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Un reality show secoue Bahreïn
MEMRI
Article mis en ligne le 9 mai 2004

La station saoudienne MBC a entrepris de diffuser une version arabe du très populaire reality show « Big Brother », qui a déjà été retransmis dans 24 pays occidentaux.

Dans la version arabe, des dizaines de caméras filment les faits et gestes de 12 participants de divers pays arabes qui partagent un même appartement. L’émission a été filmée dans les îles Anwaj de Bahreïn, en raison notamment de l’assistance apportée par Bahreïn à sa diffusion et des facilités permises par le lieu du tournage. (1)

Le premier épisode a provoqué une tempête de réactions à Bahreïn. Les conservateurs ont organisé des manifestations massives pour réclamer la cessation immédiate de la diffusion de l’émission en raison de l’empiètement sur les valeurs islamiques. En revanche, les libéraux et les hommes d’affaires de Bahreïn se sont déclarés favorables à sa diffusion, mettant en avant ses retombées économiques.

Dernièrement, le cheikh Youssef Al-Qaradhawi , l’un des chefs des Frères musulmans et une figure marquante de l’islam sunnite, a évoqué le phénomène des reality shows en ces termes : « Le but de ces émissions et de dévoyer la nation [musulmane] en la coupant de sa propre réalité, pour la faire vivre dans cette basse [réalité]. Tous ceux pour qui la nation compte doivent s’insurger contre ce dévoiement. Nous savons tous que nos jeunes représentent une grande ressource humaine et l’avenir de la nation. Nous ne devons pas abandonner cette richesse et la gâcher avec des programmes télévisés importés qui ne reflètent pas le caractère de la nation, n’en donnent pas une image fidèle, et sont le fait d’une véritable invasion. » (2)

Voici quelques extraits d’articles pour et contre la diffusion de l’émission :

Les « contre » : Ce programme est contre les valeurs islamiques, et participe au plan occidental pour prendre le pouvoir

Réfutant les affirmations de la MBC selon lesquelles la version arabe de « Big Brother » a été adaptée au public arabe, ses détracteurs insistent sur le fait que l’émission empiète sur les valeurs islamiques, mentionnant la mixité de l’émission, les visages non voilés des femmes et le comportement inadéquat de certains hommes, citant comme exemple le baiser sur la joue d’un jeune homme à une fille.

Un communiqué du parti islamique Al-Minbar affirme : « Ce film n’est rien de plus qu’un maillon de la longue chaîne des émissions touristiques et médiatiques opposées à la religion, aux valeurs et à la moralité de cette société. Cette émission ne fait que heurter les sentiments des musulmans de cette terre respectable (…) La [création de] dizaines de centaines de petits emplois liés au tourisme et à l’hôtellerie ne pourront jamais justifier l’ouverture à de discutables investissements qui portent atteinte aux fils de la patrie plus qu’ils ne les aident. » (3)

Des déclaration du même types ont également été émises par Shula Shakib, directrice de l’Association de l’organisation future des femmes, au quotidien Al-Sharq Al-Awsat , édité en arabe à Londres : « Nous ne pouvons accepter que l’on puisse faire des concessions contre la morale et les obligations religieuses dans le but d’obtenir des investissements. » (4)

Suite à ces protestations, une porte-parole de l’émission a annoncé la création d’un comité de consultants pour la charia, présidé par le cheikh Mohsen Al-Usfour, juge à la Cour d’appel suprême de la charia du district Al-Djafariyya à Bahreïn, comité chargé de surveiller l’émission. (5) Quelques jours après sa nomination, le cheikh Usfour a annoncé sa démission, expliquant : « Il est impossible de maintenir la charia sur une émission sans même avoir passé au crible le contenu de cette dernière. » Bien que démissionnaire, le cheikh Usfour a critiqué l’opposition au programme en ces termes : « La mixité à Bahreïn ne se limite pas à l’émission ’Big Brother’. Elles est partout, dans les écoles privées comme les universités. (…) Nos bibliothèques islamiques, dans les villes et les villages, contiennent de nombreux ouvrages de religion comprenant des fatwas sataniques autorisant la prostitution, la masturbation, le spectacle de films pornographiques, l’insémination artificielle d’une femme par un homme qui n’est pas son mari, l’isolement d’une femme avec un étranger pour des raisons politiques, et d’autres choses mille fois pires que l’émission ’Big Brother’. Il m’attriste de constater que parmi ceux qui émettent ces fatwas sataniques se trouvent des personnes qui s’opposent au programme ’Big Brother’. » (6)

