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Antisémitisme : Les limites d’une réflexion tronquée. 3ème et dernière partie
Par Stéphane Juffa © Metula News Agency
Article mis en ligne le 3 mars 2004

Osirak : les questions sans réponses

A coups de pétrodollars, Saddam Hussein s’est offert deux sortes d’objets. D’abord, il s’est payé une centrale nucléaire, à propos de laquelle les nombreux experts que nous avons interrogés, y compris certains ingénieurs français ayant directement participé au projet Osirak et qui ont fait le choix de s’exprimer dans des articles publiés sur la Ména, nous ont tous affirmé qu’elle était destinée au développement de l’arme atomique. Pour le surplus, ces scientifiques français ont affirmé qu’ils avaient dûment informé du danger les autorités politiques de leur pays, qu’elles aient été, indifféremment, de droite ou de gauche.

Il est alors des questions qui méritent d’être posées simplement et auxquelles, pour des raisons qui nous échappent dans leurs détails, il n’a toujours pas été répondu. Or la pertinence de ces interrogations demeure, d’abord parce que l’une des personnes qu’elles concernent du plus près est aujourd’hui le Président des Français, ensuite, parce que nombre des autres hommes qui ont eu en mains tout ou partie de la gestion des relations avec Saddam Hussein, durant la longue période qui nous intéresse, et qui s’appellent Rocard, Balladur, Giscard, Chevènement etc. occupent encore à ce jour des fonctions politiques plus ou moins importantes.

Ces questions, qui sont inévitables au niveau de l’analyse, sont : a) Pour quelles raisons estimaient-ils qu’un régime possédant l’une des plus grosses réserves d’énergie naturelle de la planète avait-il besoin de produire de l’énergie nucléaire  ? b) Pourquoi sont-ils passés outre les avertissements de leurs propres savants ? c) Pourquoi ont-ils négligé le risque - qui nous apparaît en tous points extraordinaire - de doter un tyran expansionniste de l’arme suprême ?

Et, parce que poser ces questions, c’est déjà y répondre en partie, celles-ci en appellent une autre qui semble s’imposer en regard des choix au demeurant politiquement incompréhensibles que ces hommes ont faits : Ces hommes, ou certains de ces hommes, ont-ils trouvé un intérêt matériel à permettre cette transaction contre-nature ?

Pusillanimité, inconscience et intérêts personnels

Avec un bémol à la clef, la réponse qui s’impose, c’est oui, assurément. Nous voulons bien considérer que certains d’entre eux ont eu à gérer une situation impossible dont ils n’étaient pas à l’origine. Que ceux-là et d’autres ont pu recevoir des divers présidents de la République l’ordre de poursuivre la transaction et qu’ils ont obtempéré, en dépit du danger que leur lâcheté faisait courir au monde. Nous admettons que l’argument selon lequel le contrat nucléaire avec Saddam Hussein « contribuait à la bonne marche de l’industrie française » pesait d’une certaine logique. Mais nous pouvons dire de cette certaine logique qu’elle était insensée, qu’elle était bien pire que de décider de remplacer toute la culture du blé par celle du cannabis, pour assurer la bonne marche de l’économie française.

On ne peut exclure que certains des politiciens embarqués dans cette galère aient cru servir la France ou qu’ils se soient laissés persuader par les interprétations de tel ou tel président. Au mieux leur probité a-t-elle été naïve, faible, indigne de l’intelligence que le peuple est en droit d’attendre de la part de ceux qu’il a choisis pour prendre les décisions à sa place.

Mais connaissant chaque jour un peu mieux le système Saddam, c’est nous qui serions désormais ingénus de croire que la vente d’Osirak à l’ex-dictateur irakien n’ait pas été accompagnée d’avantages substantiels pour certains des partenaires français de la transaction. Nous savons aujourd’hui que la technique de séduction de l’ami de la France (Jacques Chirac dixit) consistait à arroser d’espèces tous ceux qui pouvaient servir à l’accomplissement de ses desseins bellico-mégalomaniaques. Les documents révélés par les Américains montrent que Saddam Hussein effectuait des dons conséquents à moult responsables politiques, et pas seulement en France, ainsi qu’à des ministres, à des hommes d’affaires, à des responsables de médias et à des associations d’amitié avec l’Irak (et avec les pays arabes) ainsi qu’à leurs dirigeants.

