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Moqtada Al-Sadr privé du soutien des guides irakiens

Par Nimrod Raphaeli - MEMRI

dimanche 11 avril 2004

Bien que la fermeture, pour deux mois, de l’hebdomadaire Al-Hawza (qui appartient àAl-Sadr), par l’Autorité provisoire de la coalition (APC), ait donné lieu àde violentes manifestations (1), plus particulièrement chez les milices armées d’Al-Sadr, connues sous le nom des Brigades de Mehdi, làne se trouve pas la raison principale des dernières violences. Al-Sadr manifeste depuis un certain temps colère et frustration face àson exclusion du Conseil gouvernemental irakien.

Rappelant quelque peu les ayatollahs iraniens qui l’ont formé pour devenir ouléma, Al-Sadr est surtout motivé par la création d’un Etat islamique en Irak, et l’éventualité d’affrontements n’est pas écartée si ces derniers peuvent l’aider àréaliser cet ultime objectif. Si son influence sur les Irakiens chiites n’est pas aussi importante que celle du grand ouléma chiite, le grand ayatollah Ali Al-Sistani, sa tendance àuser de tactiques douteuses ne peut être ignorée. Al-Sadr n’est toutefois pas soutenu par les autres guides chiites irakiens.

Relations tendues entre Al-Sadr et l’ayatollah Al-Sistani

Au moins provisoirement, Al-Sadr semble avoir été écarté par les dirigeants chiites irakiens, en particulier par l’ayatollah Al-Sistani, ainsi que par certains membres chiites du Conseil gouvernemental irakien. Al-Sistani a reproche àAl-Sadr plusieurs actions :

a. Les efforts déployés par Al-Sadr, àla fin de l’année dernière, pour s’emparer de force des revenus d’Al-Hawza provenant des pèlerins visitant les lieux saints chiites de Nadjaf et Karbala.

b. L’assassinat, àson retour d’Angleterre, de l’ouléma chiite modéré Abd El-Madjid Al-Khoei dans une mosquée de Nadjaf. Al-Khoei était le fils du grand ayatollah Abou Al-Qassem Al-Khoei, mentor d’Al-Sistani. C’est ce meurtre qui a conduit un tribunal irakien àordonner l’arrestation d’Al-Sadr, poussant ce dernier àchercher refuge dans une mosquée.

c. Al-Sistani a, jusqu’àprésent, refusé d’émettre une fatwa contre les forces d’occupation. Les activités d’Al-Sadr méritent, selon Al-Sistani, l’anathème. Suite aux violences incitées par Al-Sadr, Al-Sistani est allé jusqu’àpublier une déclaration appelant les manifestants àla retenue et àne pas lancer de représailles s’ils venaient àsubir les heurts des forces de la coalition. (2)

Selon ses propres dires, Al-Sadr, qui est jeune et considéré comme un moujtahid, l’équivalent approximatif d’un étudiant, n’a pas réussi, malgré ses nombreux efforts, àobtenir une interview avec Al-Sistani.

Critiques d’Al-Sadr par le Conseil gouvernemental

Le Conseil gouvernemental irakien a condamné l’attitude d’Al-Sadr, jugée " inadaptée ", l’accusant d’ " ignorance, de comportement rétrograde et dictatorial ". (3)

Critiques d’Al-Sadr émanant de la presse irakienne

Si une grande partie de la presse s’est opposée àla fermeture temporaire de l’hebdomadaire Al-Hawza, qualifiée de non-démocratique, elle a toutefois appelé Al-Sadr àfaire preuve de prudence et de retenue. Le quotidien Al-Mashriq écrit qu’Al-Sadr " pourrait obtenir gain de cause sans recourir aux armes et sans occasionner des pertes de vies supplémentaires. " Le journal précise qu’il " existe plusieurs façons de forcer les occupants àreconnaître les droits du peuple et àécouter la voix de ce dernier, allant du dialogue aux armes. Le changement ne s’opère par la main que quand la langue est fatiguée. " (4)

Dans un éditorial intitulé " A qui profite la nouvelle violence en Irak ? ", le quotidien Bagdad appelle les Irakiens à" faire preuve de patience et de sagesse afin d’épargner au pays une nouvelle vague de violence qui ne profiterait àpersonne, hormis aux ennemis du pays. " (5)

Nidhal Al-Leithi, journaliste au quotidien irakien Al-Zaman , (édité simultanément àLondres et àBagdad), dénonce ceux qui cherchent refuge dans les tombeaux et les maisons d’Allah - àl’instar d’Al-Sadr et de ses partisans -, en estimant que les forces de la coalition n’iront pas les poursuivre jusque dans les mosquées des chiites musulmans. Il souligne que " les mosquées, les maisons d’Allah et les tombeaux sacrés sont exclusivement des lieux de culte, et non des refuges pour les politiciens en quête de protection, même si ces derniers sont des oulémas. " (6)

Dans un autre article du même quotidien, Abd El-Mounim Al-Assam déclare qu’en permettant àAl-Sadr de régner sur la ville Al-Sadr et de créer des tribunaux et des prisons, l’APC a créé le problème Al-Sadr. (7)

* Nimrod Raphaeli est chargé d’analyses pour MEMRI


[1] Dans la série des Enquêtes et analyses, MEMRI a publié une dépêche sur Moqtada Al-Sadr, décrit comme un " jeune rebelle ". Comme il fallait d’y attendre, Al-Sadr est actuellement recherché par l’APC pour meurtre et incitation àla violence. Voir l’Enquête et analyse n° 161 de MEMRI.

[2] <http://www.memri.org/bin/#_ednref2> Al-Qods Al-Arabi (Londres), le 4 avril 2004.

[3] <http://www.memri.org/bin/#_ednref3> Al-Zaman (Irak), le 7 avril 2004.

[4] <http://www.memri.org/bin/#_ednref4> Al-Mashriq (Irak) le 5 avril 2004.

[5] <http://www.memri.org/bin/#_ednref5> Bagdad (Irak), le 6 avril 2004.

[6] <http://www.memri.org/bin/#_ednref6> Al-Zaman (Irak), le 7 avril 2004.

[7] <http://www.memri.org/bin/#_ednref7> Al-Zaman (Irak), le 6 avril 2004.


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