La résolution du conflit israélo-palestinien tarira l’une des plus importantes sources du terrorisme islamiste

par l’intellectuel tunisien Lafif Lakhdar au G8 | MEMRI

mardi 24 juillet 2007

Dans une lettre ouverte au G8, publiée le 19 mai 2007 sur le site arabe progressiste Elaph, l’intellectuel tunisien Lafif Lakhdar écrit que le conflit israélo-arabe est le principal alibi du terrorisme islamiste, et appelle donc le G8 à le résoudre en appliquant les paramètres de Bill Clinton. L’auteur explique que le conflit israélo-arabe a été instrumentalisé par Al-Qaïda à des fins idéologiques, et que sa résolution priverait donc l’organisation d’un de ses « mots d’ordres » les plus aptes à soulever la Umma et à apporter de l’eau au moulin du terrorisme islamiste.


Version française communiquée par l’auteur :

La résolution du conflit arabo-israélien en commençant par la solution du conflit israélo-palestinien, qui en constitue le cÅ“ur, est la meilleure approche pour tarir l’une des plus importantes sources du terrorisme islamiste porteur du chao dans les territoires palestiniens et qui risque de rendre le Moyen-Orient de plus en plus ingouvernable, de déstabiliser un monde déjàfragile et de rendre celui-ci encore plus injuste et plus dangereux.

L’opinion dominante dans vos Capitales, qui sont par ailleurs des centres de décision internationale, est que la solution du conflit arabo-israélien n’aurait pas d’incidences sur l’endiguement du terrorisme islamiste. Il s’agit làd’une idée toute faite propagée par des spécialistes du terrorisme dont Olivier Roy.

Pour éclairer votre décision sur le sujet, je vous donne ici àlire ce qu’en pense le Dr Ayman Zawahiri qui est, et de loin, plus compétent en la matière que vous « spécialistes  », lesquels n’avaient pas lu le terrorisme islamiste dans le texte et encore moins la théologie du djihad qui en constitue la référence de base. Dans son livre Cavaliers sous la bannière du Prophète (Avril 2001), le Dr Zawahiri recommande au mouvement djihadiste : « d’impliquer l’Umma musulmane dans son djihad, ce mouvement n’y parviendra que si ses mots d’ordre sont compréhensibles par l’Umma (...) àcet effet, écrit-il, le mouvement djihadiste n’aura pas àse cantonner, dans son combat [contre l’Occident et ses alliés musulmans], dans les seuls mots d’ordre de gouvernement théocratique, d’alliance [entre les fidèles] et de désaveu [des infidèles]. Ces mots d’ordre, pourtant àcent pour cent justes, ne sont pas, hélas ! Compréhensibles par les masses de l’Umma. Et ces masses ne sont pas prêtes àse sacrifier pour des mots d’ordre qu’elles ne comprennent point  » (pp. 227-228).

Le gouvernement théocratique dont parle Zawahiri vise àrétablir le Califat islamique de l’Andalousie aux confins de la Chine ; quant aux termes « alliance et désaveu  », ils signifient, très sommairement, la rupture immédiate et totale avec l’Occident et sa civilisation et le djihad contre lui jusqu’àsa défaite finale. Si le mouvement djihadiste continue àprôner alliance et désaveu : « jusqu’àce qu’ils donnent leurs fruits exige, écrit Zawahiri, que l’on persévère d’ici longtemps dans la propagation de ces mots d’ordre. Il est toutefois évident que nos ennemis ne nous laisseront pas tout le temps dont nous avons besoin pour éduquer l’Umma  » (p. 228) « Nous devons par conséquent, dit Zawahiri, compléter nos mots d’ordre dogmatiques purs par d’autres mots d’ordre qui, eux aussi, font partie intégrante du dogme pur, et qui ont le mérite d’être compréhensibles par les masses de l’Umma musulmane (...) au lieu de les tenir pour des mots d’ordre de seconde zone, nous devons, en revanche, les mettre au premier rang de notre prédication (...) Le mot d’ordre que comprend bien l’Umma et dont elle se fait l’écho - depuis 50 ans - est celui du djihad contre Israë l. Dans cette décennie [les années 90] l’Umma, en plus du djihad contre Israë l, s’est montrée sensibiliser par le djihad contre les Américains. (...) C’est pourquoi, le mouvement djihadiste devra adopter le mot d’ordre de la libération des trois Lieux Saints musulmans : la Ka’ba la magnifique, la Mosquée du Prophète et la Mosquée Al-Aqsâ (de Jérusalem). Ainsi, le mouvement djihadiste saura assurer son leadership sur l’Umma et gagner la sympathie active des musulmans de part le monde  » (pp. 229-230).

