Marc ARAZI / Marie-Anne BURDE
vendredi 3 septembre 2004
Bonjour,
Nous souhaiterions savoir s’il vous est possible de publier sur votre site le courrier que nous avons adressé au Président de la République fin juillet et pour lequel nous n’avons à ce jour pas encore eu de réponse.
Le Parquet de Créteil a décidé début juillet de classer sans suite la plainte déposée en avril dernier pour les faits survenus au Lawn Tennis Saint-Mandé.
Il nous semble important que des propos ou des actes antisémites ne puissent pas survenir en toute impunité en France en 2004. Nous avons donc pris le parti, après avoir reçu cet avis de classement, d’envoyer ce courrier au Président de la République et de poursuivre des démarches judiciaires pour ces propos sous la forme d’une citation directe devant le tribunal correctionnel.
Nous vous remercions par avance de l’attention que vous accorderez à notre demande et vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments distingués.
Monsieur le Président,
Nous apprécions votre engagement dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et saluons tout particulièrement le discours solennel que vous avez prononcé le 8 juillet dernier. Devant la multiplication des actes d’intolérance et particulièrement la montée de l’antisémitisme, votre intervention en tant que Chef de l’Etat et garant des valeurs républicaines est un signal fort et exemplaire envoyé à l’ensemble des français et des autorités françaises.
Votre position est parfaitement claire et votre détermination est indiscutable. En pratique, nous avons eu l’occasion de constater que les autorités sont parfois très indulgentes envers les auteurs d’actes ou de propos antisémites. Nous souhaitons ainsi vous faire part d’un exemple marquant.
Le jour même où, du Chambon-sur-Lignon, vous appeliez en particulier à l’intransigeance des autorités face aux actes racistes et antisémites, nous avons reçu du Procureur de la République de Créteil, un avis de classement sans suite de la plainte que nous avions déposée le 5 avril dernier dans un dossier d’antisémitisme dans un club de tennis à Saint-Mandé (Val de Marne), le Lawn Tennis Saint-Mandé.
Cette plainte a été déposée à la suite de plusieurs évènements survenus ces 9 derniers mois.
Le président du club a tenu des propos antisémites lors d’une réunion à laquelle il avait convoqué les gérants du bar-restaurant du club pour les convaincre de ne pas servir de plats cacher aux membres qui le leur demandent. Pour se justifier, il a avancé en particulier les arguments suivants : « qu’il y ait un jour un groupe de barbus, les gens du club vont dire » et « …les israélites ne se sont jamais posés la question de savoir pourquoi il y avait eu la Shoah. Ils ne se sont jamais posés la question. Des fois, ils créent les conditions pour… Ils croient qu’ils ont la force, qu’ils ont tous les droits. C’est pas vrai… ». Ces propos sont avérés car ils ont été enregistrés et retranscrits par ministère d’huissier.
Membres du club et de son comité de direction, nous en avons été informés. Ne parvenant pas à obtenir d’explication du président du club et forts de votre discours du 17 novembre dernier, nous en avons informé les autres membres du comité directeur le 18 décembre 2003 lors de la réunion d’élection du nouveau président du club. Leur réaction a été très hostile à notre égard et ils ont à l’unanimité reconduit le président à son poste. Ces mêmes membres du comité ont ensuite décidé quelques jours plus tard (le 9 janvier 2004) à la fois de nous exclure du comité et du club et de résilier la convention liant le club et les gérants du bar-restaurant depuis 13 ans. Jusqu’à ce jour, le comité a apporté son soutien au président et n’a toujours pas condamné ses propos.
Malgré les interventions des présidents nationaux de la L.I.C.R.A. et de la L.D.H. demandant des excuses et nos réintégrations, le comité a convoqué une assemblée générale le 26 mars pour faire entériner nos exclusions.
Une plainte a été déposée le 5 avril dernier à la fois pour les propos du président du club et pour l’attitude des membres du comité de direction. D’autres procédures judiciaires ont également été engagées et sont en cours.
De plus, nous avons informé le Député-Maire de Saint-Mandé au mois de février dernier. La Fédération Française de Tennis a également été saisie. Nous attendons leur position officielle respective.
De nombreux médias (France 3, radio J, Libération, Le Parisien,…) ont relayé l’information.
L’avis du Procureur de la République est incompréhensible car cette décision nous a été justifiée par la prescription de ces propos mais il n’en reste pas moins non seulement qu’ils ont bien été tenus par le président du club dans l’exercice de ses fonctions mais également que les restaurateurs et nous-mêmes avons été exclus dès lors que nous les avons dénoncés. Et nous ne pouvons pas croire que de tels propos qui portent atteinte à la mémoire de la Shoah et qu’une telle attitude d’un comité de direction puissent être tolérés et c’est là l’esprit de nos démarches depuis plus de 7 mois. Cela fait maintenant 200 jours que nous sommes exclus du club pour avoir dénoncé de tels propos ignominieux et cette situation est intolérable en France en 2004.
De telles décisions administratives ou judiciaires laissent un sentiment d’impunité qui, à notre sens, est peu conforme à votre appel et ne correspond pas aux valeurs de justice et de morale de la France. Pas plus qu’aux nôtres et nous avons décidé de faire appel de cette décision en faisant une citation directe devant le tribunal correctionnel.
Monsieur le Président, nous nous tournons vers vous afin de vous demander de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que cette situation inacceptable ne puisse pas rester en l’état et pour que de tels actes racistes ou antisémites avérés ne puissent pas survenir en toute impunité et que le Maire de Saint-Mandé s’exprime enfin pour condamner fermement de pareilles dérives antisémites dans sa commune
En vous remerciant par avance de l’attention que vous accorderez à cette situation , nous vous prions de recevoir, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.
Paris, le 28 juillet 2004
Marc ARAZI / Marie-Anne BURDE