Certains ont estimé que l’émission participait à la guerre menée doucement par l’Occident pour corrompre la jeunesse arabe. Dans un article du quotidien Akhbar Al-Khalij , édité à Bahreïn, Samira Ragab écrit : " L’erreur consiste à penser que l’émission ’Big Brother’ n’est qu’un programme télévisé contre lequel on ne peut protester qu’en s’insurgeant contre le fait qu’il soit diffusé ou tourné à Bahreïn… Il s’agit pourtant d’une guerre médiatique dirigée contre notre jeunesse. C’est ainsi que les jeunes sont soumis à des tentations qu’ils seront peut-être incapables de capter, de repousser et d’éviter (…)

La solution se trouve entre nos mains et commence dans nos foyers. Enseignez à vos fils et filles à être libres et logiques dans leur propos, à écarter de leurs esprits le joug des expressions traditionalistes. Faites-leur téter les concepts de nationalisme, de loyauté, d’appartenance à cette auguste terre et patrie. Faites-leur téter les concepts de culture arabe nés dans l’islam, qui ont éclairé une véritable pensée islamique, non une pensée [islamique] stricte et extrémiste. Vos enfants, chez vous, sont l’arme par laquelle vous combattrez tous les imminentes attaques tatares et croisées. " (7)

Dans un esprit similaire, le journaliste Fawziyya Rachid écrit dans Akhbar Al-Khalij : " Il est complètement évident, et ce n’est un secret pour personne, (…) que l’intention américaine est de prendre le pouvoir au Moyen-Orient (…) Les plans visant à entamer l’occupation [du Moyen-Orient] - que ce soit de manière directe via l’occupation militaire, comme en Irak, ou indirectement par l’occupation des cœurs et des esprits de la population - se réaliseront par le programme culturel, médiatique et politique des Etats-Unis, visant à transformer le Moyen-Orient, au prétexte de démocratisation et de libération. Ils s’accompliront dans le cadre d’une guerre froide [dont le but] est d’infiltrer les esprits [des Arabes], et en particulier les esprits des jeunes adultes qui, selon les dernières statistiques, représentent 70% de la patrie arabe (…)

Après l’occupation de l’Irak, [cette action] a pris la forme d’une guerre froide menée par le biais des chaînes satellite, des stations radio américaines et de la publication de traductions, qui ont entraîné dans leur sillage certaines chaînes satellite arabes, lesquelles ont contribué à la propagation de l’idéologie et de l’information de certaines émissions culturelles américaines. Le résultat est que les chaînes satellite planent au-dessus de nos têtes [avec des émissions] telles que ’Ala Al-Hawa Sawa’ (8), ’Star Akademi’, (9) [la chaîne] Al-Hurra et plusieurs stations radio dirigées par [la station radio américaine] Sawa, ainsi que l’émission ’Big Brother’ (…)

En envahissant de façon si radicale nos foyers, nos yeux et nos oreilles, l’Amérique prend essentiellement pour cible la jeunesse arabe, qui représente un important pourcentage [de la population] dans tous les pays arabes. Son but ’déclaré’ (…) est ainsi de propager de ’nouvelles idées’ et de contribuer à la ’compréhension et la tolérance mutuelles’. Si ces changements ne se réalisent pas par le biais des médias et de l’infiltration culturelle, ils seront imposés par la force, afin de préserver les intérêts américains, comme l’a récemment fait valoir un haut responsable de la Maison blanche.