Des amitiés contre-nature

Là de préciser que ces associations, en particulier, étaient en fait des associations d’amitié entre des députés ou des personnes influentes d’un pays et Saddam Hussein et sa cour. L’Irak et la population irakienne maltraitée n’ont jamais retiré de grands bénéfices de ce genre d’amitié très particulière. Dans ces conditions, de par le manque de séduction spontanée que devait inspirer le régime sanguinaire du despote, il faut bien considérer que les membres de ces organisations y trouvaient des satisfactions d’un autre type. J’ai vraiment du mal à imaginer un député, représentant dans le parlement d’un Etat démocratique un parti politique d’orientation humaniste, être naturellement attiré à devenir l’ami de l’Irak de Saddam Hussein. Cela aussi me semble a priori dénoter d’une sympathie contre-nature. Qu’est-ce qui a donc poussé des gens comme Jean-Pierre Chevènement, début 1985, en pleine transaction de la centrale, à fonder l’Association des Amitiés franco-irakiennes ? Une passion pour l’archéologie babylonienne ?

L’amitié pour l’Irak de Saddam Hussein traversait l’échiquier politique d’un bout à l’autre. Jean-Marie Le Pen voyageait à Bagdad et il n’était pas le seul membre du Front National à venir y prendre les eaux. Jany Le Pen, son épouse, était la présidente de l’association humanitaire SOS Enfants d’Irak. Sur le poster de cette association que nous publions, on distingue un biberon enchaîné, que les lettres ONU empêchent de parvenir à la main d’un nourrisson. Madame Le Pen était allée jusqu’à adopter le thème propagandiste du dictateur, selon lequel les mesures d’embargo prises par l’Organisation des Nations Unies empêchaient que les enfants du pays mouillé par le Tigre et par l’Euphrate ne fussent nourris et soignés d’une manière convenable. De fait, le programme de l’ONU Pétrole contre nourriture n’a jamais défendu qu’on livrât de la nourriture et des médicaments aux Irakiens, c’était pour le contraire même qu’il fut conçu. La diffusion de la théorie des affameurs par la famille Le Pen démontre à quel point ils étaient cul et chemise avec le dictateur.

Certains ont collaboré à la thèse des affameurs


Traite d’influence et gros bakchichs

Pour peu que le vendeur en possédait en stock, outre le soutien à ses projets, ce que Saddam Hussein achetait aux politiciens européens c’était leur engagement à dénigrer Israël. Leur engagement à s’opposer à l’Etat hébreu, par tous les moyens dont ces marchands d’influence disposaient. Tous les six mois, le despote tenait d’ailleurs à Bagdad un conseil restreint afin de mesurer si ceux qui avaient joui de ses largesses avaient bien fait leur travail de sape. A l’issue de cette longue réunion (elle pouvait durer jusqu’à trois jours), durant laquelle le bilan de chacun des récipiendaires était passé en revue, Saddam décidait qui méritait une augmentation, qui un abattement de ses gages. Il arrivait fréquemment que le dictateur invite l’un au l’autre des bénéficiaires de ses largesses sur les rives du Tigre pour lui signifier « qu’il pourrait beaucoup mieux faire », autre formule pour dire « remonter les bretelles ».

C’est là, aussi, de rappeler au lecteur que la solution du gazeur de Bagdad, en ce qui concernait le différend israélo-arabe, passait exclusivement par l’éradication pure, simple, complète et définitive de l’Etat hébreu. Nous conservons à ce sujet à Métula des centaines de citations du tyran déchu et qui ne laissent pas le moindre espace à l’interprétation. Il nous semble d’ailleurs évident, qu’à cause de ses positions éradicatrices, les personnalités européennes possédant quelque décence ou le souvenir que leur histoire récente avait génocidé six millions de Juifs, auraient du impérativement s’abstenir d’une trop grande contiguïté avec l’énergumène. D’ailleurs certaines l’ont fait mais c’était pour deux raisons : La première c’est qu’elles étaient d’ascendance israélite, ce qui les disqualifiait systématiquement (à de très rares exceptions près) aux yeux du Babylonien, et les autres, ce furent justement des personnes qui avaient le respect de leur tâche et qui refusèrent les avances de l’acheteur d’âmes. Il y en eut, certes, mais pas suffisamment.

