Dans plusieurs discours et interviews télévisés, les responsables politiques et militaires iraniens ont averti sans ambiguïté que, si jamais leurs installations nucléaires venaient à être attaquées par les Etats-Unis, l’Iran ne manégerait pas ses adversaires. Pour donner plus de poids à ses menaces, l’Iran a présenté aux médias une partie de ses nouveaux systèmes d’armement, dont de petits sous-marins de fabrication nationale et des missiles sous-marins, entre autres missiles. S’il est vrai que l’Iran a plusieurs façons, militaires et autres, de répondre à une offensive visant son programme nucléaire, l’option qui a été envisagée est la fermeture du détroit de Hormuz au passage des pétroliers. L’autre grande option iranienne est la déstabilisation de la région, qui rendrait difficile le maintien de la présence américaine.
Le rapport intégral du Dr Raphaeli peut être consulté en anglais sur http://memri.org/bin/latestnews.cgi?ID=IA29206 . Nous vous en proposons une version abrégée :
A. Implications de la fermeture du détroit de Hormuz
Le détroit de Hormuz est une bande d’océan étroite qui s’étend du Golfe d’Oman au sud au Golfe persique, au sud ouest. Sur la côte nord de trouve l’Iran et sur la côte sud se trouvent les Emirats arabes unis et Musandam. Entre 15 et 16.5 millions de barils de pétrole transitent chaque jour par le détroit de Hormuz, soit près de 25% de la production mondiale de pétrole par jour (table 1)
La fermeture, ou même la menace de fermeture du détroit aurait un impact significatif sur le marché mondial de l’énergie et le prix du brut. Les conséquences seraient désastreuses pour l’Iran également, vu que l’arrêt des exportations iraniennes pourrait sérieusement endommager l’économie iranienne.
Implications sur le marché mondial
Le prix du brut connaît, comme celui de toute autre marchandise, des fluctuations importantes en temps de déficit ou de surproduction. La fermeture du détroit au passage des pétroliers provoquerait un grave déficit qui enverrait une onde de choc sur les marchés pétroliers déjà en proie à des difficultés. Il est aisé d’imaginer la hausse du prix du brut si la menace iranienne se concrétisait. La comparaison avec l’embargo arabe de 1973 sur le pétrole lors de la guerre de Kippour en donne une idée. En 1972, le prix du brut était de trois dollars le baril ; à la fin de 1974, il a quadruplé pour dépasser les 12 dollars. Si le prix du brut, qui varie actuellement entre 70 et 75 dollars, devait à nouveau quadrupler, il s’ensuivrait une récession économique mondiale aux conséquences inédites.
Toutefois, le chute soudaine de l’offre de brut et la flambée des prix en découlant aurait un effet modérateur sur la demande mondiale en raison de mesures de conservation plus efficaces, notamment dans le secteur des transports. Par ailleurs, la plupart des pays de l’OCDE, dont les Etats-Unis, ont bâti des réserves stratégiques de brut susceptibles de répondre à leurs besoins de consommation pour une durée d’au moins six mois. Il convient en outre de relever les précautions prises par l’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de brut, pour prévenir un conflit dans le Golfe.
Implications pour l’Arabie Saoudite
La fermeture du détroit de Hormuz n’affecterait que partiellement l’Arabie Saoudite, premier exportateur mondial de brut.
Implications pour les Etats-Unis
L’importation de brut par les Etats-Unis ne serait que partiellement affectée par la fermeture du détroit. Les chiffres de juin 2006 pour les cinq plus grands exportateurs de pétrole aux Etats-Unis en millions de barils par jour sont le Canada (1.1799), le Mexique (1.1734), l’Arabie Saoudite (1.427), le Venezuela (1.008) et le Nigeria (0.996). Les autres exportateurs vers les Etats-Unis sont l’Irak, l’Angola, l’Algérie, l’Equateur et la Russie. Les Etats-Unis produisent pour leur part 5.2 millions de barils par jour. Le Venezuela pourrait mettre un terme à son approvisionnement pour marquer sa solidarité avec le régime théocratique d’Iran. Le président socialiste Hugo Chavez n’a en effet manqué aucune occasion, ces derniers temps, de se solidariser des forces du despotisme. Comme noté plus haut, les exportations de brut d’Arabie Saoudite pourraient également être affectées, mais seulement partiellement. (1)
Implications pour l’Iran
Les dix principaux pays destinataires des exportations iraniennes sont le Japon (de loin le plus important), la Chine suivie de la Corée du Sud, l’Italie, la France, les Pays-bas, la Turquie, l’Afrique du Sud, Taiwan et la Grèce. Il est certain que l’Iran pèsera une décision susceptible de porter atteinte à ses principaux clients en raison d’un éventuel conflit avec les Etats-Unis.
Avec un taux de chômage qui atteint les 15 pourcents, les conséquences de l’assèchement des revenus du pétrole pourraient déclencher des réactions populaires contre le régime des mollahs de Téhéran. C’est pourquoi on peut imaginer que l’Iran évitera de prendre de trop gros risques, malgré ses menaces et sa capacité, réelle ou imaginaire, à détruire tout bateau passant par le détroit de Hormuz.
