LE MONDE | 01.03.04 | 14h03
Au moment où les drapeaux bleu et blanc d’Israël se mêlaient aux drapeaux tricolores, le long des Champs-Elysées, à l’occasion de la visite d’Etat du président Moshe Katsav, la semaine dernière, une conversation me revenait en mémoire. C’était, il y a quelques années, dans les couloirs de la Conférence annuelle des ambassadeurs, à Paris, dans le cadre d’une de ces conversations mi-sérieuses, mi-plaisantes, comme il est de coutume en de telles circonstances.
La question posée était la suivante : à terme, qu’était-il préférable pour l’Europe ? Intégrer l’Etat d’Israël et, pour faire bonne mesure, le futur Etat Palestinien, dans l’Union européenne, comme membres à part entière, ou sous une forme d’association spécifique, ou bien réintégrer les juifs d’Israël en les considérant individuellement comme ce qu’ils étaient dans leur grande majorité, des Européens ?
Un des ambassadeurs participant à cet échange était absolument catégorique. Pour lui, compte tenu de sa situation démographique et de sa compétition technologique et scientifique avec les Etats-Unis, il était bien préférable pour l’Europe « qu’elle retrouve ses juifs ». N’étaient-ils pas plus assimilables, compétents - en d’autres termes civilisés - que tous ceux qui pouvaient se présenter aux frontières de l’Europe sans éducation et sans préparation à la modernité !
Les « Israéliens » pouvaient retrouver leur « maison européenne », ils y étaient attendus avec impatience comme des fils injustement maltraités hier. Mais cette vision correspond-elle vraiment à la réalité psychologique de l’Europe ? Il ne s’agissait bien sûr que d’une plaisanterie sérieuse, volontairement provocatrice, consciente ou non des tabous historiques et psychologiques qu’elle violait avec allégresse.... ( imprimer l'article complet )
Dominique Moisi est conseiller spécial de l’Institut français des Relations internationales (Ifri).