Amel Karboul symbole de la fiérté et de la honte de la Tunisie nouvelle

Hélène Keller-Lind

mercredi 29 janvier 2014, par Desinfos

29 janvier 2014 : 16 h, heure de Tunis. Armel Karboul, ministre du Tourisme qui vient d'être nommée par le Premier minsitre Mehdi Jomaâ, présente sa démission après avoir prêté serment. La décision appartient désormais à ce dernier. Démission qui intervient après 48 h mouvementées dans la foulée du vote de la nouvelle Constitution tunsienne et la présentation du gouvernement par le nouveau Premier ministre.


29 janvier 2014 : 01 h, heure de Paris

Native de Djerba, diplômée d’excellentes universités en Europe et aux Etats-Unis, nommée àdes postes prestigieux, fondatrice et présidente de sa propre compagnie, jeune mère de deux filles, Amel Karboul est l’un des fleurons de la jeunesse tunisienne. Le nouveau Premier ministre d’une Tunisie venant de voter une Constitution saluée en Occident, l’a choisie comme ministre du Tourisme, secteur important d’une économie tunisienne aujourd’hui en berne. Hélas, dans un CV remarquable figurait, parmi les nombreux pays où elle a dirigé des ateliers, Israë l. Bien que la Tunisie ait renoncé àinscrire la criminalisation de toute normalisation avec l’Etat hébreu dans sa Constitution, c’est la curée. Premier ministre et intéressée contre-attaquent, vilipendant Israë l...

Le nouveau gouvernement tunisien obtient la confiance de justesse

Le 29 janvier au petit matin le gouvernement proposé par le nouveau Premier ministre tunisien, Mehdi Jomaâ, obtenait la confiance de l’Assemblée Nationale Constituante tunisienne. Celle-làmême qui vient de voter une nouvelle Constitution largement saluée en Occident pour ses avancées diverses->http://www.lemonde.fr/tunisie/artic...]. Dans son préambule l’ANC, et donc avec l’accord du parti Ennhada majoritaire, avait même gommé la criminilation de toute normalisation avec Israë l, un thème cher àla majorité tunisienne et àl’opposition. Elle était prévue, en effet, dans sa première version, le sionisme y ayant été présenté comme « ennemi de l’humanité »...

Pourtant, et cela est passé inaperçu, l’ANC avait inscrit dans le préambule de la Costitution adoptée un paragraphe allant finalement dans le même sens, mais àmots couverts et d’une manière beaucoup plus feutrée. On y lit, en effet, que la Tunisie oeuvrera "Pour le triomphe des opprimés en tous lieux, le droit des peuples àdisposer d’eux-mêmes, les mouvements de libération justes, et en premier lieu le mouvement de libération palestinienne, et afin de lutter contre toutes les formes de discrimination et de racismes" ; N’allez surtout pas croire un instant que le législateur pensait ici àla Syrie ou au Mali ou aux Kurdes ou àtant d’autres populations subissant rééllement une quelconque discrimination...Non, c’est bien Israë l qui était ici désigné....

Pourtant remarquable, Amel Karboul violemment contestée pour avoir dirigé un atelier en Israë l

Cette confiance votée àun Premier ministre se disant soucieux de former un gouvernement de technocrates n’a pas été obtenue aisément. A 19h45 la veille, le 28 janvier, selon le site webdo.tn la séance d’examen du gouvernement par les députés de l’ANC était levée sans que le Premier ministre soit assuré que la confiance lui serait accordée. Car des voix s’étaient élevées contre certaines nominations. "Essentiellement sur la ministre du Tourisme, Amel Karboul, soupçonnée d’être allée en Israë l, Hafedh Ben Salah, ministre de la Justice, accusé d’appartenir àl’ancien régime et Taoufik Jelassi, ministre de l’Enseignement supérieur, qui aurait appartenu au parti Afek Tounes. Les partis du Front populaire, courant El Mahaba, Al Joumhouri, Al Massar, le bloc Wafa et certains élus d’Ennahdha ont manifesté leurs volontés de s’abstenir ou de voter contre cette composition du gouvernement..

Mais les critiques portaient surtout sur la plus jeune ministre de ce gouvernement, l’une des deux femmes nommées ministres, une autre étant Secrétaire d’Etat. On lit ailleurs que des "réserves étaient émises àpropos de certains ministres àl’instar de celle du Tourisme, Amel Karboul. C’est àce titre, que Azed Badi du mouvement Wafa a fait part de son refus de voir une ministre qui s’est rendue en Israë l occuper un poste dans le nouveau gouvernement".

Armel Karboul, l’un des fleurons de la jeunesse tunisienne, native de Djerba, élevée en Tunisie, ayant brillament poursuivi ses études en Allemagne, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, recrutée pour nombre de postes prestigieux avant de fonder et de diriger sa propre entreprise. Un CV de rêve pour cette polyglotte adepte d’un changement global et réfléchi, mère de deux fillettes. Qui suscite l’enthousiasme de certains pour qui elle sera Ûun excellent ministre du Tourisme, important secteur de l’économie tunisienne aujourd’hui en berne->http://www.webmanagercenter.com/mag...].

