L’ultimatum contre Yasser Arafat, dont les abonnés de la Ména avaient eu le loisir d’apprendre tant l’existence que les conditions en primeur, s’est soldé cette semaine par les conclusions que nous entrevoyions. Il n’y a jamais de surprises avec l’occupant de la Moukata de Ramallah, ce qui facilite la tâche de ceux qui suivent ses pérégrinations.
D’un point de vue théorique - il faut admettre qu’il n’avait pas vraiment le choix - le raïs a accepté de regrouper sous trois commandements la pléthore des services de sécurité qui existaient jusqu’à maintenant dans l’Autorité Palestinienne. Cela correspond à l’une des exigences qui étaient imposées par les coalisés syndiqués derrière le négociateur égyptien, le général Omar Suleiman.
Au niveau de la soumission politique de ces services, l’Egypte, la Jordanie, le Quartette et Israë l exigeaient que leur supervision soit confiée à un nouveau ministre de l’intérieur. Cependant, durant les très âpres discussions, émaillées de menaces et d’insultes, qui ont eu lieu, les coalisés et le Premier ministre démissionnaire Qoreï, d’une part, et le Vieux, de l’autre, n’ont pas réussi à convenir d’un candidat qui leur fut communément agréable. Arafat n’ayant eu de cesse de proposer des hommes de paille, dont il était certain qu’ils allaient lui servir de relais dociles afin de continuer à régner sur les forces de sécurité.
Les discussions ont failli plusieurs fois trébucher sur ce point du choix du ministre de l’intérieur, jusqu’à ce que les Egyptiens fassent indirectement la proposition de dernier recours, consistant à ce qu’Ahmed Qureï occupe également le poste à pourvoir, en complément de celui de premier ministre. Arafat dut se plier à ce qu’il considère comme un pis-aller, mais ce fut au prix de litres de sueur au goà »t acrimonieux.
Au terme d’heures de palabres, il fut aussi convenu que deux des services de sécurité seraient coiffés par le ministère de l’intérieur, donc par Qoreï, alors qu’aucune déclaration n’ayant été faite sur le troisième service, celui de la sécurité générale, on peut ainsi comprendre qu’il demeure aux ordres du reclus de Ramallah.
Cette entorse majeure aux conditions de l’ultimatum a conduit les coalisés à prendre, sans consulter Arafat, des décisions unilatérales de portée considérable. D’abord, ils ont autorisé Ahmed Qoreï à revenir sur sa démission et à accepter d’occuper sa double fonction. La décision fut prise lorsqu’il devint évident pour Qoreï que « les négociations n’iraient pas plus loin et que l’attitude qu’y avait adoptée Arafat les rendait quasiment vides de substance ». « C’était cela et dans ces conditions » avertit-il le Caire, « ou le maintient de sa démission et l’éclatement d’une crise ouverte et publique ». Et « cela et dans ces conditions » sembla préférable aux coalisés à trois titres :
1. Les forces palestiniennes pourraient devenir gérables et en cas d’empêchement d’Arafat à l’implémentation de cette unification, Qoreï disposera de la légitimité voulue afin de s’opposer au Vieux avec l’aide de ses alliés. Pour le surplus, dans la situation prévalant sur le terrain, les coalisés ne considèrent pas qu’Arafat bénéficie des moyens de faire capoter cette réforme.
2. Les Palestiniens disposeront au moins de deux segments de leur sécurité qui seront confiés à une personnalité raisonnable et pragmatique. Et comme me le confiait pas plus tard qu’hier un proche de Dahlan et des Egyptiens « on peut faire pas mal de choses avec deux services de sécurité bien dotés et bien entraînés et le fait qu’ils soient désormais officiellement sortis des griffes d’Arafat augmentera certainement leur efficacité » puis d’ajouter, « le service qui lui reste, avec l’aide des frères et des juifs, sans argent, sans continuité dans ses voies de communication, est de moins en moins opérationnel ».
3. Les coalisés ont décidé d’extraire la bande de Gaza, dans un premier temps et à la veille du départ des Israéliens, du contrôle d’Arafat. Dans les faits, on y est presque déjà ; il ne reste plus qu’à Arafat que quelques unités commandées par son neveu ainsi que des forces de police qui obéiront au plus puissant.
