'un Etat palestinien, mais sur le terrain, les conditions sont aux antipodes, que ce soit les colonies, les routes de contournement, la saisie pour ne pas dire le vol des terres. Avez-vous entendu, de la part des Israéliens, une prédisposition pour changer complètement à 360° ?
R - Oui et pourquoi pas 660° ! Ecoutez, le mieux est l'ennemi du bien. Laissez faire les choses. Ca suffit comme ça, vous êtes toujours plus exigeant que la musique et vous allez plus vite que le temps ! Une seconde ! Cela fait 45 ans que ça dure ! Oui ! Il faut réparer les injustices ! Alors commençons par l'injustice des injustices : un peuple sans nation et sans territoire. Si par hasard cela est fait, tous les problèmes que vous soulevez justement pourront être réglés, en tout cas je l'espère, plus facilement. C'est ce qu'il faut voir, ne soyez pas trop exigeant.
Q - Vous avez abordé ce sujet avec vos interlocuteurs israéliens ?
R - Mais bien sûr, et ils l'abordent eux-mêmes. Ce qui est étonnant dans ces contacts, c'est qu'on n'a pas besoin de les pousser : ils ont apparemment décidé d'y consacrer vraiment à la fois beaucoup de temps et d'énergie. Et leur espoir dans cette transformation actuelle, c'est ça qui a changé mais je ne me fais pas d'illusions. Cela a été vrai plusieurs fois dans les 20 ans passés et donc cela n'est pas certain. Mais si on souligne uniquement les difficultés, on n'y arrivera pas. Alors comme vous savez qu'il est inutile d'espérer pour entreprendre, il sera inutile de réussir pour persévérer.
Q - Comptez-vous venir en aide aux journalistes français empêchés d'exercer en Israël ?
R - Mais pourquoi pas ? Bien sûr ! Vous pouvez compter sur moi.
Q - ...(inaudible)
R - J'ai demandé à mes interlocuteurs qui ne m'ont pas renseigné. Si en effet aujourd'hui on croit savoir qu'ils ont bombardé un convoi qui se dirigeait vers le Liban, on peut comprendre pourquoi ils le font. Cela ne va pas faciliter les choses. Mais cela fait partie des événements de la région depuis très longtemps. Tout le monde sait au Liban que des armes importantes, c'est à dire des missiles, arrivent à travers la frontière syrienne. Le gouvernement libanais lui-même s'est non seulement inquiété de cela mais a proposé que la communauté internationale boucle cette frontière. Il y a des propositions allemandes sur un système électronique. Nous savons tout cela maintenant. Quant à la réalité des choses sur la Syrie, je n'en sais pas plus que vous.
Q - Est-ce que c'est de nature à menacer la conférence ?
R - Ce n'est pas de nature à menacer la conférence. Cela ne me paraît pas être un évènement "difficile". Encore une fois, ce qui est un évènement difficile à supporter, c'est l'arrivée massive depuis des mois et des mois d'armes sur le territoire libanais. Simplement, on sait qu'elles ne sont plus au Sud du Litani et qu'elles menacent toutes les régions d'Israël./.