Oui, mais...Dans son C.V., dans la longue liste de ce qu’elle a accompli on trouve cette mention : « a dirigé des ateliers en Europe de l’Ouest et de l’Est, au Brésil, en Inde, en Israë l, en Australie, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud et du Nord ». Et c’est làque le bat blesse, qui ne devrait pas blesser...Certains oublient tout son parcours exceptionnel, ne voyant qu’un seul mot : « Israë l »...Et la voici accusée de « de normalisation avec l’état sioniste »...."Le député issu du mouvement populaire Mourad Amdouni a même dénoncé, dans son intervention àl’ANC, le fait que le gouvernement de Jomâa comporte un ministre qui accepte la normalisation avec Israë l". On croyait pourtant que cela n’est justement pas interdit dans la Constitution qui vient d’être votée ni par aucune autre loi tunisienne...

Au cours du débat du 28 janvier le député Brahim Gassas interpelle Amel Karboul en ces termes : « Si tu t’es vraiment rendue en Israë l, prends tes valises et rentre chez toi ! ».

Rageur le site mag14.com écrit ; « A ce stade, les Tunisiens sont en droit d’exiger et d’obtenir des explications. Notre nouveau gouvernement aurait-il jugé que les compétences de la ministre sont àmême de compenser des séjours àl’étranger susceptibles de provoquer une controverse ? Mais alors que des résistants arabes contre l’occupant sioniste sont interdits d’entrée en Tunisie, voudrait-on nous imposer en catimini une normalisation qui ne dit pas son nom" ?, de la Ligue tunisienne pour la tolérance [ pour qui sionisme = racisme ], du Rassemblement arabe et islamique pour l’appui de l’option de la résistance [ collectif contre la »normalisation« et pour la lutte armée en »Palestine"] ainsi que de l’Instance nationale de soutien àla résistance arabe.

Pourtant le gouvernement de Mehdi Jomaâ a reçu la confiance...mais àquel prix ?

Se défausser en attaquant Israë l...

Le tout nouveau Premier ministre, qui avait rencontré trois cents personnes avant de choisirses ministres a dà» s’expliquer... "Il a précisé et insisté sur le fait qu’en choisissant les futurs ministres et secrétaires d’Etat, il s’est basé sur trois critères : intégrité, neutralité et compétence...A la question concernant Amel Karboul, Mehdi Jomâa a répondu qu’il s’agissait d’un voyage professionnel pour une formation destinée àde jeunes palestiniens, et pour lequel, elle était obligée de passer par Tel-Aviv. Il a ajouté que Amel Karboul a du subir six heures d’interrogatoire au regard du fait qu’elle soit arabe et musulmane avant de quitter Tel-Aviv, refusant de se rendre àla formation en question.
" nous relate le site businessnews.

Même explication sur Mosaïque FM : "Pour ce qui est de la ministre du tourisme, il [ le Premier ministre ] a déclaré qu’ il s’est entretenu avec elle suite aux réserves des élus, et qu’elle est partie en Israë l dans le cadre d’un programme des nations unies, pour un coaching de jeunes palestiniens
Il a ajouté que c’est l’entreprise de la candidate au ministère du tourisme qui lui a payé le billet, vu qu’elle partait d’Europe et qu’elle a atterri àTel Aviv, ce qui lui a valu 6 heures d’interrogatoire. De ce fait, elle n’a plus participé àce programme. Cependant, il a indiqué que si les réserves des élus sont fondées, il n’hésitera pas àchanger les membres conflictuels".
Webdotn donne sensiblement la même version : "Après avoir défendu son ministre du Tourisme, Amel Karboul, accusée de s’être rendue àplusieurs reprises en Israë l (ou dans les Territoires occupés), Jomaâ a expliqué que « la visite de la ministre qui avait eu lieu en 2006 s’inscrivait dans le cadre d’un programme de l’ONU visant àformer des jeunes palestiniens et que son rôle de coaching n’avait pas duré plus de 24 heures àcause notamment du mauvais traitement qui lui a été réservé par les autorités israéliennes àcause de son appartenance tuniso-arabo-musulmane ».

Ces « explications », Amel Karboul, elle-même, les a données le 28 janvier sur sa page Facebook, annonce reprise, entre autres, par le quotidien Aljarida al Tunisya. Elle y parle « d’humiliation » et « mauvais traitements », « d’entraves », etc. l’ayant poussée àécourter son séjour. Elle précise n’avoir eu « aucun contact avec les responsables de cet Etat » – qui n’est même pas nommé -. Et dit avoir relaté cet épisode au Premier ministre lorsqu’il l’avait rencontrée avant de la nommer..

La manoeuvre est claire : pour refaire une virginité àAmel Karboul on se défausse sur Israë l mis au banc des accusés, une fois de plus. Et voilàla ministre présentée, non plus comme coupable mais comme victime des autorités israéliennes en raison de son arabité et de sa religion. Qui, elles, sont résolument inscrites dans la Constitution nouvelle...Israë l coupable donc de racisme et d’islamophobie...
Si elle n’est pas inscrite dans la Constitution tunisenne toute neuve, la criminalisation de la normalisation avec Israë l se porte donc bien au pays dit du jasmin...Hélas pour la Tunisie qui ne se grandit pas ainsi.

De l’espoir d’une Tunisie nouvelle àla désillusion...

On sera passé avec cette affaire hautement symbolique de l’espoir d’un renouveau réél symbolisé avant ce débat par le visage radieux d’une Amel Karboul femme d’affaires prometteuse, ouverte sur le monde, très capable àla mine songeuse et contrite de la nouvelle ministre au pays des désillusions après son recadrage par le Premier ministre......

Merci pour la traduction de l’arabe àMaître Souhail Ftouh


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