Revue de la presse israélienne du Congrès Juif Européen

Jérusalem,le1/5/07                                                                                                      Numéro 361

Le grand titre:

Commission Vinograd: conclusions très dures.

Tous les quotidiens consacrent leurs manchettes, leurscommentaires et de nombreuses pages d'actualité au rapport intérimaire de laCommission Vinograd rendu public hier, un  rapport accablant pour lestrois principales personnalités que sont l'ancien chef d'état-major DanHaloutz, le ministre de la Défense Amir Peretz et le Premier Ministre EhudOlmert.

Principales conclusions du rapport:

Ehud Olmert

La commission Vinograd reproche au Premier Ministre d'avoir prisla décision d'entrer en guerre, le 12 juillet dernier, sans avoir étudié lesdifférentes options qui s'offraient à lui et sans avoir exigé de Tzahal qu'ellelui expose ses différents plans d'attaque. La commission reproche à Olmertd'avoir agi dans la précipitation, sans écouter l'avis d'experts pluscompétents que lui en matière de sécurité: Nous estimons que le PremierMinistre est responsable, tant sur le plan ministériel que personnel, de gravesdéfaillances dans les décisions qui ont été prises ainsi que dans le processusqui a précédé les opérations militaires… Ehud Olmert a échoué en tant que leader quidoit conduire son pays vers une opération militaire avec pondération etresponsabilité", a déclaré le juge Winograd. Ehud Olmert se voitenfin  reproché par la commission d'avoir fixé des objectifs tropambitieux au début de cette guerre sans percevoir qu'ils seraient impossibles àatteindre.

Dan Haloutz:

L'ex chef d'état-major, qui a démissionné en janvier dernier, estle plus sévèrement mis en cause: "Le général Haloutz a échoué dans sesfonctions de commandant en chef de l'armée.  Il a révélé des carences dansson professionnalisme, sa responsabilité et son jugement", affirme laCommission qui accuse le général Haloutz d'avoir minimisé l'importance de lamenace des katiouchas et d'avoir pensé qu'il serait possible  de secontenter de frapper le Hizbollah à l'aide de raids de l'armée de l'air:"Ce faisant, le général Haloutz n'a pas préparé d'opération terrestres eta repoussé les avis de généraux de l'état-major qui lui recommandait, dès lepremier jour des combats de mobiliser les réservistes en prévision d'une telleopération. Dan Haloutz, aurait, également donné le sentiment à l'échelonpolitique que l'armée était fin prête à partir en guerre. De même, il auraitprofité de l'inexpérience d'Ehud Olmert et d'Amir Peretz pour imposer son avis.La commission reproche à Haloutz de n'avoir pas proposé de solutions créativeset d'avoir agi de manière impulsive

Amir Peretz:

La Commission reproche  à Amir Peretz de n'avoir pas consultéles experts militaires alors qu'il était totalement inexpérimenté. Ellecritique également le fait même que Peretz ait accepté de devenir ministre dela Défense alors que ce domaine lui était totalement étranger. Selon laCommission Amir Peretz n'a pas  vérifié l'état de préparation de l'armée.Pour le juge Vionograd, la présence d' Amir Peretz au poste de ministre de laDéfense durant la guerre "a affaibli le gouvernement dans sa capacité defaire face à ses défis".

Les manchettes et sous-titres:

Maariv: "Olmert, vers la porte de sortie". Pendant huit mois,l'Etat d'Israël a attendu les conclusions de la commission Vinograd. Et hier ils'est avéré qu'il s'agit d'un véritable tremblement de terre politique etpublic.  Selon des proches du Premier Ministre, il ne parviendra pas àrester en fonction après un rapport aussi accablant. Mais hier dans uncommuniqué à la Nation, Ehud Olmert a refusé de démissionner.

Yediot Aharonot: "La commission Vinograd a mis un pistolet politiquesur la tempe d'Ehud Olmert ", affirment des proches du Premier Ministre.Selon le YediotAharonot,Ehud Olmert aurait été stupéfait par la gravité du rapport Vinograd.

Haaretz titre: Vinograd à Olmert: "Vous avez échoué". Olmertréplique: "Je ne m'en irais pas". Extrait du rapport: "Nousespérons, affirment les membres de la commission, que nos conclusions pourrontservir de tremplin à une confrontation renouvelée de la société israélienneavec ses objectifs à long terme et  avec les moyens de lespromouvoir".

