Ce serait... une bombe à retardement, en quelque sorte... sauf si en mai prochain, quelqu’un leur cassait leur parapluie !
Alors, lorsque vendredi dernier le chasseur de Météores ("Shihab" en perse) a intercepté le Moineau noir ("Black sparrow") qui figurait un missile iranien, au large des côtes israéliennes, les chercheurs, les militaires et les politiques de lEtat hébreu qui assistaient au test ont laissé éclater leur joie.
Doron Sulik, vice-président dIsrael Aircraft Industry, (IAI), le fabriquant du système de contrôle de feu du Khetz, ainsi que de son lanceur et du système de contrôle de lancement, a qualifié de "réalisation impressionnante" le test de vendredi, ajoutant que "lArrow avait fonctionné à la perfection en interceptant une cible sophistiquée".
Le missile intrus avait été largué peu avant par un F-15 (voir photo) au dessus de la Méditerranée et il faisait route dOuest en Est en direction de la Terre Sainte. Le but de ce nouvel essai, le 9ème de lhistoire du Khetz, consistait, en conditions opérationnelles, à détruire un projectile possédant les caractéristiques dun Shihab III. Lobjectif manqué un an plus tôt.
Un F-15 de larmée de lair israélienne libère le faux Shihab
La dénomination Shihab III est dailleurs devenue un terme générique, tant les Iraniens attribuent, dans le but de créer la confusion en Occident, ce nom à toute une gamme de missiles aux performances et aux particularités fort différentes. Les Israéliens et les Américains ont pris le parti dappeler Shihab III le MRBM, le missile balistique de portée intermédiaire correspondant au No Dong nord-coréen et au Ghauri II pakistanais. Dans sa version perse, il sagit dune fusée dun seul étage, possédant une portée de 1'300 à 1'500 kilomètres, soit suffisante pour transporter une charge chimique, bactériologique ou nucléaire de lordre de 750 kilos nimporte où sur le territoire de lEtat hébreu.
Lors dessais précédents, le Khetz avait déjà démontré sa capacité à détruire les missiles plus anciens, de type Scud B, C et sa variante Al-Hussein, en service notamment à Téhéran et à Damas. Ces Scud possèdent une portée pouvant atteindre 850 kilomètres et une charge utile (un poids transportable) moindre de celui du Shihab III.
La difficulté principale dans linterception des engins de la classe No Dong réside dans leur vitesse : plus un missile balistique est puissant, plus sa vitesse dapproche est élevée et conséquemment, plus on a besoin de rapidité et de précision lors de son acquisition (identification et suivi) et de sa destruction. Pour pouvoir comparer les défis technologiques posés par ces missiles, nous préciserons que lors de sa phase descendante, le Shihab III-No Dong se déplace à une vitesse de 6 kilomètres par seconde, soit quatre fois la rapidité dun Scud.
Le plan de lessai de vendredi
Détail notable, lors de lessai de vendredi, le système radar du Khetz était couplé à celui des Patriot déployés dans la région. Lidée étant que si la Flèche (Khetz) manquait sa cible, on se ménageait une sorte de seconde et dernière chance, en mettant à contribution les missiles Patriot de conception américaine, destinés à intercepter, à faible altitude, des objets volants non désirables. Cette mesure est intéressante bien que nous considérions quasi nulle la possibilité quun Patriot intercepte un Shihab III.
On comprendra aisément la satisfaction éprouvée par le succès de linterception du Moineau noir à laune des appels du président iranien Mahmoud Ahmadinejad à rayer Israël de la carte, ainsi que des récents avancements de ses compatriotes dans la mise au point dun Shihab III opérationnel. Ces progrès ont été constatés à lOuest.
A ce sujet, la veille même du dernier test de lArrow, le premier ministre israélien Ariel Sharon a prévenu que son pays ne tolérerait pas la nucléarisation de la République Islamique dIran. Et mercredi, le chef des renseignements militaires de Tsahal avait averti quIsraël patienterait jusquà la fin mars 2006 afin de permettre à la diplomatie dobtenir larrêt du programme atomique de Téhéran.
A Métula, nous comprenons fort bien les inquiétudes exposées à Jérusalem et considérons que la dotation de Téhéran en armement de destruction massive et dans les moyens den faire usage fait courir à lensemble de la planète un risque insupportable. Ceci ayant été dit, il reste encore à se poser la question consistant à comprendre quels sont les buts recherchés par la direction islamiste de lIran en sarmant frénétiquement de la sorte.
