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Guillaume Dasquié, parlons-nous franchement, 2ème partie
Interview par Stéphane Juffa © Metula News Agency
Article mis en ligne le 15 juin 2004

Guillaume Dasquié Après la publication de notre article (http://www.menapress.com/article.php?sid=858), il y a eu des dépêches ; l’AFP qui a une répercussion internationale peut-être plus importante que le Monde, a relayé notre information. Et naturellement, quand l’AFP relaye l’information, elle ne fait aucun parallèle, aucun parallèle entre les enquêtes sur le 11 septembre et cette affaire de renseignement concernant Israël, parce que nous n’en faisons pas. Je pense qu’il y a eu, à partir de cet instant-là, un effet pervers, qui est vraiment le résultat de l’emprise du marketing dans le domaine de la presse. Je m’explique en trois mots là-dessus : Tout le monde savait que cette affaire était sensible ; Intelligence on line a effectué un travail très sérieux pour vérifier l’ensemble du travail réalisé par l’Office of special programs, l’organe rattaché à la DEA, qui avait de véritables compétences dans le contre-espionnage. Quand le Monde, et notamment la direction de l’information, ont vu que cette affaire était relayée par l’AFP, ils ont immédiatement su qu’ils avaient « une bonne affaire » sous la main.

Stéphane Juffa Il s’agit d’une façon de parler, Monsieur Dasquié.

GD Oui mais bien sûr, c’est à prendre assurément avec un certain second degré.

SJ Oui mais c’est trop sérieux, là.

GD Quand Cypel a présenté son enquête - qui insistait et c’est en cela que divergeait sa note - sur le rapprochement avec les auteurs du 11 septembre, ils ont vraiment décidé d’accentuer, de grossir le trait. Ce choix a eu un effet pervers…

SJ Oui mais la perversion se trouve déjà dans l’article.

GD On s’est vu avec Sylvain le 4 mars, donc 48 heures avant la publication de son article, et à ce moment-là, il a la conviction qu’il y a un rapprochement à faire avec le 11 septembre. Moi je ne suis pas d’accord avec lui.

SJ L’expression est faible pour désigner un acte journalistique authentiquement monstrueux. Cet acte consistait à mettre artificiellement en cause un pays ami des Etats-Unis dans la plus grande attaque terroriste qu’ils aient subie.

GD Sylvain ne disait pas tout à fait ça.

SJ Monsieur Dasquié, j’ai l’article sous les yeux ; il y est écrit que les gens du Mossad avaient des informations sur les activités du réseau Al-Quayda et qu’ils se sont bien gardés de les passer à leurs collègues américains.

GD « avaient des informations »… C’est vrai, Cypel creuse ce sillon et moi je me suis bien gardé de le faire.

SJ Certes, mais ce sillon est proprement monstrueux et c’est là que nous avons un nœud quelque part dans…

GD (Dasquié coupe la phrase de Juffa), mais l’appréciation morale de…

SJ (Surcoupe de Juffa), ça n’a rien à faire avec la morale, ça se passe au niveau de l’information.

GD Je vais prendre un exemple afin d’exprimer ce que je pense : Je suis l’éditeur très impliqué d’un livre qui vient de sortir en France, qui s’appelle la Coke saoudienne, aux Editions Flammarion, dans lequel on montre que deux tonnes de cocaïne ont été livrées en France par un prince saoudien avec l’aval du gendre du vice-ministre saoudien de la défense.

SJ Ca peut tout à fait être vrai. Il existe de vrais scandales, ce qui est inacceptable, ce n’est pas de dévoiler un scandale, c’est de présenter comme un scandale quelque chose qui n’a pas été assez vérifié et qui n’est ensuite pas démenti au fil des révélations qui oblitèrent la soi disant révélation. On a ainsi un monsieur Bill Carter, le du porte-parole du FBI, qui affirme après votre article : « Aucun de ces Israéliens n’a été mêlé à de l’espionnage. »

GD Ca n’est pas tout à fait ça.

SJ Si, c’est tout à fait ça, j’ai son communiqué en face des yeux. Et il y a un monsieur Russell Bergeron, de l’IMS, (le Service US d’immigration et de naturalisation Ndlr.) qui a affirmé quant à lui que des douzaines d’Israéliens, entre 20 et 30 ans, avaient été arrêtés et déportés durant les 9 premiers mois de 2001 pour avoir été employés sans autorisations sur le territoire américain. D’après Bergeron et tous les responsables américains de haut niveau qui s’occupent d’espionnage, tout le reste ne tient pas debout. Non seulement cela a-t-il laissé le Monde de marbre, mais en plus, Cypel et le Monde n’ont rien trouvé de mieux à faire que de lancer derechef une cabale, par laquelle ils prétendent que si les responsables du renseignement US nient les faits, c’est qu’ils entendent cacher la vérité pour ne pas créer de problèmes dans les relations entre les USA et Israël.