Les réactions des trois personnalités incriminées

Tous les quotidiens: Dans un communiqué télévisé lu d'une voix hésitante, lePremier Ministre, qui est apparu très tendu et sombre, a déclaré qu'ilreconnaissait que des erreurs avaient été commises, y compris par lui, et qu'ilavait l'intention de les corriger. Mais il a affirmé qu'il n'avait pasl'intention de démissionner: "Ce ne serait pas juste d'agir ainsi" adit Ehud Olmert qui a expliqué qu'une démission de sa part provoquerait unvéritable secousse au sein du pays. Les journaux soulignent que la premièreréaction d'Olmert a été la stupéfaction. Plus tard, un de ses conseillers aavoué que le pire scénario pour Olmert s'était concrétisé.

De son coté, Amir Peretz ne pense pas, lui aussi, qu'il ait besoin dedémissionner. Et il l'explique:"On ne remplace pas un leader parce qu'iln'a pas suffisamment consulté  les experts" a affirmé Peretz. Et dansson entourage, on affirme qu'il est sorti moins affecté qu'Olmert et Haloutzdes conclusions de la Commission.

Réaction de Dan Haloutz: les journaux rappellent que l'ancien chefd'état-major suit actuellement un prestigieux cours de chefs d'entreprise àHarward aux Etats-Unis sur le compte de l'armée. Il s'avère que dès que Haloutza vu des journalistes approcher de sa résidence sur le campus de l'université,il a alerté la police qui a chassé les journalistes israéliens venus recueillirsa réaction. Plus tard, par le biais du porte- parole de Tzahal, Haloutz a rappelé"qu'il avait déjà reconnu ses erreurs en démissionnant  et qu'iln'avait pas attendu le rapport Vinograd".

L'avenir politique d'Olmert:

Tous les journaux s'interrogent sur ce que va faire Olmert,désormais. Ils font remarquer que la plupart des dirigeants de Kadima se sontrangés officiellement derrière le Premier Ministre mais que la chef de ladiplomatie Tzipi Livni est restée discrète hier lors de la réunion du groupeparlementaire Kadima après la publication du rapport. Elle a simplement déclaréque pour elle cette affaire dépassait le cadre personnel et  qu'ils'agissait de "l'avenir de l'état d'Israël et de ses futurs défis"."C'est plus important que nous deux et c'est ce que j'ai dit au PremierMinistre" a indiqué Livni.  

Cpendant, d'ores et déjà, en apparté des responsables de Kadimaappellent à une forme de rébellion: "Le Premier devra démissionner tôt outard. Il est fini. Et s'il ne part pas, il nous obligera à le destituer" adéclaré un responsable anonyme de Kadima.

Réactions dans la classe politique et à l'étranger

Tous les quotidiens: Au sein de la classe politique, gauche et droiteidéologique font front commun pour exiger la démission d'Olmert et dePeretz. 

Au sein du parti travailliste, c'est l'incertitude et l'embarras:le ministre travailliste Eytan Kabel a annoncé qu'il envisageait de quitter legouvernement: "On ne peut faire abstraction des propos tenus envers nousles ministres de ce gouvernement. C'est un tremblement de terre politique"a dit Kabel (L'annonce de la démission de Kabel se confirme ce matin.).

Yediot Aharonot: Si Kabel démissionne, cela pourrait pousser d'autresministres travaillistes à quitter le gouvernement et à exiger de Peretz qu'ilquitte le ministère de la Défense sans délai, avant les primaires travaillistesdu 28 mai. Les candidats à la Présidence travailliste Offir Pines, et DanyYatom ont déjà réclamé la démission. Les journaux font également remarquer lesilence de deux anciens Premiers Ministres Ehud Barak et ByniamineNetanyaou:" Ce rapport est suffisamment grave. Toute déclarationsupplémentaire serait superflue", ont déclaré les proches du Président duLikoud.

Par contre, au sein de la coalition, on soutient Ehud Olmert:"L'heure n'est pas aux règlements de compte  politique mais plutôt à tirerdes leçons de ce qui s'est passé" a déclaré Avigdor Liberman , président d'IsraëlBetenou. "Nos ennemis se frottent les mains en assistant a cespectacle", a affirmé le patron du Chass Elie Ychaï. Quant au leader desretraités, le ministre Rafi Eytan, il estime que "seul ce gouvernementpeut corriger les carences mentionnées par la Commission".

Réactions internationales:

Aux Etats-Unis, le Président Bush a encouragé Olmert etl'a qualifié de "partenaire incontournable dans la poursuite du processusde paix".   