On remarque donc que les conspirateurs ont décidé de prendre Abou Ammar à son propre jeu, celui du double discours, celui qui consiste à paraître abonder dans le sens des ses interlocuteurs à la seule fin de continuer à les berner. Cela s’est senti jusque dans la forme que les partis ont conférée aux choses. Côté Arafat, il a fait annoncer par d’autres toutes les mesures dont je viens de faire état. Côté complot, on s’est gardé de tout commentaire des suites des annonces faites à la Moukata, se contentant de permettre à Abou Ala de reprendre son travail. Un diplomate européen de passage à Ramallah m’a déclaré à cet égard : « Au mieux, il (Arafat) pourrait nous surprendre en bien ». Je me suis bien gardé de lui répondre ce que j’avais au fond du cÅ“ur : « Et que cela changerait-il, avec son consentement ou sans celui-ci, Arafat est out ! » et « C’est cela, oui, voyez Nabil Amr pour les surprises d’Arafat, dont tout le monde à Ramallah connaît l’identité et le mobile des agresseurs ». (Nabil Amr, ex-ministre de l’information, blessé le 21 courant par des hommes de main du raïs et qui vient d’être amputé d’une jambe dans un hôpital allemand, pour avoir critiqué son ancien président Ndlr.).
La saisie rampante du royaume du petit raïs a commencé. Face à la détermination, à la technicité, au nombre et aux moyens de ses adversaires, Arafat va devenir un dirigeant sans pouvoir, un roi sans terres. L’Egypte s’est déjà mise en devoir d’intercepter - pour la première fois - une soixantaine de missiles qui transitaient pour Rafah, et ça n’est qu’un début. Israë l continue à désintégrer les réseaux terroristes, religieux et arafatiens, dans toutes les villes de Palestine, au rythme de 20 terroristes arrêtés ou anéantis chaque nuit. Dans plusieurs larges régions, il ne reste personne capable de perpétrer des crimes contre l’humanité. On est passé de trois assassinats collectifs de civils israéliens réussis par semaine il y a six mois, à un tous les trois mois.
Mais Arafat ne changera pas. Ilan, que je rencontrais à Jérusalem, m’a demandé de suivre avec lui un documentaire sur la télévision d’Etat française (FR2 Ndlr.) jeudi dernier. On y voyait un brave rabbin (le rabbin Philippe Haddad de Nîmes Ndlr.), les larmes aux yeux, serrer la main du bourreau de la Moukata. Il était venu parler de paix et il y croyait ; l’autre, le vampire, avait utilisé sa présence et celle de ses amis afin de nourrir sa guerre. Le lendemain de la visite du rabbin, la plupart des journaux palestiniens et arabes avaient repris l’image des deux hommes et du troupeau d’ingénus qui les entourait. Ils titraient : « Les Israéliens utilisent des munitions à l’uranium appauvri dans leur escalade quotidienne de violence contre le peuple palestinien. Il y a désormais autant de cas de cancer parmi notre population qu’à Hiroshima et Nagasaki » et encore, toujours citant le reclus, « les Israéliens utilisent l’ensemble de leurs avions pour massacrer les Palestiniens ».
Ca s’est toujours passé ainsi : Yasser Arafat nous victimise, en inventant de toutes pièces un génocide affreux qui n’a pas lieu. Les Israéliens disposent d’environ 600 chasseurs bombardiers. Cette année, ils n’en ont utilisé aucun pour leurs éliminations ciblées. Quant aux obus à l’uranium… ils n’ont pas utilisé la moindre pièce d’artillerie depuis le début de l’Intifada. Au sujet des cancers et de sa comparaison avec les villes martyres japonaises, elles prouvent que celui qui nous dirige est un fou, un menteur pathologique, le meurtrier de son peuple ainsi qu’un pyromane de conflits. Ceux qui lui font crédit sont ses complices.
Sur la base de ces raisons, et sur elles seules, il persuade son peuple - qui ignore tout des états de l’uranium autant que de l’emplacement d’Hiroshima - de concéder tous les sacrifices afin de perpétuer sa guerre. C’est comme ça que ça fonctionne, l’arafatisme. Il était temps que cet enfer commençât à tomber…