Mais cela, c’est déjà de l’histoire, ce qu’aujourd’hui je voudrais vous demander, Guillaume Dasquié, c’est s’il est absolument clair à vos yeux qu’il n’y a pas eu l’ombre d’une opération du Mossad autour de l’affaire, entre guillemets « dévoilée », par Cypel ?

GD Il y a plusieurs choses… (Guillaume Dasquié marque un temps d’arrêt).

SJ En termes plus simplement posés, avez-vous encore un doute que cette histoire est une invention de A à Z basée sur un rapport très maladroit, de gens qui ne savaient manifestement pas de quoi ils parlaient ou, au contraire…

GD (Dasquié interrompant Juffa) J’ai très bien compris. Il y a trop d’éléments précis que j’ai recueillis personnellement, bien avant la publicité faite à cette affaire, pour que demain, je puisse conclure à ce que tous ces événements-là, qui ont été rapportés à l’époque, étaient purement et simplement inventés. C’est-à-dire que je pourrais conclure demain, qu’effectivement il y avait quelques jeunes étudiants israéliens en situation irrégulière mais rien d’autre. Je ne le ferai pas, parce qu’aujourd’hui, cela ne représente pas mon intime conviction.

Mon intime conviction aujourd’hui, c’est que tous les pays utilisent d’autres pays alliés pour former une partie de leurs effectifs de renseignement.

SJ Cela, c’est une évidence globale, moi je vous parle d’une affaire bien précise ?

GD A partir de mars 2001, donc bien avant la révélation et donc bien avant que nous ne publions cette information, le National Counter Intelligence Center - le service américain qui centralise toutes les informations relatives à l’espionnage sur le territoire américain - signalait déjà, dans son rapport annuel, des problèmes d’espionnage, causés par des réseaux d’étudiants étrangers et, lors de conversations off the record (informelles Ndlr.), ils nous parlaient d’étudiants venant d’Israël. A l’époque, c’était présenté parmi des masses d’autres informations, et en premier lieu, celles concernant les ressortissants français suspectés d’espionnage aux Etats-Unis.

Après, il y eut des incidents médiatiques divers, notamment un reportage de Fox News, qui allait beaucoup plus loin cette fois-ci et qui expliquait ce que finalement, ensuite, on a retrouvé dans le rapport de la DEA. Ensuite il y eut le rapport de la DEA. Rapport qui a été établi en relation avec d’autres services du Département de la justice et qui comprenait des biographies très détaillées de la plupart des ressortissants israéliens cités dans cette procédure.

SJ De quelles procédures parlez-vous, Monsieur Dasquié ? Les seules procédures ayant été ouvertes contre des ressortissants israéliens l’ont été - la Ména a réalisé une enquête minutieuse à ce sujet - par l’IMS, donc par le département de l’immigration. Il n’y a pas un seul Israélien, je précise, pas un seul, qui ait été ne serait-ce qu’interrogé, soit par le FBI, soit par la CIA, dans le cadre de cette affaire.

GD Pas interrogés. Non, non, pas interrogés ! Non mais je ne dis pas cela…

SJ Il convient alors de recentrer notre sujet d’après ce que vous nous dites, sinon les lecteurs ne vont pas vous comprendre.

GD Je vais la refaire.

SJ Je crois en effet que c’est important, car ce que vous venez de dire, c’est même peut-être pire (il rit)… que l’imposture de Cypel.

GD Non non. Entre mars 2001 et janvier 2002, il y a eu, de manière régulière, des informations en provenance des Etats-Unis, faisant référence à des activités de renseignement imputées à des ressortissants israéliens.

SJ Il y a des rumeurs de ce genre tous les jours. Ce qui n’est pas une rumeur, c’est qu’un vrai espion israélien, Jonathan Pollard, a été arrêté aux USA en 1985 et qu’il est toujours sous les verrous.

GD A cette période-là (2001-2002) c’était plus important.

SJ Pourquoi ?

GD Mais je ne sais pas pourquoi.

SJ Ce qui ne vous empêche pas d’affirmer qu’à cette période-là c’était plus important. On s’égare… on ne comprend pas ce que vous voulez dire.

GD Vous me demandez si aujourd’hui, avec le recul, je pense que tout cela était purement imaginaire.