Dans le monde arabe, la publication du rapport Vinograd a étésuivie avec attention. La chaine du Hizbollah, Al Manar a diffusé, en directavec traduction simultanée, la conférence de presse du juge Vinograd. Peuaprès, le leader du Hizbollah Hassan Nassarala a déclaré que"le triangle israélien de la Guerre, Olmert-Peretz Haloutz avait échoué etque cette guerre avait été une victoire pour le Hizbollah qui avait prouvé sapuissance". "Les Palestiniens n'ont pas été surpris, écrivent lesjournaux, des conclusions de la commission Vinograd.  Mais la réactionde  Fares Kadoura, l'un des dirigeants du Fatah au Yediot Aharonot est intéressante:"Je vous envie. Les membres de la Commission sont des sages qui ont offertau peuple israélien la possibilité de participer à un débat sur des questionsimportantes. C'est l'expression de la démocratie, par excellence et je vous enfélicite". Par contre, un dirigeant arabe interrogé toujours par le Yediot Aharonot, a affirmé que"le monde arabe ne regrettera pas le départ d'Olmert: nous pouvonssupposer qu'à cause des conclusions accablantes, Olmert va tenter de lancer uneinitiative de paix mais il découvrira rapidement que nous n'y donnerons passuite".

Réactions des familles endeuillées:

Tous les quotidiens citent les réactions des familles endeuillées quiappellent plus que jamais à la démission d'Olmert et de Peretz et qui égalementappellent l'ensemble de la population israélienne à venir manifester jeudi soirsur la place Rabin pour obtenir gain de cause sur ce point.

Haaretz : Le général de réserve Ouzi Dayan qui est l'organisateurappelle les Israéliens à venir à cette manifestation: C'est comme répondre à unordre de mobilisation nationale. Les organisateurs sont persuades que des dizainesde milliers d'Israéliens seront présents jeudi soir sur la place Rabin.

Les commentateurs:

Yediot Aharonot: Nahum Barnéa écrit: "Au bout du compte, Ehud Olmertdoit s'en aller. Pas à cause de ses défaillances durant la guerre mais parcequ'après un tel rapport, publié par une telle commission, qu'il a lui-mêmenommé, si le Premier Ministre devait rester à son poste, cela signifierait lafin de toute forme de responsabilité personnelle et Israël rejoindrait alorssolennellement le Tiers Monde. Politiquement, Olmert peut survivre. Non pasparce que la conduite de la guerre a été un succès mais parce que l'alternativeselon les standards fixés par la Commission n'est pas meilleure. Ni dans le casde Bibi, ni dans celui de Livni, ni même dans celui de Barak. Olmert estcondamné a gouverner dans une atmosphère générale hostile et à courtterme", écrit Barnéa

Yediot Aharonot: Simah Kadmon écrit: "Ces conclusions ont quelquechose d'effrayant pour chacun d'entre nous. Il ne s'agit pas de simples défaillances.C'est bien plus grave et c'est un miracle que cet état tienne encore le coup.Car un état dans lequel le Premier Ministre a commis des erreurs de jugement,dont l'état-major a fait manque de créativité  et dont le gouvernement avoté le départ en guerre sans mesurer les conséquences de son vote, est un étatqui a été laissé à l'abandon.

Yediot Aharonot : Pour Alex Fishman, l'accusé No 1 de cette commissionVinograd est l'ex-chef d'état-major Haloutz. Il a mené l'échelon politique parle petit doigt et  a entraîné le pays entier dans une guerre qui s'estterminée par un échec. Haloutz, un chef d'état-major puissant, centralisateur,avec une approche bien précise s'est retrouvé face à un échelon politiquefaiblard entièrement dépendant de lui. Pas étonnant, que, selon le rapport legénéral Haloutz ait pris les commandes à la place de cet échelonpolitique".

Yediot Aharonot: Ariela Ringel-Hofman écrit: "Ce qui est rassurantet réconfortant, c'est que ce rapport ne bluffe pas. Ce rapport décrit en termesjuridiques sobres ce que nous savons tous depuis huit mois. Que trois hommesont conduit cette guerre avec maladresse, négligence,  amateurisme etarrogance. Une guerre au cours de laquelle 119 soldats et 37 civils ont perdula vie. Des enfants, des frères, des parents.  Et des familles quidemeurent avec de cruels alanguissements et qui se disent que tout aurait puêtre si différent".