Dès à présent, pour quune attaque au Shihab ait une chance de percer le filet de protection constitué par les Khetz, il faudrait militairement que les Ayatollahs soient capables denvoyer simultanément au moins six à sept missiles sur Israël, et que leurs alliés de Damas participent à lopération en lançant ce quils ont de Scud sur lEtat hébreu. Les chances de percer cette défense par une telle attaque sont actuellement de 20% ; celles datteindre lobjectif recherché, de 5 à 7% ; celles de détruire Israël (si les missiles sont équipés dogives nucléaires) au point de lempêcher de riposter, de 1 à 3%. Notons que lapplication des enseignements recueillis au terme du tir de vendredi va encore considérablement améliorer le pronostic en faveur dIsraël.
Le risque dune entreprise de cette sorte, pour les dirigeants iraniens, est exorbitant. Dès la première information de Shihab III faisant route vers son territoire, sans attendre de vérifier leur chargement avec exactitude, Israël réduira la Perse en cendres et en fumée. Et contrairement à Ahmadinejad et à ses collègues, lEtat hébreu dispose des moyens, le cas échéant, de mener à terme une attaque nucléaire avec des résultats connus davance. De plus, lIran ne dispose pas de protection anti-missiles, le Khetz étant à lheure actuelle le seul système de ce genre au stade opérationnel.
Et même si daventure Israël était rayée de la carte il est plus que probable que les Etats-Unis ferait le travail à sa place.
En termes stratégiques, la conduite dune telle action par les Iraniens ne constituerait pas une opération suicide mais un suicide tout court. Compte tenu du pronostic dune telle agression, il faudrait que tout lestablishment iranien soit totalement dérangé pour lentreprendre. Alors, que veut Téhéran ?
Un autre scénario catastrophe voudrait que les Perses préparassent une sorte de Super 11 septembre nucléo-bactériologique, non contre Israël seule mais contre plusieurs centres de vie occidentaux. Si on retient cette hypothèse, la mise au point du Shihab III ne constituerait quune étape technologique vers le développement déjà entamé du Shihab IV 3'000 kilomètres de portée , et des Shihab V, Vb et VII encore à létat de concept de 4 à 15'000 kilomètres ! . Israël, dans ce postulat, ne constituerait pas la cible immédiate de lEtat fondamentaliste ; elle pourrait même lui servir dalibi, du style : "nous nous armons pour faire face à la menace nucléaire israélienne".
Mais même cette seconde hypothèse me paraît incroyable, puisque, à linstar de la première, elle se terminerait inéluctablement par le rayage de la carte de lIran. Or, en tant quanalyste stratégique, je ne crois pas en la possibilité quune organisation étatique préparât son suicide de la sorte. Ce, même dans loptique dentraîner dans son trépas des millions dinfidèles. Selon ma lecture des évènements, les dirigeants de Téhéran désirent conquérir la terre à la pointe du sabre de lislam et non disparaître prématurément avec elle. Dautant plus quil se passera encore longtemps avant que les Ayatollahs ne détiennent le pouvoir de détruire toute la planète, or, ils prendraient le risque de faire disparaître des millions de musulmans et de voir leur survivre et triompher deux les rescapés infidèles. La seconde hypothèse non plus ne me semble pas très sensée.
Alors, la raison de la course à larmement de Téhéran, quelle est-elle ?
Je la vois très prosaïque. Elle sert à assurer la pérennité de la République islamiste face à la volonté occidentale de la voir disparaître. Non pas quAhmadinejad et ses pareils soient infatués au point de croire quils sont en mesure de vaincre les Américains lors dun conflit atomique ; en revanche, sils croient que les démocraties hésiteraient longuement avant de faire la guerre à un Iran nucléaire, je partage lopinion des Iraniens. La course à la Bombe et aux Shihab aurait donc pour but de se procurer un parapluie. Un parapluie à labri duquel les imams dIspahan, de Bam, de Hamadan et de Tabriz pourraient continuer à construire la révolution islamique ainsi que les moyens de lui faire conquérir la terre.
Ce serait une bombe à retardement, en quelque sorte sauf si en mai prochain, quelquun leur cassait leur parapluie !