B. Conflit et instabilité en Irak
Un analyste des affaires étrangères a déclaré sur Al-Jazeera que « les alliés auraient tort d’attendre des Iraniens qu’ils exercent une influence apaisante sur les chiites irakiens alors que [les alliés] traînent l’Iran sur les charbons ardents avec la question nucléaire. » (2)
L’Iran maintient une forte présence en Irak, notamment dans le sud. On sait à l’heure actuelle que des centaines de membres de la Mukhabarat iranienne [renseignements] et les Gardiens de la Révolution ont infiltré différents services de sécurité irakiens, notamment au sud de l’Irak. Beaucoup d’autres pourraient entrer dans les deux villes saintes de Nadjaf et Karbala en se faisant passer pour des pèlerins ou en franchissant la frontière irakienne non surveillée. L’ambassadeur des Etats-Unis en Irak, M. Zalmay Khalilzad, a confirmé en juillet à la presse que les Iraniens maintenaient une présence militaire en Irak.
Deux des plus puissantes milices irakiennes chiites, la Brigade Badr associée au Conseil suprême de la Révolution islamique en Irak (CSRII) et Jeish al-Madhi, qui connaît un fort essor sous la direction du religieux radical Muqtada al-Sadr, sont financées et entraînées par l’Iran ; l’Iran peut rapidement les pousser à l’action contre les forces multinationales, comme il a fait en encourageant le Hezbollah à attaquer Israë l au Liban. Une récente étude de Chatham House montre que c’est Téhéran, plus que Washington, qui contrôle la rue irakienne. (3) Les affrontements qui ont opposé Jeish al-Mahdi et l’armée irakienne dans la ville de Diwaniya au sud de l’Irak fin aoà »t 2006 prouvent la capacité d’al-Sadr et de ses maîtres à Téhéran à initier une action militaire s’ils le souhaitent. Jeish al-Mahdi a déjà commis nombre de violences en cherchant à appliquer les règles de la Sharia dans les rues de Bagdad et ailleurs, et en privant l’Irak de ses derniers vestiges laïques. Cette milice a aussi été impliquée dans des meurtres de Sunnites. Si jamais al-Sadr émerge comme le seul leader du peuple irakien, il instaurera un régime de type taliban.
L’Iran pourrait aussi, par des actes de sabotage, interrompre l’exportation de pétrole irakien, ce qui priverait le gouvernement d’un revenu de près de 25 millions de dollars en 2006, des moyens de payer les forces de sécurité, en transformant ces dernières en un élément d’instabilité politique. Parallèlement, une telle interruption enverrait une onde de choc sur le marché mondial de l’énergie en le privant de près de deux millions de barils par jour de pétrole irakien.
Conclusions
Si jamais les installations nucléaires iraniennes venaient à être attaquées, les représailles iraniennes seraient à envisager sur le sol irakien plutôt que sur le marché mondial de l’énergie ; ce serait à la fois plus efficace, moins risqué et meilleur marché pour l’Iran.
L’Iran aspire à jouer un rôle de grande puissance au Moyen-Orient ; le défi lancé par Ahmadinejad au président George W. Bush avec la proposition d’un débat télévisé opposant les deux dirigeants révèle l’aspiration du premier à devenir l’égal ou le supérieur du second. Comme le note l’étude de Chatham House, « la présidence de Mahmoud Ahmadinejad a ajouté une complication à la dynamique des aspirations géopolitiques de l’Iran en introduisant à l’équation un millénarisme que même les Iraniens trouvent inquiétant. » (4)
Face à la Russie et à la Chine, il reste à voir si le Conseil de sécurité des Nations unies prendra des mesures contre l’Iran une fois passée la date limite du 31 aoà »t 2006 imposée à l’Iran. A l’instar des marchands rencontrés dans les marchés iraniens, les diplomates iraniens peuvent étirer indéfiniment les négociations sur leur « technologie nucléaire ». Ce n’est que quand ils n’auront plus le choix qu’ils accepteront un arrangement.
*Le Dr Raphaeli est analyste au MEMRI
Annexe
MEMRI TV Clip #1246 - Iranian Generals Reveal New Weapons Systems and Methods and Discuss the Possibility of Confrontation with American Forces in the Persian Gulf
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1246
MEMRI TV Clip #1102 - Iranians Test « Highly-Advanced Flying Boat » and Two Missiles
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1102
MEMRI TV Clip #1097 - Iranians Present New High Velocity Underwater Missile
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1097
MEMRI TV Clip #1095 - Iranian TV Shows Divers Train in Mine Planting
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1095
MEMRI TV Clip #1065 - Footage of New Iranian Nahang 1 Submarine
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1065
MEMRI TV Clip #780 - Iranian Defense Minister Ali Shamkhani on Iran’s Space Activities
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=780
MEMRI TV Clip #779 - Mesbah - A New Iranian Satellite
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=779 <http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9& ;P1=779>
MEMRI TV Clip #676 - Iranian TV Shows a Scale Model of « New Iranian Submarine » - The Ghadir
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=676
MEMRI TV Clip #575 - Iranian Generals : Recent Wars in the Region Allowed Us to Prepare for the Americans
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=575
MEMRI TV Clip #272 - Footage from Tehran Military Parade
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=272
MEMRI TV Clip #252 - Iranian Revolutionary Guard Official in Tehran University Lecture (Part II) : We Plan To Target US Nuclear Warheads on US Soil ; Should Take Over England
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=252
MEMRI TV Clip #212 - Iranian Minister of Defense on Possible Iranian Preemptive Strike
http://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=212
(1) La plupart des données sont tirées de publications de l’Energy Information Administration [agence américaine gouvernementale]
(2) « L’Iran sur l’Irak et l’Agence pour l’énergie atomique internationale, » Al-Jazeera.com (31 aoà »t 2004)
(3) L’Institut royal des affaires internationales, « Iran, its Neighbours and the Regional Crises, » Londres, 2006, p. 20.
(4) Ibid, p. 8.