Maariv: Dan Margalit appelle dans son éditorial la populationisraélienne à descendre dans la rue pour exiger la démission d'Olmert:"Une nation que aspire à vivre ne peut laisser Olmert et Peretz auxcommandes du pouvoir.  Ils ont perdu la confiance du peuple, le minimum deconfiance nécessaire pour décider s'il faut lancer Tzahal dans une opération àGaza ou pour décider s'il faut se retenir face aux tirs de Kassem. Et ces deuxont encore le toupet de ne pas demander pardon et de mobiliser une armée deporte-parole pour les défendre.  Et Margalit raconte comment aux premièresheures de la guerre Ehud Olmert qui était encore, à l'époque, son ami intimeparaissait sur de lui et persuadé que le conflit se terminerait par unevictoire sans appel de Tzahal.

Maariv: Yonathan Geffen, le célèbre parolier israélien appelle lui aussiOlmert et Peretz à démissionner: "Cette guerre stupide n'a pas seulementélargi le cercle des familles  endeuillées, elle a également provoqué,chez elles, la colère. Désormais, des parents réfléchiront cent fois avantd'envoyer leurs enfants dans une armée dont le chef n'était pas prêt à faire laguerre mais par contre, savait exactement quel était l'état de son compte enbanque".

Maariv: Ben Caspit écrit: " La tragédie d'Olmert est personnelle etnationale…Le juge Vinograd etles membres de la Commission ont rendu un grand service à l'état d'Israël. Ilsont réalisé une mission sacrée. Leur rapport est crédible , détaillé, clair. Etils n'ont fait de réduction à personne. Avec tout le respect que l'on peutavoir pour l'avenir d'Olmert, il y a dans ce rapport des choses plusimportantes. Il y a là une occasion unique de corriger le système de prise dedécisions en Israël et de rectifier la conduite du pouvoir. De ce point de vuelà, ce rapport est une pluie rafraîchissante après 34 années étouffantes"

Maariv : Nadav Eyal se penche sur la situation au sein de la classepolitique: "Tout le monde se jauge, pour l'instant. La coalition regardece qui se passe à Kadima. Le groupe parlementaire Kadima se penche sur ce quise passe au sein du gouvernement et les ministres se penchent sur une personnalitéqui détient entre ses mains le pouvoir de déterminer si ce rapport intérimaireprovoquera vraiment un tremblement de terre politique ou bien s'estompera aufil des jours. Cette personnalité, c'est Tzipi Livni".

Haaretz: Yossi Werther, le juge Vinograd a mis hier la corde au coud'Ehud Olmert: il  a commencé à serrer tout doucement. Reste maintenant àsavoir qui sera celui qui donnera un coup de pied dans le tabouret fragile quisoutient encore le Premier Ministre. Est-ce que ce sera Ehud Barak ou bienTzipi Livni qui, hier, a refusé de s'engager aux cotés d'Olmert. Ou bien est-ceque ce sera l'opinion publique israélienne qui devrait prendre de l'ampleurdans les prochains jours" se demande Werther.

Haaretz: Pour le Professeur Segal, ce rapport est le plus sévère jamaispublié par une commission d'enquête. En publiant un tel rapport, la commissionse hisse au niveau des plus importantes commissions d'Etat comme celled'Agranat qui avait enquêté sur la guerre de Kippour. Et ceux qui disait d'ellequ'elle serait une commission complaisance envers Olmert qui l'avait désigné,doivent ce matin lui tirer leur chapeau".

Haaretz: Pour Alouf Ben, le rapport Vinograd est le coup le plus durjamais porté à un dirigeant politique israélien: "Ce sont des conclusionsstupéfiantes par leurs gravités, qui dénient à Olmert tout jugement conséquentlors de sa décision de déclencher la guerre.

Haaretz: Ehud Ashari est l'un des seuls éditorialistes à se positionnerrésolument aux cotés d'Ehud Olmert. Il se demande ce que la commission Vinogradaurait dit du comportement de Ben Gourion durant la guerre du Sinaï en 56 qui a coûté la vie à 171 soldats israéliens, et ce qu'elle aurait dit deMenahem Begin qui a déclenché la première guerre du Liban (670 soldats tués):"Ehud Olmert n'a pas eu la chance de ses aînés. Il n'a pas pu profiter dela moindre marge de manœuvre. Mais, maintenant il est certain qu'il a comprisla leçon  et c'est en soi une raison suffisante pour le maintenir à sonposte".