Quelques mots sur le Festival international du journalisme, auquel j’ai participé le week-end dernier, à Pérouse (Italie). Invité à débattre sur le thème « Peut-on faire confiance aux médias ? », c’est en fait « l’affaire al-Doura » qui a monopolisé les discussions. Je rappelle que l’image du petit Mohamed al-Dura, tué en 2000 dans les bras de son père par des tirs attribués aux israéliens par Charles Enderlin, correspondant de France 2, est contestée.
Certains estiment, après expertises balistiques, que les tirs ne pouvaient provenir du côté israélien. D’autres affirment, images à l’appui, que la scène aurait été jouée. Philippe Karsenty, présent à Pérouse, soutient cette thèse de l’imposture, récusée par le monde médiatique français.
J’ai été déçu de voir cette affaire monopoliser les débats, qui n’ont pas permis d’approfondir la question initiale. Mais je reconnais qu’elle illustre bien le problème posé par les médias, qui refusent trop souvent, par idéologie ou conformisme, de se confronter aux réalités. Le correspondant de France 2 à Rome, qui s’était déplacé, avait reçu consigne de sa chaîne de ne pas participer pour autant à la discussion. « Il n’est pas possible de mettre en doute notre honnêteté », s’est-il justifié. D’éminents confrères français, qui avaient signé il y a un an une pétition en faveur d’Enderlin, soutenaient la même chose. Je pense qu’ils ont tort.
La presse doit sortir de son corporatisme, de sa tour d’ivoire parfois, et admettre qu’elle peut avoir des comptes à rendre. Or ce qui choque, dans cette affaire, c’est le refus de débattre sur des faits, au prétexte que France 2 les aurait établis définitivement (alors même qu’Enderlin n’était pas sur place ce jour-là , mais avait fait confiance en la version de son cameraman palestinien). Je n’ai pas de certitude sur le déroulement de la scène, mais je trouve malsain qu’une contre-enquête soit rejetée a priori, au prétexte que son auteur, Karsenty, n’est pas journaliste et aurait des liens avec Israë l. Je constate qu’il faut aller en Italie pour évoquer une polémique étouffée en France par ma profession.