Pour insuffler un changement spirituel, émotionnel et idéologique, c’est-à-dire toucher l’intérieur de l’individu et conquérir son esprit, les ’marines culturelles arabes’ se sont préparées à l’action, au moyen de brigades, d’inspecteurs et d’intellectuels arabes qui se comportent actuellement comme une ’ligne de défense’ intellectuelle, culturelle et politique dans les différentes guerres menées par l’Amérique dans la région (…) [Dans ces guerres], le modèle américain est commercialisé et enjolivé afin de camoufler l’invasion et l’occupation et pousser les gens à les accepter, et afin d’occuper l’esprit des jeunes et des adultes à des histoires insipides, éloignées des questions essentielles que sont la résistance à l’occupation américaine et israélienne dans la région (…) " (10)

Les « pour » : Cette émission profite à l’économie de Bahreïn, et son annulation portera atteinte à l’image de Bahreïn

Les hommes d’affaires et les cercles libéraux soulignent les retombées économiques positives de l’émission, appelant à ne pas céder aux pressions pour l’arrêt de sa diffusion en raison du tort que cela causerait à l’esprit d’entreprise à Bahreïn.

Khaled Al-Mouayyad, président de l’Association des hommes d’affaires de Bahreïn, a déclaré que l’association remerciait chaleureusement les réalisateurs de l’émission d’avoir choisi Bahreïn comme centre de leurs investissements et bénissait le gouvernement de Bahreïn pour les concessions faites à la société de communications, lesquelles avaient permis de créer de nouveaux emplois pour les citoyens de Bahreïn. (11)

Le parlementaire Ahmed Ibrahim Behzad, également à la direction des Affaires étrangères, de la Défense et du Comité pour la sécurité nationale, a ainsi commenté les demandes pour faire cesser la diffusion de l’émission : « L’annulation du contrat entre les responsables et les créateurs de l’émission causera du tort au Royaume en général. Ce tort ne sera pas uniquement de nature économique : il aura des retombées négatives sur la crédibilité du Royaume dans le domaine des contrats, des accords et des pactes conclus. [L’annulation] aura en outre un impact négatif sur l’investisseur - qu’il soit local ou étranger - et provoquera une fuite des fonds du Royaume (…) » (12)

Le chroniqueur Abd El-Mounim Ibrahim écrit dans le quotidien Akhbar Al-Khalidj, édité à Bahreïn : « C’est le droit de la population de manifester, mais elle n’aurait pas intérêt à aller trop loin en refusant d’investir, en embarrassant les investisseurs et en empêchant la réalisation de projets propices à l’économie et au développement du pays. Où se trouve la voie de la raison ? Plusieurs se demandent si, en imaginant que l’émission ’Big Brother’ ait été tournée à Dubaï plutôt qu’à Bahreïn, les gens auraient ainsi empêché leurs enfants de regarder les chaînes satellite et en auraient ainsi voulu à Dubaï d’héberger l’émission et d’en récolter les bénéfices à notre place. » (13)

Dans un article publié dans Akhbar Al-Khalidj, Ali Sayyar publie la lettre d’un lecteur, « Ali 2 » défendant l’émission « Big Brother ». La lettre dit : " L’un des avantages de l’émission ’Big Brother’ est qu’elle a procuré des emplois à plusieurs citoyens de Bahreïn et nul, à mon avis, n’a condamné cela (…) Un autre avantage de l’émission est qu’elle nous a fait découvrir ce nouveau type d’émissions télévisées fascinantes qui n’existent pas dans nos médias.