Les voies du seigneur sont devenues pénétrables

Le nombre de ceux qui ont touché est impressionnant et se compte par centaines d’individus. Les modes de rémunération allaient de bons à valoir sur la vente de brut à l’attribution à vie des profits (ou d’une partie d’iceux) générés par un forage, lorsque ça n’était pas, plus prosaïquement et pour les plus influents d’entre les soudoyés, la valise de biffetons. D’habitude Tarek Aziz et un ou deux autres proches collaborateurs du président, de ceux qui voyageaient, étaient chargés des hautes œuvres. Lorsque aucune visite officielle ne se prêtait aux graissages de pattes, il arrivait que Aziz effectue un aller-retour vers une destination (souvent) du Maghreb sur un jet privé. A même le tarmac, il rencontrait un ami proche et riche de la personnalité à remercier et il lui transmettait la valise. L’ami, versait ensuite le pot de vin à son destinataire, non sans avoir prélevé au passage son propre petit cadeau.

N’attendez pas de la Ména qu’en l’état de l’instruction du procès de Saddam Hussein, elle vous communique des noms de ceux qui ont touché. Munissez-vous d’un peu de patience, tout en sachant que les cartes seront retournées dès qu’il en conviendra à l’Administration américaine, qui a déjà enregistré les détails de presque tous ces trafics d’influence lors des témoignages des huiles de la dictature déchue. Ne vous attendez pas, dans l’ensemble, à de très grosses surprises. En principe, ceux qui ont eu des comportements politiques inexplicables ont touché de cet argent très sale. Ceux qui se sont trouvés à des endroits, à des postes où ils n’avaient rien à faire ont touché. Ceux dont la hargne exprimée à l’égard des Etats-Unis et d’Israël dépassait les comportements politiques compréhensibles et ordinaires ont touché.

Autre phénomène désastreux pour les régimes démocratiques atteints par la saddamose, l’effet corruptif à long terme de ces transactions. Ceux qui ont bénéficié, ne serait-ce qu’une fois, des largesses du dictateur ont perdu leur âme pour toujours. Comment imaginer, en effet, que l’un deux se retourne, lorsque ce faisant, il voit lui-même les casseroles qui le suivent.

L’antisémitisme : une contamination à la source et des artistes dégénérés

Entre ce qui a été déjà publié avec l’accord des Américains, ce que nous avons perçu sur le terrain, quelques indiscrétions et notre habitude consommée de la synthèse des mouvements stratégiques, nous sommes en mesure de dire que cette partie des activités du dictateur irakien, qui a consisté à se payer un bon morceau de la conscience européenne, a parfaitement fonctionné. C’est même probablement son plus grand succès. Saddam Hussein s’est offert, à coups de gros cadeaux, l’orientation de la politique arabe de certains Etats européens. L’influence qu’il a eue a contaminé la rivière à sa source. Elle a modelé, par décideurs autochtones interposés, un vocabulaire de chancelleries au sujet d’Israël, des Arabes et des Palestiniens mais aussi, elle a défini le glossaire des agences de presse et des médias sous contrôle de ces Etats.

Avec un peu de pognon sale, un terroriste arabe qui arrache la vie à de paisibles civils israéliens devient un activiste qui fait sauter un autobus. Le Hamas, qui œuvre à la destruction de l’Etat d’Israël, de ses habitants et de tout ce qui n’est pas musulman sur la planète se mue en organisation s’inspirant de la nature profonde (radicale) de l’islam. Un grand chef du bras armé de l’organisation terroriste (des personnes armées s’attaquant systématiquement à des civils) du Djihad islamique se change en commandant militaire d’une organisation militante palestinienne.

Bien sûr, ceux qui ont reçu de l’argent pour dénaturer l’image d’Israël et partant - L’Etat des Juifs et les Juifs sont conceptuellement inséparables - des Israélites ont eu besoin d’artistes prêts à affirmer que : « Autant le bourreau-fonctionnaire est infâme et abject (…) autant le bourreau-terroriste, celui qui ne s’autorise que de lui-même, comme dirait l’autre, est un enfant de chœur, un saint de vitrail, ange pressé de se dépouiller de son corps, d’affranchir son âme volontaire de la guenille qui l’entrave, pour cingler dans un grand éblouissement vers sa patrie toute spirituelle. (…) Un terroriste est un idéaliste. C’est un fou, pas une canaille. (…) Le terroriste qui donne sa vie pour prendre celle des autres, rien n’est plus loin de la canaille » et pour le faire croire au peuple.

Mais vous n’imaginez pas à quel point, dans des pays encore hantés par les spectres de l’antisémitisme historique et chrétien, cette quête d’artistes est facile. Certains d’entre eux sont même assez imbus de la volonté des autres pour s’être persuadés qu’ils servaient la justice… Et vous n’imaginez pas non plus à quel prix, somme toute dérisoire pour se payer tout d’une aussi large conscience, des politiciens ont accepté de vous vendre.



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