Avec lucidité politique, le Dr Zawahiri pense que si le mouvement djihadiste abandonne les mots d’ordre du djihad contre Israë l et de la libération de la mosquée Al-Aqsâ, il risquerait : « de s’isoler [des masses musulmanes] de voir sa lutte se transformer en conflit entre l’élite [djihadiste] et le pouvoir en place  » (p. 230). Cela, dit Zawahiri, est susceptible de faciliter la tâche des « dirigeants agents  » de l’Occident, s’entend, d’ameuter la population contre le mouvement djihadiste et de « l’écraser en silence  ».

Il est désormais clair, pour vous au travers de cette longue et significative citation du Dr Zawahiri que la « libération de la Mosquée Al-Aqsâ  » que revendique Zawahiri, autrement dit, la solution du conflit israélo-palestinien porterait un coup dur voire fatal au terrorisme islamiste. A contrario, ne pas comprendre àtemps cette vérité de base, ce serait laisser le loup d’Aqâ’idâ entrer dans la bergerie palestinienne pour gagner le public de Hamas et éventuellement enrôler les brigades Al-qassâm qui semblent se rebellés contre les modérés de leur direction... L’implantation d’Aqâ’idâ àGaza ne présage rien de bon. Elle risque bien de transformer les territoires palestiniens en un autre Iraq où le terrorisme islamiste régnerait en maître.

La stratégie palestinienne d’Aqâ’idâ, outre qu’elle contredit les « spécialistes  » du terrorisme, lesquels vous aurez induits en erreur, pourrait vous pousser àrompre avec la politique cynique de James Baker : « Laissez-les [= Palestiniens et Israë liens]se saigner  » jusqu’àce qu’ils s’épuisent mutuellement et qu’ils viennent enfin nous demander une solution...

Le moment semble être propice àune solution : Le clivage au sein de Hamas entre modérés et jusqu’au-boutistes, le pragmatisme confirmé de l’équipe du Président palestinien, Abu Mazen, l’initiative arabe de paix, qui a brisé le tabou de la reconnaissance d’Israë l et de la normalisation avec lui, le forcing de Damas pour négocier avec Israë l qui pourrait aller jusqu’àla visite d’Assad, àl’instar de Sadat, àJérusalem... Autant de facteurs qui militent pour une solution du conflit arabo-israélien àpartir de la solution du conflit israélo-palestinien au travers de la mise en application des paramètres du président Bill Clinton, lesquels ont donné aux deux parties en présence ce dont elles ont le plus besoin : la sécurité qui a fait défaut aux Juifs depuis 2000 ans, et l’Etat qui a fait défaut àla nation palestinienne tout au long de son histoire. Un Etat palestinien viable accompagné d’un plan Marshal de développement sonnerait probablement le glas du terrorisme islamiste.

Rien de tels que la paix et le développement pour guérir les blessures narcissiques des Palestiniens, des Arabes et des Musulmans ; blessures que leur inflige la supériorité de l’Occident dès le 16ème siècle lors de sa découverte de l’arme àfeu et surtout quand les canons de Napoléon défont les cavaliers des Mamlouks et mutilent le nez du Sphinx.


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