Un avantage supplémentaire [du programme] est qu’il exige des participants qu’ils soient hautement qualifiés, qu’ils aient une grande culture générale ainsi qu’une attitude polie, de la tenue et la capacité de coopérer avec les autres. Cela présage de l’avenir du Bahreïn où les générations futures saurant vivre dans leur temps au lieu de se fermer en raison des pressions d’un héritage négatif suscitant l’embarras, l’hésitation et la peur de l’autre (…) "


La décision d’arrêter la diffusion du programme

Suite aux remous provoqués par la diffusion de l’émission à Bahreïn, la direction de MBC a décidé d’y mettre un terme. Dans un communiqué officiel, il est dit : « La décision a été prise suite à la demande du ministre des Communications de Bahreïn, pays qui héberge le programme. Elle résulte d’une volonté de préserver l’unité sociale [de Bahreïn] et de ne pas faire de la chaîne MBC une source de désaccords [dans le pays] (…) » (15)

Les réactions à cette décision ont été conflictuelles. Adel Al-Muawadah, adjoint du vice président du parlement à Bahreïn, a exprimé sa satisfaction face à la cessation de la diffusion d’un programme « qui faisait de l’individu une pauvre marchandise achetée et vendue 100 000 dollars. » Il a qualifié la décision d’expatrier le tournage de « civile et correcte », précisant que la MBC devait être « remerciée d’avoir agi de la bonne façon. » (16)

En revanche, Khaled Al-Muayyad, président de l’Association des hommes d’affaires de Bahreïn, a qualifié la décision de « regrettable » et estimé que « ceux qui ont conduit la station à quitter Bahreïn et à tourner ailleurs pourront évaluer les torts occasionnés, la perte de fonds et la perte d’emplois », ajoutant que « tous les groupes de la société de Bahreïn doivent saisir les conséquences de l’extrémisme, de l’excès et de l’hystérie qui touchent certains domaines. » (17)

[1] <http://www.memri.org/bin/#_ednref1> Al-Itihad (Emirats arabes unis), le 21 février 2004. Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 19 février 2004.

[2] <http://www.memri.org/bin/#_ednref2> Al-Sharq Al-Awsat, (Londres), le 28 avril 2004.

[3] <http://www.memri.org/bin/#_ednref3> Akhbar Al-Khaleej (Bahreïn), le 29 février 2004.

[4] <http://www.memri.org/bin/#_ednref4> Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 28 février 2004.

[5] <http://www.memri.org/bin/#_ednref5> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 24 février 2004.

[6] <http://www.memri.org/bin/#_ednref6> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 28 février 2004. Dans un entretien au quotidien Al-Sharq Al-Awsat, édité en arabe à Londres, le cheikh Usfour a déclaré : « Je ne m’oppose pas d’emblée à cette émission, mais il existe un devoir de suivre le chemin de la religion et de la moralité qui fait qu’il est impossible d’envisager que des femmes y participent sans porter le voile. En outre, il convient de souligner que cette émission ne constitue pas une imitation d’une émission occidentale. » Voir Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 28 février 2004.

[7] <http://www.memri.org/bin/#_ednref7> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 1er mars 2003.

[8] <http://www.memri.org/bin/#_ednref8> Emission libanaise de télévision réalité.

[9] <http://www.memri.org/bin/#_ednref9> Emission libanaise de télévision réalité sur LBC.

[10] <http://www.memri.org/bin/#_ednref10> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 1er mars 2004.

[11] <http://www.memri.org/bin/#_ednref11> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 27 février 2004.

[12] <http://www.memri.org/bin/#_ednref12> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 28 février 2004.

[13] <http://www.memri.org/bin/#_ednref13> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 1er mars 2004.

[14] <http://www.memri.org/bin/#_ednref14> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 29 février 2004.

[15] <http://www.memri.org/bin/#_ednref15> Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 2 mars 2004.

[16] <http://www.memri.org/bin/#_ednref16> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 2 mars 2004.

[17] <http://www.memri.org/bin/#_ednref17> Akhbar Al-Khalidj (Bahreïn), le 2 mars 2004.

L’Institut de Recherche Médiatique du Moyen-Orient (MEMRI) est une organisation indépendante à but non lucratif qui traduit et analyse les médias du Moyen-Orient. Des copies des articles et autres documents cités, ainsi que toute information d’ordre général, sont disponibles sur simple demande.

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