L’attentat contre le quartier général de l’ONU à Bagdad n’est survenu que cinq heures avant l’attaque suicide qui a eu lieu à Jérusalem contre un bus transportant des familles entières alors qu’elles revenaient de prière. Plus de 20 morts et quelque 100 blessés, tel est le bilan de chacune de ces attaques.
Un groupe encore inconnu a revendiqué l’attentat meurtrier à Bagdad ; en revanche, nous savons très bien qui, à Jérusalem, a brisé la vie de nombreuses familles.
Son nom était Raad Abd-el-Hamis Mask et il venait d’Hébron. Ce n’était pas l’adolescent pauvre, illettré et endoctriné que l’on nous décrit habituellement comme le candidat-type aux attaques suicides. Non. Il appartenait bien plutôt au camp des prosélytes : ce dignitaire ecclésiastique, imam dans l’une des plus éminentes mosquées d’Hébron, enseignait ainsi la religion à des lycéens.
Ces attaques ne sont certes pas le fait d’un seul homme. Elles ont pourtant une chose en commun : une force identique, de celle que Salman Rushdie a désigné sous le vocable de « paranoïa islamiste  », animait l’esprit de ces deux terroristes. On peut se demander si un tel phénomène n’explique pas, pour une grande part, la violence qui prévaut dans le monde actuellement : de l’Indonésie au Cachemire, du Soudan à la Tchéchénie, du Moyen-Orient à l’Afrique du Nord, sur 28 conflits en cours, pas moins de 25 impliquent des islamistes.
La paranoïa islamiste s’enracine dans deux croyances : la première étant que « la modernité  », « l’Occident  », « les Juifs  », « les grandes puissances  », ou encore « la communauté internationale dans son ensemble  » n’ont qu’une préoccupation, la ruine de l’Islam ; la seconde, par conséquent, exige de tout bon croyant qu’il devance la menace en massacrant tous ces funestes adversaires.
En réalité, c’est bien la paranoïa islamiste qui constitue le pire ennemi de la civilisation musulmane, quitte à trahir ses valeurs, son héritage et sa longue tradition de tolérance et de sagesse. Le chauvinisme extrémiste est aujourd’hui devenu la véritable menace pour la culture arabe en général et pour la grande majorité des structures politiques en particulier.
Par une étrange ironie, c’est également cette combinaison de paranoïa et de chauvinisme agressif qui mine aujourd’hui la société israélienne. A cet égard, il n’est pas sà »r que certains pays chrétiens n’en soient pas tout à fait exempts.
Il s’agit là d’une maladie mortelle qui ne saurait être combattue par la violence, mais à laquelle il convient de remédier. Je crois pour ma part que l’antidote à cet islamisme devenu fou ne peut être trouvé qu’à la source d’un Islam modéré et sain. Cela est universellement vrai, car toute culture contient en germe sa propre folie.
La destruction ne guérit pas de la folie. C’est pourquoi nous devons désormais approuver, soutenir les éléments sains et notamment accorder toute notre confiance à la majorité silencieuse, aux forces pragmatiques, vivaces encore au sein de nos cultures et de nos sociétés. Plutôt que de désigner à la vindicte l’Islam en tant que tel, ou les Juifs, ou encore l’Occident, cherchons, trouvons et soutenons les modérés de tous les pays ! Aidons-les à l’emporter ! Aidons-les à apaiser et à guérir les membres malades qui gangrènent l’ensemble de la communauté.
Cependant il manque aux modérés la force de la conviction : ils ne sont pas saisis de la même ferveur que les fanatiques religieux lorsqu’ils défendent leur cause. Les modérés aujourd’hui ne doivent plus craindre de s’enflammer. Ceux qui connaissent l’alliance de la modération et de la détermination méritent d’avoir le monde en héritage, et ce parce qu’ils n’auront jamais lancé ni croisade ni djihad pour sa possession.
* Ecrivain israélien, auteur de nombreux romans dont Une panthère dans la cave (Calmann-Lévy, 1997)