SJ Précisément.

GD Moi je vous réponds : A l’époque, cette affaire est arrivée dans un contexte très lourd…

SJ Guillaume Dasquié, quelle affaire ? Vous parlez de faits, de concurrence de faits, moi je vous pose une question toute simple : La Ména a passé près de six mois à enquêter sur l’article et la démarche du Monde, c’est la seule affaire que nous avons discernée, parce qu’aux Etats-Unis, on n’a strictement rien trouvé. Ce qui est plus préoccupant pour Cypel et Plenel, c’est que la CIA non plus n’a rien trouvé. A part si la CIA mentait sciemment, en faisant passer les intérêts des Israéliens avant ceux des Américains. Mais cela, il suffit de regarder le cas de l’entêtement américain à garder Pollard prisonnier - bientôt 20 ans de prison - pour s’apercevoir que ça n’est pas le cas.

C’est pour cela que je vous demande de préciser votre pensée, car ce que vous dites est en antagonisme total avec tout ce que nous avons vu, avec tout ce que le FBI déclare et avec tout ce que la CIA déclare ? Cypel parle « d’une affaire », même le rapport de la DEA traite d’une affaire précise, pas d’une situation latente. L’affaire, selon ces sources, concerne précisément l’existence d’un réseau d’espions israéliens. Ils donnent moult détails tant sur leur provenance que sur leurs activités. Les étudiants-espions seraient allés spécifiquement espionner l’Amérique, ils logeaient dans la proximité de bases militaires, de celle de généraux américains. On n’a donc rarement de questionnement qui soit au fond aussi simple : Cette affaire-là a une constitution binaire, ou elle a existé - et Cypel parle de centaines d’agents israéliens, il n’est pas inutile de le rappeler - ou elle n’a pas existé ?

GD La question me pose un problème, car elle part du principe que tout vient d’une erreur d’interprétation que j’aurais pu commettre et que Cypel aurait pu commettre.

SJ Peut-on aussi ajouter « que la DEA aurait également pu commettre ».

GD Absolument. Absolument. Je serai tout prêt à reconnaître un jour que cette affaire était purement imaginaire, si je peux en apporter la démonstration, parce que ça, c’est mon métier.

SJ Là se pose une autre question, comme apporter la démonstration de quelque chose qui n’existe pas ?

GD On parle de bonne foi. Avant même de parler d’interprétation - une interprétation, c’est par exemple lorsque Sylvain affirme qu’il y a des liens avec le 11 septembre - Moi, ce que j’ai constaté sur le terrain, en menant un travail objectif, sans parti pris, c’est qu’il y avait à l’époque une réelle paranoïa à l’intérieur des services américains, de certains services américains, au Département de la justice et cela allait bien plus loin que la DEA. Ce que je pense réellement, c’est qu’il y a eu des erreurs d’interprétations.

SJ Vous n’avez pas répondu à ma question et je me contente de poser des questions et d’essayer qu’on y réponde. De quelle affaire parlez-vous ?

GD Ah ben, justement revenons-en (ils rient tous les deux)…

SJ Ca vous fait marrer, nous pas du tout (tout en continuant de rire), nous, nous avons l’impression de nous trouver en plein exercice connu de la part du Monde qui se rapporte à d’autres affaires encore…

GD Oui mais le Monde, ça n’est pas mon journal, vous voyez…

SJ On est en pleine digression. Monsieur Guillaume Dasquié, de quelle foutue affaire parlez-vous ?

GD Il y a à l’époque des événements matériels qui sont révélés, de l’existence de ce rapport de la DEA, sur lequel, ensuite, les uns et les autres, parfois avec plus ou moins de bonne foi, vont émettre un avis et une interprétation. Avant même d’émettre une interprétation sur ce rapport, moi je l’ai pris comme un rapport technique, je suis allé voir les représentants du Département de la justice, ceux du FBI - avec énormément de prudence, car le métier du FBI c’est aussi, souvent, de dissimuler et l’histoire du FBI depuis l’époque du Maccarthysme est riche de cela - mais force était de constater que, derrière ce rapport très technique d’une trentaine de pages, il y avait un ensemble de dossiers, qui tenaient dans plusieurs cartons, et qui faisaient référence à des affaires précises. Aujourd’hui, la question que je pose à mon tour, c’est, est-ce que sur la base de ces éléments matériels-là, qui sont donc le cœur de l’affaire, est-ce qu’il n’y a pas eu des erreurs d’interprétations ? Et des erreurs d’interprétations, en premier lieu, des services américains ?



(A suivre…)



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