Quand Royal s’inspire de Chirac

Le bloc-notes d’Ivan Rioufol

samedi 9 décembre 2006

Ségolène Royal, en empathie avec le Hezbollah : un des effets de la politique arabe de la France. Répondant, vendredi dernier àBeyrouth, àun député du parti islamiste qui comparait la stratégie américaine au Moyen-Orient àune « démence illimitée  » et Israë l au nazisme, elle a déclaré : « Il y a beaucoup de choses que je partage dans ce que vous avez dit, notamment votre analyse sur les États-Unis.  » Il aura fallu vingt-quatre heures pour qu’elle assure n’avoir pas entendu l’insulte antisioniste, qui l’aurait fait « quitter la salle  ». 


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Peu importe que l’outrance contre Israë l, notée par les médias présents, lui ait été ou non traduite : le Hezbollah parle ainsi et Royal ne pouvait l’ignorer. Elle s’est défendue, en assurant qu’elle n’avait acquiescé qu’àla critique de la politique « catastrophique  » de George Bush en Irak (« Jacques Chirac le dit aussi  »), état dont elle saluait il y a un mois « la réussite  ». La veille, elle avait assuré être « en phase  » avec la politique étrangère du président. Touchante inspiration.

En réalité, l’épisode révèle l’ambiguïté de la constante diplomatie moyen-orientale de Paris. Elle recèle sa part de réticence envers Israë l et les Juifs, longtemps observable au Quai d’Orsay, où nombre de ses grands diplomates écrivains du XXe siècle - Paul Morand, Paul Claudel, Jean Giraudoux - alimentèrent l’antisémitisme bon teint. Elle conduit, aujourd’hui, àramper devant des tyrannies et àse cabrer face aux États-Unis.

C’est cet héritage que revendique la candidate du PS, partisane d’une « très forte continuité  ». Au Caire, en 1996, Chirac avait souhaité pareillement « donner un élan nouveau, dans la fidélité aux orientations voulues par son initiateur, le général de Gaulle  ». Il alla jusqu’àconseiller àYasser Arafat, en juillet 2000, de ne pas s’engager dans la paix négociée, àCamp David, sous l’autorité de Bill Clinton. Un ange passe...

Or, la France ne peut plus se tromper ainsi de camp, au nom de son exception. La guerre contre l’Occident, déclarée par le totalitarisme islamique, n’interdit pas le dialogue. Mais il empêche de cautionner ceux qui veulent rayer Israë l de la carte, insultent les États-Unis, méprisent l’Europe et n’ont comme urgence que de substituer, au Liban, une dictature théocratique àla fragile démocratie. Non, la France ne peut être le caniche du Hezbollah.

Aversions intimes

Un livre (Chirac d’Arabie, Grasset) se penche sur l’attrait de Jacques Chirac pour l’exotique. Éric Aeschimann et Christophe Boltanski : « Jacques Chirac ne s’aime pas (...) Il n’apprécie pas d’avantage l’Occident, cette civilisation sophistiquée où il s’ennuie, et encore moins sa modernité mouvante, où il se perd. Au Proche-Orient, épicentre des rites immémoriaux et des guerres fratricides, il se retrouve.  » Témoignage de l’écrivain Denis Tillinac : « L’antiaméricanisme comme refus d’un Occident triomphant fait partie du noyau dur de ses convictions.  » On comprend mieux ses connivences avec les despotes de tout poil, tandis qu’il refuse de débattre avec Jean-Marie Le Pen. S’explique aussi son affirmation de 2003 : « Les racines de l’Europe sont autant musulmanes que chrétiennes.

 »Mais ces aversions intimes pour l’Occident n’appartiennent pas, que l’on sache, àSégolène Royal. Aussi son mimétisme est-il peu compréhensible, sauf ày voir un conformisme antiaméricain, ou la quête d’un électorat musulman dont rien ne dit qu’il attende de telles flatteries àdes partis sectaires. Mais aurait-elle déjàviré de bord ? En multipliant, lundi, les gestes àl’égard d’Israë l - condamnation du nucléaire civil iranien, approbation du mur de séparation, justification des vols de l’armée au Liban-Sud (après les avoir condamnés), refus de rencontrer le Hamas (après n’avoir rien exclu) -, elle a donné les gages qui limitent la politique qu’elle voulait relancer la veille. Où est sa vérité ?


« Un mal moral  »

Cette réticence de certaines élites àse montrer solidaires de l’Occident contribue au malaise identitaire des Français. Cette crise est au coeur des inquiétudes au même titre que l’appauvrissement des classes moyennes (7 millions de personnes vivent avec moins de 788 euros par mois). Mais, comme le remarque Édouard Balladur dans un livre perspicace (Laissons de Gaulle en paix, Fayard) : « On sait bien ce qu’il faudrait faire pour redresser (économiquement, NDLR) la France. (...) L’enjeu est autre. Un mal moral la mine : qu’est-ce que la France ? Sa nature profonde est-elle altérée par la diversité des populations qui s’installent sur son sol, peut-elle encore leur imposer son modèle de toujours et les intégrer àsa civilisation ? »

Nombreux sont ceux qui sont prêts àentendre un discours de mobilisation sur la défense de l’identité française et européenne. Personne n’a critiqué l’hommage implicite aux racines, rendu par François Bayrou en annonçant, samedi, sa candidature dans le Béarn de ses ancêtres. Quand Nicolas Hulot balaye les Verts dogmatiques et recueille, cette semaine, 87 % de bonnes intentions au baromètre Ifop-Paris Match en dénonçant les agressions contre l’environnement, pourquoi ne pas imaginer un même engouement pour la protection de la culture et de la laïcité, menacées de dilution par renoncement et indifférence ? Reste àtrouver le Hulot consensuel et l’appui des médias...


Faux Watergate

Les médias : ils auront, une fois encore, succombé àl’auto-intoxication et au suivisme en présentant l’affaire Clearstream comme le Watergate français. Après des mois d’investigations, les juges viennent d’admettre qu’ils n’avaient rien àreprocher àDominique de Villepin, ce que je laissais entendre ici dès le 5 mai. Ne serait-il pas temps de parler des vraies préoccupations des gens ?

irioufol lefigaro.fr


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