L’Iran commence àsentir le vent du boulet

Par Charles Krauthammer - Washington Post - Adaptation française de Sentinelle 5770 ©

vendredi 30 juillet 2010, par Desinfos


« Â Ils [les Etats-Unis et Israë l] ont décidé d’attaquer au moins deux pays dans la région dans les trois mois àvenir  ». — Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, le 26 juillet 2010

La président Ahmadinejad a un penchant pour ce qui est farfelu, comme quand le week-end dernier, il dénonça Paul la pieuvre, prédicatrice omnisciente de huit matchs de la Coupe du Monde, en tant que symbole de la décadence et pourvoyeur de « Â la propagande et de la superstition occidentales  ».

Mais malgré toute sa clownerie, Ahmadinejad est cependant calculateur et dangereux. Que signifient « Â les deux pays  » dont il parle ? Ils semblent être logiquement le Liban et la Syrie. Le Hezbollah au Liban s’est doté de 50.000 roquettes et fait savoir clairement qu’il peut entamer une guerre àtout moment. Combattre àcette échelle entraînerait immédiatement la Syrie, qui provoquerait àson tour une intervention iranienne pour défendre ses principaux clients arabes – et la première tête de pont perse sur la Méditerranée en 1400 ans.

L’idée qu’Israë l, sans parler des Etats Unis, ait le moindre intérêt àentamer une guerre au Nord d’Israë l est folle. Mais des déclarations sur des attaques imminentes sont une affaire sérieuse dans cette région. En mai 1967, l’Union soviétique déclara faussement àsa cliente, l’Egypte, qu’Israë l s’apprêtait àattaquer la Syrie. Ces rumeurs mirent en branle un ensemble d’évènements – la mobilisation des armées arabes, le blocus du Sud d’Israë l, la signature àla hâte d’un pacte militaire entre pays arabes – qui conduisit àla Guerre des Six Jours.

La déclaration d’Ahmadinejad n’est étayée par aucune preuve. Alors où veut-il en venir ?

C’est le signe qu’il est sérieusement sous pression. L’adoption de faibles sanctions àl’ONU a été suivie de sanctions unilatérales de la part des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie et de l’Union Européenne. Déjàselon l’agence Reuters, l’Iran subit une profonde baisse de ses importations d’essence alors que la ‘Lloyd’s de Londres et d’autres acteurs refusent d’assurer les bateaux qui les livrent.

Ensuite, les Etats arabes ne se contentent plus seulement de murmurer auprès des Etats-Unis leur désir d’éliminer militairement les installations nucléaires de l’Iran. L’ambassadeur des Emirats Arabes Unis (EAU) àWashington l’a dit ouvertement lors d’une conférence il y a trois semaines.

Peu avant la Première Guerre d’Irak dans le Golfe persique en 1991, Pat Buchanan a fameusement déclaré que les « deux seuls groupes  » qui voulaient que les Etats-Unis libèrent de force le Koweït étaient « Â le ministère de la défense israélien et son site de golfe ‘amen corner’ aux Etats-Unis  ». C’était une accusation stupide, contredite par le fait que George H.W. Bush [le père] a déclaré la guerre en entraînant plus de 30 nations, dont la plus grande coalition d’Etats arabes jamais rassemblée.

Vingt ans plus tard, la calomnie revient sous la forme d’une suggestion scabreuse selon laquelle les seuls qui veuillent une attaque des Etats-Unis contre les installations nucléaires de l’Iran sont Israë l et ses partisans américains. L’ambassadeur des EAU n’est, autant qu’on puisse le vérifier, ni israélien, ni américain, ni juif. Son désir publiquement exprimé d’une attaque contre les installations nucléaires d e l’Iran témoigne de la peur arabe intense, proche de la panique, du programme nucléaire de l’Iran et de l’espoir urgent que les Etats-Unis les en débarrassent.

Troisièmement, et peut-être encore plus troublant du point de vue de Téhéran, il y a les développements aux Etats-Unis. L’ancien directeur de la NSA (Agence de Sécurité Nationale) et de la CIA (Agence Centrale de renseignements) Michael Hayden a suggéré dimanche qu’avec le temps, selon lui, une frappe militaire s’avère de plus en plus opportune comparée aux alternatives. Hayden n’est pas dans le cercle des initiés d’Obama, mais le ‘Times’ rapporte (« Â Une attaque contre l’Iran : de nouveau sur la table  » du 15 juillet) que les hauts fonctionnaires du gouvernement envisagent de nouveau l’option militaire. Cela peut refléter une nouvelle perception de l’urgence ou simplement un bluff pour rendre Téhéran plus flexible. Mais dans les deux cas, cela suggère qu’après 18 mois d’échecs des négociations, le gouvernement durcit sa ligne. 

Le durcissement produit déjàses effets. Le régime iranien commence àréaliser que même la patience du président Obama a des limites – et que l’Iran peut véritablement être confronté àune réévaluation de son défi nucléaire. 

Toute cette pression serait suffisante pour secouer un régime déjàchancelant et dénué de toute légitimité intérieure. D’où l’avertissement par ailleurs énigmatique d’Ahmadinejad sur une attaque israélienne contre deux pays. (Le ministre de la défense Ehud Barak a déclaré àFox News : « Â Quel est le deuxième ?  »). C’est un rappel pointu au monde de la capacité de l’Iran de déclencher, via le Hezbollah et la Syrie, une conflagration régionale. 

C’est l’art d’aller aux limites du possible auquel vous parvenez quand les dirigeants d’un Etat voyou sont sous pression croissante. Le seul espoir d’inverser leur démarche est d’augmenter de façon implacable leur perception que, s’ils ne le font pas, les Etats arabes, Israë l, les Européens et l’Amérique s’assureront, d’une façon ou d’une autre, que la ruine retombera sur eux. 


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